“À l’assaut ! La baïonnette dans la Première Guerre mondiale”, de Cédric Marty

Les commémorations de la Grande Guerre sont l’occasion de revisiter les lieux communs qui circulent encore autour des mémoires du conflit. Des stéréotypes comme « les soldats sont partis la fleur au fusil à l’été 1914 » ou « la guerre a participé à l’émancipation des femmes » ont encore trop souvent la vie dure.
Ils participent d’une vision fantasmée de la guerre 14-18 et de la guerre en général. Ils impliquent souvent une lecture de l’histoire inscrite dans le « roman national » qu’il convient de détricoter pour mieux « faire histoire ».

La thèse soutenue en février 2014 à l’université de Toulouse par Cédric Marty et désormais publiée part à l’assaut d’une image d’Épinal tenace de la Grande Guerre : la place de la baïonnette, cette « Rosalie » tant chantée par les chansonnier à l’arrière et ventée par les cartes postales patriotiques.
Pointant avec finesse et conviction les représentations associées à l’épée-baïonnette, Cédric Marty montre par les pratiques au plus près des soldats qu’elle ne fut pas ce que l’on croit. Et plutôt un instrument vite remisé dans son étui ou servant d’outil aux Poilus dans l’inconfort des tranchées. Car comment se servir autrement de cette arme encombrante de plus de cinquante centimètres de long alors que l’on ne voit que rarement l’ennemi et que l’on combat au ras de la terre ?
Après les travaux portant sur les embusqués, les profiteurs de guerre ou la camaraderie au front, cet ouvrage très bien documenté nous convainc que le discours de guerre dominant n’est souvent pas celui que vivent les acteurs au plus près de leur expérience. Et que l’historien, comme le pédagogue, se doit de combattre les idées (trop) reçues qui peuvent conduire à soutenir des représentations faussées et participer à une vision bien peu conforme à la réalité.

Alexandre Lafon

• Cédric Marty, “À l’assaut ! La baïonnette dans la Première Guerre mondiale”, Paris, Vendémiaire, 2018, 312 p.