Ce que cache le scandale de la plateforme Admission post-bac

Plateforme Admision post-bacLe tollé provoqué par la procédure d’admission post-bac laisse songeur.
La France médiatique semble découvrir le cas de bacheliers sans affectation, l’existence de tirage au sort, des filières en tension. Et chacun de s’émouvoir, de s’indigner, de vouloir la mort d’APB.
Si les commentateurs étaient un peu plus informés, ils sauraient relativiser ces chiffres et ces faits, les resituer dans l’histoire d’APB, et peut-être poser la vraie question : pourquoi cette soudaine surexposition du problème ? Pourquoi une pareille dénonciation aujourd’hui ? Quel projet derrière ce qui n’est peut-être qu’un prétexte ?
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Des filières en tension

Il faut d’abord rappeler que le problème des filières en tension n’a jamais été caché, mieux, que la procédure APB a été l’objet de constants efforts d’amélioration tout au long du gouvernement précédent pour répondre aux demandes des néo-bacheliers toujours plus nombreux à utiliser la plateforme qui, rappelons-le, n’est pas le seul accès aux formations du supérieur, notamment pour certaines études artistiques, commerciales ou techniques totalement indépendantes.
La transparence a toujours été un moyen de lutter contre les engorgements. D’une part les filières en tension ont toujours été signalées : elles sont au nombre de quatre, quantitativement variables selon les années : Psychologie, Droit, PACES (première année commune aux études de médecine) et surtout STAPS (sciences et techniques des activités physiques et sportives). D’autre part les critères d’affectation ont toujours été communiqués et commentés afin de devenir une véritable aide à l’orientation (tutoriaux aisés à retrouver et comprendre depuis 2015 sur Internet).
Le site du ministère permet encore de relire le bilan fait il y a seulement un an du dispositif APB : aux antipodes de 2017, les résultats 2016 marquaient de réelles améliorations, grâce à une augmentation des formations recensées, du nombre de vœux possibles, et surtout grâce à une meilleure information sur le fonctionnement d’APB
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Deux visions opposées d’APB : en 2016 et en 2017

Plutôt que d’accuser comme aujourd’hui la procédure informatique de n’être qu’un automatisme absurde et injuste (fantasme d’algorithmes inhumains), chacun saluait encore il y a un an la pertinence, les critères et la transparence  du système : soit l’importance stratégique des lieux de la formation désirée hors académie ou intra-académique ou encore l’importance déterminante de l’ordre des vœux, qu’il s’agisse des vœux absolus (sur un seul type de formation) ou des vœux relatifs (en cas d’études supérieures variées).
La communication impliquait aussi une meilleure information sur les risques encourus (dont le tirage au sort), sur les critères personnels (marié, pacsé, soutien de famille), ou encore les temps et phases de réorientation et ce jusqu’en septembre.
En fait, l’idée était de consolider la règle d’accès libre et sans sélection à l’université, de ne pas toucher au principe de la faculté pour tous, mais de lutter contre les sureffectifs ponctuels par un travail en amont sur l’intelligence du choix des vœux, sur la responsabilisation des lycéens et sur l’augmentation des offres. Autrement dit, tout le monde pouvait tenter sa chance où il voulait, c’est un droit, à condition d’en connaître les risques et de les assumer, jusqu’aux échecs prévisibles et annoncés.
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Pourquoi convaincre APB de faillite ?

Pourquoi dès lors, en 2017 plus qu’en 2016, pointer, avant même la rentrée et les résultats définitifs, le nombre de sans affectation et le nombre de tirage au sort ? Pourquoi ces témoignages complaisamment rapportés, ces prises de position scandalisées ?
Il s’agit en fait de convaincre APB de faillite pour mieux persuader de l’urgence d’une réforme. Pour le nouveau gouvernement, ce qui est inacceptable ce n’est pas le tirage au sort, c’est le taux d’échec en licence. Les pré-requis ne feront pas disparaitre les filières en tension, mais ils feront assurément diminuer le taux de redoublement et d’abandon dans le premier cycle universitaire. L’idée n’est plus : liberté d’accès à la faculté de son choix mais facilité d’accès à la faculté selon ses capacités.
Il y a peut-être derrière ce dispositif une philosophie conservatrice qui suppose que notre formation initiale détermine notre formation supérieure : un bac techno ne peut prétendre à des études de droit, alors que la philosophie précédente luttait contre l’« auto censure » et supposait le droit à chacun de tenter sa chance dans les formations où il le souhaitait : un littéraire peut s’essayer en médecine si tel est son vœu.
Toute proportion gardée, cette divergence de vue est comparable à celle qui conduit les autorités à prendre des mesures face aux pics de pollution dans les grandes villes : soit on instaure une circulation alternée fondée sur la nature des plaques, paires ou impaires (critère aléatoire) soit on instaure une circulation fondée sur l’âge des véhicules et le type de carburant (critère sélectif) : peut-on affirmer quelle vision est la plus juste sans introduire un peu d’idéologie ?
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Un projet de réforme de l’accès au supérieur sous-jacent ?

Dire non au tirage au sort, pourtant ponctuel et objectivement limité, c’est jeter le discrédit sur toute la procédure afin de réformer toute l’admission dans le Supérieur. Le gouvernement précédent avait commencé à autoriser la sélection – avec prudence mais sans déguisement – à partir du Master et avait aussi introduit la notion de « meilleurs bacheliers » pour favoriser l’accès aux classes préparatoires. Mais à présent il s’agit d’aller plus loin.
Désormais la question des capacités se pose dès l’accès en licence, avec à l’horizon un brouillage entre les formations sélectives (type prépas) et les formations à capacité d’accueil limitée (type facultés). D’ici à ce qu’à terme les classes préparatoires soient intégrées aux universités…

Pascal Caglar

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L’algorithme informatique de classement des candidats.
Le site Admission post-bac.
 

l'École des lettres
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