Capes de lettres modernes : des options qui n’en sont pas encore… État des lieux

La deuxième session du Capes rénové permet de commencer à mesurer les tendances fortes de l’épreuve de recrutement. Ainsi, il apparaît assez clair que les options proposées à la deuxième épreuve d’admission, Analyse de situation professionnelle (ASP), ne sont pas retenues par les candidats de façon suffisamment homogène.
Si 61% d’entre eux choisissent l’option Langue et littérature françaises, seulement 11, 5% se tournent vers l’option Théâtre – cela dit en légère progression par rapport à l’année dernière –, 10 % vers l’option Latin, 9, 5 % vers l’option Français langue étrangère (FLE), et seulement 8% vers l’option Cinéma.
Cette disproportion entre les choix d’options mérite d’être questionnée afin de promouvoir pour les sessions à venir un rééquilibrage indispensable. Le propos développé s’attardera tout particulièrement sur le cas problématique de l’option Cinéma, étonnamment dernière de la classe.

 

Un choix de raison

L’option Langue et littérature françaises maintient son hégémonie acquise à la première session 2014 pour des raisons facilement compréhensibles. La langue et la littérature représentent le cœur même de l’enseignement du français au collège et au lycée. À ce titre, il semble que le candidat effectue le choix le plus naturel qui soit pour lui, voire le plus pragmatique.
Si l’option Théâtre se détache légèrement par rapport aux autres options minoritaires, c’est sans doute un peu pour les mêmes raisons : le théâtre étant un objet d’étude fondamental tout à la fois au collège et au lycée.
Il faut tout de même tenir compte du fait que le candidat capétien cherche à courir le moins de risques possibles. En ce sens, il est rassuré a priori par le dossier papier que lui propose l’option majoritairement retenue. Elle réclame, rappelons-le, la conception d’une séquence didactique à partir d’un corpus de textes accompagnés d’un document iconographique. En conséquence, le simple fait que l’option Théâtre l’invite à se pencher sur une captation théâtrale a tout lieu de déstabiliser le candidat sur le plan de la maîtrise technique de l’épreuve.
 

L’enjeu de l’homogénéisation des options

Tant que le taux de réussite au concours du CAPES restera relativement haut, il n’est pas certain que la stratégie des candidats change d’elle-même. Toutefois, l’institution ne peut se satisfaire d’une rénovation marginale qui n’acte pas suffisamment les évolutions profondes et réelles du métier de professeur de lettres et/ou de français.
En effet, il est indéniable que le cinéma tient une place importe dans les séances proposées en classe. Or, il demeure, avec 8 % des suffrages, le grand perdant du jeu des options. L’option Cinéma est semble-t-il desservie par une forme de présomption de technicité. En clair, nombre de candidats, incités à cela par le croisement des rumeurs contradictoires, restent réticents à l’idée de se familiariser en peu de temps à un langage d’analyse qu’ils présument très éloigné de celui de l’analyse littéraire.
Il demeure donc impératif à l’intérieur des ÉSPÉ de mieux expliquer les tenants et aboutissants réels de cette option. Il apparaît en outre tout aussi important qu’en Master 2, dans le cadre des séminaires proposés aux professeurs stagiaires, ils aient la possibilité d’approfondir leurs connaissances du septième art.
 

Le CAPES, un levier d’évolution didactique

La rénovation du CAPES ne doit pas être tenue pour artificielle. Le fait d’introduire un document iconographique dans la première épreuve orale d’admission, « Mise en situation professionnelle (MSP) », constitue un premier signe fort en relation avec les nouvelles modalités d’enseignement préconisées qui privilégient le lien entre littérature et histoire des arts. Néanmoins, là encore, comme le souligne le premier rapport de jury du Capes de lettres, l’implication raisonnée du document iconographique introduit dans le dossier demeure souvent trop timide, voire superficielle.
De fait, si l’on met bout à bout les différents éléments mis en perspective dans l’analyse, on conviendra que la réticence reste un défaut majeur du candidat. Or, cette réticence à la fois à choisir une option moins conventionnelle comme le cinéma ou à étoffer le commentaire d’un document non littéraire n’est pas censée augurer une carrière placée sous le signe de l’évolution.
Et c’est bien à ce niveau qu’il est nécessaire d’agir dans la mesure où, comme chacun le sait, le métier de professeur de lettres et/ou de français, invite de façon croissante au désenclavement de la discipline stricto sensu. Les programmes à mettre en œuvre en septembre 2016 n’iront certes pas contredire cet état de fait. Il apparaît, en conséquence, essentiel que dès l’année de Licence 3, dans le cadre soit des options de sensibilisation aux métiers de l’enseignement, soit dans les différentes réunions d’informations proposées par les universités, soit promue l’idée d’une ouverture de la discipline littéraire.
La crise des vocations que la remise en place d’une formation professionnelle sérieuse n’a pas réussi pleinement à résorber, ne semble pouvoir s’inverser, que si le métier est présenté dans sa pluralité fondamentale dès l’amont de la carrière.

Antony Soron, ÉSPÉ Paris

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Antony Soron
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