Comment concevoir une « première » séquence de littérature ?

"Une salle de classe", par Jan Steen, 1625-1679
“Une salle de classe”, par Jan Steen, 1625-1679

Comment concevoir une première séquence ? Avant de rentrer dans une approche fine des textes retenus et des angles d’attaque didactiques à privilégier, posons-nous simplement la première question : combien la séquence programmée contiendra-t-elle de séances ?
Précisément, ne nous disons pas, Je prévois de faire durer cette séquence trois semaines, mais, plus concrètement, À combien de séances cela correspond-il ? Ce qui implique évidemment de travailler avec un calendrier sous les yeux.
Selon cette démarche pragmatique, on se rendra bien vite compte que le temps est en réalité compté et qu’il va falloir assumer de réels choix didactiques pour ne pas trop déborder : en partant du principe simple qu’une séquence trop longue se révèle immanquablement contre-productive !
Ajoutons un conseil complémentaire qui valide la stricte évaluation du temps réel imparti pour la réalisation de la séquence. Il s’agit tout simplement de s’autoriser une case blanche joker sur l’ensemble des séances possibles : tout simplement parce que l’expérience montre que sur trois semaines, il est impossible de parvenir une optimisation parfaite des séances (les aléas de la réalité scolaire « aidant »…).

 

Ne va voir trop grand trop vite

La didactique d’une discipline implique de savoir garder raison. Non pas qu’il faille renoncer à l’ambition mais il faut faire preuve de lucidité. L’observation des classes des « néo-profs » montre très nettement que la première séquence est souvent dilatée dans la mesure notamment où elle s’articule autour de trop d’enjeux en ignorant par inexpérience – légitime – le principe de réalité.
Essayons de traduire cette idée sur le plan concret. Si l’on dit que, dans une période (située entre deux plages de vacances), on se doit de placer deux séquences, il convient de garder en tête que l’équilibre 50% / 50% reste rarement tenable. Par là même, le bon sens implique que l’on réfléchisse en matière de « macro » et de « micro » séquences. Qu’est-ce à dire ? Tout simplement, pour prendre par exemple le cas d’une séquence sur L’Odyssée en classe de sixième, que cette séquence risque fort de déborder et que la séquence qui suit (complétant la période) a donc de bonnes chances d’être tronquée.
En ce cas, pourquoi ne pas prévoir sur la même période une séquence complémentaire plus courte (sachant en outre qu’il faut tenir compte du caractère spécifique de la semaine précédant les vacances…) ? Nos expériences menées jusqu’alors nous font prôner une « micro-séquence » qui met en lien le genre poétique et l’histoire des arts. En adoptant cette stratégie, nous serions à même de répéter à plusieurs reprises ce type de séquence « courte » et donc, au final, d’accorder quantitativement à la poésie le même statut qu’aux autres genres (avec en plus l’idée qu’elle bénéficierait d’une forme d’apprentissage filé tout au long de l’année).
 

La séquence : une unité d’apprentissage problématisée et non un cadre rigidifié

La séquence représente une nécessité en ce sens qu’elle répond à une volonté de cohérence et de cohésion. Elle permet sans aucun doute d’éviter de se laisser aller à l’éparpillement. Cependant, elle n’a pas de raison d’être exclusivement par elle-même en dépit de sa « beauté » formelle, notamment quand elle est dactylographiée et présentée dans un format aéré en vue de l’inspection.
L’important demeure que les élèves s’y retrouvent. De ce point de vue, comment gérer les « opportunités » pédagogiques qu’offre toute année scolaire ? Comment gérer cette venue d’une conteuse qu’un collègue bienveillant veut partager avec vous ? Comment gérer aussi la semaine de la presse ? La liste de ces opportunités demeurant pour le moins conséquente. La première règle reste de ne pas trop se disperser et surtout pas trop vite. Le début de l’année constitue une période « test » où l’accent doit être mis entre autres sur la méthodologie et la gestion de classe.
Néanmoins, il faut savoir lâcher la bride à la séquence quand on juge le moment opportun. Dans le classeur, on pourra ainsi trouver une place « intercalaire » pour ces activités annexes participant au bien-vivre de la classe.
 

