Convention citoyenne sur les temps de l’enfant : premières suggestions des concernés

Le président Emmanuel Macron a annoncé le 2 mai qu’il lançait une convention citoyenne sur les temps de l’enfant. Le débat intéresse tout le monde mais, en premier lieu, les élèves et leurs enseignants qui voudraient des journées n'excédant pas six heures de cours. Témoignages.

Par L’École des lettres

Le président Emmanuel Macron a annoncé le 2 mai le lancement d’une convention citoyenne sur les temps de l’enfant. Le débat intéresse tout le monde mais, en premier lieu, les élèves et leurs enseignants qui voudraient des journées n’excédant pas six heures de cours. Témoignages. 

Après le climat et la fin de vie : les temps de l’enfant. Le 2 mai, dans les colonnes du Parisien, le président Emmanuel Macron a annoncé le lancement d’une nouvelle convention citoyenne. « Il me paraît nécessaire de faire en sorte que l’organisation des journées de nos élèves soit plus favorable à leur développement et aux apprentissages, qu’un équilibre soit trouvé aussi pour faciliter la vie des familles. », a déclaré le chef de l’État qui tient au sujet depuis son élection. L’opération commencera en juin et s’étalera jusqu’à l’automne, voire la fin 2025.

Personne n’ira défendre les énormes journées de cours des élèves français, mais l’annonce de cette convention est accueillie avec prudence par des professionnels qui ont besoin de mesures d’urgences pour faire fonctionner l’école. À commencer par des enseignants et des formations. Réactions à chaud dans les classes.

« Pas plus de 6 heures de cours »

« Finir à 18 heures, ce n’est pas normal, surtout si on commence à 8 heures, la majorité des élèves ne peuvent pas tenir de si longues journées. » 

« Les heures de cours devraient être rationalisées, quitte à avoir moins de vacances et à travailler le mercredi après-midi, mais qu’on puisse finir vers 16 heures. Ça nous permettrait de pratiquer une activité sportive ou une activité artistique plus facilement qu’actuellement. »

« Une journée d’école ne devrait pas durer plus de 6 heures. Le début des cours devrait être décalé à 9 heures car les adolescents sont trop fatigués à cause du décalage physiologique et sont donc moins efficaces. »

« Peut-être les vacances devraient-elles être réduites pour rattraper les heures enlevées de la semaine, mais de peu. Les professeurs devraient aussi ne pas donner de trop gros devoirs car les vacances sont faites pour se reposer et se détendre, non pour rajouter du stress. »

« Une journée scolaire devrait se diviser en deux temps : le matin avec les matières du tronc commun et l’après-midi avec les options. Après les cours, les élèves seraient dans l’obligation de pratiquer un sport parmi ceux proposés par l’école et auraient ensuite le temps de choisir un autre loisir ou de faire leurs devoirs calmement. »


« Certaines vacances comme celles d’avril ou de février pourraient être limitées à une seule semaine pour compenser des journées de cours plus courtes. Les grandes vacances pourraient rester comme elles le sont déjà ou être rallongées d’une semaine. »

Élèves de seconde (académie d’Orléans-Tours)


« Moins de stress et des formations pratiques mensuelles »

Propositions collectives :

– Mieux répartir les matières. 

-Un emploi du temps plus fluide « trous » entre les cours.

-Une semaine de quatre jours par mois pour des périodes scolaires plus légères, l’alternance cassant la routine.

-Instaurer des cours sans note à la clé : améliorer le niveau de stress des élèves permettrait d’avoir moins besoin de réduire le temps scolaire, puisque c’est en partie le stress qui nous épuise. De plus, cela pourrait améliorer notre qualité d’apprentissage : sans stress on apprend pour se cultiver.

