« Boyhood », de Richard Linklater, un hymne à la vie

"Boyhood", de Richard LinklaterComment traduire Boyhood ?
Le film retrace sur douze ans l’enfance d’un garçon depuis l’âge de six ans jusqu’à l’âge de dix-huit ans.
Pour réaliser un long métrage de fiction sur l’enfance dans sa globalité, avec ses étapes et ses expériences décisives, le réalisateur Richard Linklater a choisi un procédé déjà employé par le documentaire et par les premières séries américaines du soap opera, et a décidé de filmer l’enfant et sa famille quelques jours par an pendant une longue période de temps.
Au lieu de se focaliser sur un âge précis comme François Truffaut dans Les quatre cents coups par exemple, il a voulu montrer tous les âges de l’enfance chronologiquement et en temps réel. Truffaut a suivi Antoine Doinel toute sa vie et lui a consacré plusieurs films dans lesquels on voit Jean-Pierre Léaud se transformer. Linklater a voulu concentrer en un seul cette évolution.

 

Le portrait d’une famille texane emblématique

Il a donc composé une famille texane emblématique, un père et une mère divorcés, Mason et Olivia – Ethan Hawke et Patricia Arquette –, une fille, Samantha – sa propre fille, Lorelei – et un garçon, Mason junior – Ellar Coltrane, qui a accepté ce défi d’un nouveau genre.
Réunissant cette famille fictive (à laquelle s’adjoignent quelques rares épigones – la grand-mère, une amie secourable, les maris de la mère, la nouvelle épouse du père -) et la même équipe technique quelques jours chaque année, le cinéaste met en boîte des images qu’il monte au fur et à mesure. La première scène où l’enfant surprend la dispute entre sa mère et son boyfriend du moment indique que le point de vue de Mason junior va être choisi par la caméra subjective du cinéaste. Ni scénario précis, ni dialogues pré-écrits. Seulement un schéma global fondé sur les jalons de toute enfance : les visites du père, les divorces de la mère, les déménagements, les écoles, le premier amour, la « graduation ».
Mais le film est aussi structuré par l’actualité qui sert d’arrière-plan : la guerre d’Irak, l’élection de Barak Obama, l’investissement dans la politique et la façon dont un enfant devient un adolescent qui pense différemment de ses parents. Et par l’évolution des conversations de l’enfant avec son père sur la mort des ratons laveurs, les jeux vidéo ou les filles et l’amour.
 

Le montage, c’est la musique du film

Richard Linklater s’est toujours intéressé au passage du temps. J’avais beaucoup aimé sa trilogie amoureuse jouée par Julie Delpy et Ethan Hawke, Before sunset (1995), Before sunrise (2004), et Before midnight (2013) qui montre la vie d’un couple depuis sa première rencontre jusqu’à sa vie conjugale.
J’attendais donc Boyhood avec impatience. Le résultat dépasse mes espérances. En digne disciple d’Orson Welles à qui il a consacré un beau film en 2009 : Me and Orson Welles, le cinéaste sait que « le montage, c’est la musique du film ». Il parvient à nous faire vivre en 164 minutes la vie d’un enfant qui, grâce à un montage d’une infinie fluidité, se transforme sous nos yeux, changeant insensiblement de visage, de corps, de préoccupations.
Les modes y jouent un grand rôle : les coiffures de sa mère, les vêtements de sa sœur se transforment ; les enfants grandissent, les parents ne mûrissent pas vraiment. La mère croit toujours trouver l’homme idéal sans le reconnaître dans le père de ses enfants. Une série de séquences lyriques capturent des instantanés successifs qui évoquent pour chacun de nous les moments privilégiés qui émergent dans nos mémoires.
 

Un hymne à la vie

Ce film sur l’enfance, son charme, ses tourments, l’incurable nostalgie qu’elle laisse au cœur de chacun, est, avec une grâce parfaite, le plus bel hymne à la vie possible. Il traduit aussi bien les troubles émois de l’adolescence que les joies et les soucis que comporte l’éducation des enfants et les aléas des vies de couples.
Simple et épique à la fois, cette fresque saisit l’essence même de la vie dans son frémissement, et parvient à capter son insaisissable évolution.

Anne-Marie Baron

Anne-Marie Baron
Anne-Marie Baron

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