Langue et littérature : une relation qui fâche

La bonne séquence est celle qui permet de développer les compétences de l’élève en matière de « lire, dire, écrire ». Ces trois mots clefs sont d’ailleurs à prendre en considération au moment de sa conception. Ils permettront de réfléchir pour soi à la dominante qu’est censée engager chaque séance.
La conception de la séquence doit être pensée en relation avec son évaluation finale : l’idée-force étant que les élèves aient du grain à moudre lors de leur révision et non qu’ils se disent qu’en français, « il n’y a rien à réviser ».

Cette mise au point faite, revenons au titre même de cette sous-partie. Si l’on conçoit la séquence comme un tout, il n’y aurait aucune question à se poser. La langue en fait partie ! Néanmoins, il nous semble (en gardant à l’esprit que nous nous situons en début d’année) qu’il n’est pas si simple de décloisonner à l’intérieur de la séquence. L’observation montre même que souvent la ou les première(s) séquence(s) oublie(nt) purement et simplement la langue (notamment tout ce qui touche à l’orthographe). Or au collège, spécifiquement, il s’agit d’un parti-pris très préjudiciable.

En ce sens, en assumant le « traditionalisme » de notre proposition, nous postulons pour un début d’année où le cloisonnement et la ritualisation priment. En clair, il s’agit de réserver un créneau spécifique à la langue, notamment pour travailler l’orthographe grammaticale. L’idée de ritualisation est déterminante pour une classe de sixième par exemple qui sera rassurée de savoir que les exercices de « grammaire » sont à faire pour tel jour et qu’on doit, par exemple, amener son manuel tous les lundis matin.

En outre, toujours dans la perspective d’une mise en place du projet pédagogique annuel, c’est un bon moyen de commencer à se questionner sur une progression possible en langue que la séquence dans une certaine mesure au moins « interdit » au professeur de lettres sans expérience. Pour être encore plus concret, cette logique de ritualisation de la séance de langue peut s’articuler autour de deux noyaux : le noyau nominal et tout ce qui « tourne » autour / le noyau « verbal » et tout ce qui tourne autour.

Évaluer la séquence

En ce qui concerne l’évaluation de la séquence, nous ne reviendrons pas sur l’intérêt de ce qui vient d’être dit sur l’apprentissage de la langue. Nous ajouterons la nécessité d’en avoir une conception simple en se posant toujours la question suivante : que cherchons-nous à valider ici ?
•  La compréhension globale d’un énoncé littéraire (en relation avec le groupement proposé).
•  La compréhension fine d’un énoncé littéraire.
•  L’aptitude à « re-définir » le sens de mots expliqués au cours de la séquence.
•  La maîtrise de la langue en rapport avec un ou plusieurs points de langue correspondant aux apprentissages entrepris au cours de la séquence.
Notons qu’une évaluation de fin de séquence, tout particulièrement dans les plus petites classes, ne devra pas dépasser une heure. Ce qui présuppose d’envisager non pas un seul contrôle de fin de séquence mais de le subdiviser au moins en trois :
– une heure pour les items exposés ci-dessus en prenant un texte de référence qui peut être une partie d’un texte expliqué ;
– une heure pour l’activité de « dictée » (nous aurons à revenir sur elle pour ne pas l’abandonner à sa simple tradition issue du certificat d’étude) ;
– au moins une heure pour le brouillon de la production écrite proposée (nous aurons à revenir aussi sur ce point).

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Séquences et séances

Pour conclure, retenons que la séquence, qui implique le « cumul » de séances, est forcément dépendante dans sa durée de ces dernières. D’où un dernier conseil : ne pas étirer les séances systématiquement à deux séances de lecture analytique consacrées à un même texte littéraire.
En se donnant des objectifs précis, on sera à même de limiter l’analyse d’un texte à une séance. Là aussi, en début de carrière, il s’agit d’une vraie gageure. Toutefois, en multipliant par deux, systématiquement, le temps d’analyse d’un même texte, nous ne parviendrons pas à tenir une durée raisonnable de séquence.
À suivre

Antony Soron, ÉSPÉ Paris

• Voir sur ce site : 

– La première évaluation des écrits de collégiens, par Antony Soron.

Conseils pour une première prise en charge de sa classe par le professeur de lettres, par Antony Soron.
Premier poste, dix conseils pour entrer dans le métier, par Thérèse De Paulis.
• Les Archives de « l’École des lettres » offrent de multiples propositions de séquences expérimentées et validées ainsi que des exemples de progression adaptables à toutes les classes. Le téléchargement des articles est assuré instantanément, dès la souscription de l’abonnement en ligne.
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Antony Soron
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