-Imaginer une journée par trimestre de formation pratique : faire un CV, coudre, cuisiner, gérer ses émotions…

Élèves de première (académie d’Orléans-Tours)

« Dédier du temps à la créativité à l’assimilation »

« Il faudrait penser autrement la journée scolaire en répartissant les matières de façon harmonieuse et réserver l’après-midi pour les activités artistiques et sportives. Cette organisation permettrait de dédier du temps à la créativité et de développer les soft skills, compétences essentielles pour le XXIème siècle, et ce, tout en offrant une flexibilité des horaires : s’adapter aux rythmes biologiques des enfants comme le préconisent des études scientifiques comme celles de Grégoire Borst.
Il parait également crucial de repenser les pauses non comme une perte de temps mais comme des moments essentiels pour permettre aux élèves de se ressourcer. Plus fréquentes et bien intégrées, elles favoriseraient une meilleure assimilation des connaissances et encourageraient les interactions sociales, souvent négligées dans le rythme actuel. » 

Cécile Cathelin, professeure de lettres au lycée (académie d’Orléans-Tours)

« Réduire la pause méridienne et les petites vacances »

La réforme des rythmes scolaires est un sujet très politique aux conséquences importantes pour l’ensemble de la société : les familles, les enseignants, les municipalités, les acteurs du tourisme… Difficile d’avoir un avis tranché. Mais, après 20 ans d’enseignement, je constate qu’une journée d’enseignement jusqu’à la fin du collège ne devrait pas dépasser 6 heures. La journée idéale durerait de 9 heures à 16 heures avec une pause méridienne raccourcie à une heure. Les heures de cours à 16 heures et 17h sont très difficiles à suivre pour un bon nombre d’élèves. Il vaudrait mieux faire de l’aide aux devoirs et des activités culturelles ou sportives pendant ces créneaux. 

Pour réduire le nombre d’heures de cours, il ne me paraît pas judicieux de rogner sur les vacances estivales alors qu’il est déjà très difficile de garder des effectifs complets jusqu’aux examens de juin. On pourrait plutôt réduire les vacances d’automne à une semaine sans impacter trop grandement l’ensemble de la société. La deuxième semaine que l’on pourrait récupérer au cours de l’année est celle des vacances d’hiver mais les acteurs du tourisme en seraient grandement impactés.

Jean-Riad Kechaou, professeur d’histoire-géographie (académie de Créteil)

« Des dossiers entiers existent déjà sur le sujet »

« J’ai connu une vieille dame qui mit tout son cœur dans les cahiers de doléance de 2019 et mourut sans en avoir eu de nouvelles. J’ai connu un jeune homme qui crut en la convention citoyenne sur le climat de 2020 et ne croit plus en rien depuis ses maigres conclusions et leurs effets plus vains encore. J’ai connu un monsieur qui attendait beaucoup de la convention citoyenne de 2022 sur la fin de vie et dont la maladie dégénérative a avancé plus vite que les décisions politiques sur le sujet… 

Il y a fort à parier que cette nouvelle convention citoyenne sur le temps scolaire ressemble aux précédentes: vacarme médiatique, simulacre de démocratie et pure démagogie, alors qu’existent et ne sont ni consultés ni utilisés des quantités de dossiers d’experts, pédiatres, médecins chronobiologistes, ainsi qu’avis légitimes de représentants de parents d’élèves et de syndicats d’enseignants et de chefs d’établissement. »

Pascal Caglar, professeur de lettre au lycée (Académie de Paris)

« Quelle concentration au-delà d’une demie heure ? »

« Les journées sont parfois anormalement longues au collège. Les élèves peuvent commencer à 8 heures et terminer à 18 heures à plusieurs reprises. Indéniablement, cette réflexion se couple à celle du temps de cours. La concentration des jeunes peine à excéder la demie heure (du moins, au collège). Il faudrait, dès lors, aussi repenser la répartition des pauses journalières et leurs durées. Cela va de pair avec l’articulation des disciplines au sein de l’emploi du temps. Quelles matières enseigner en matinée ? Lesquelles seraient abordées l’après-midi ? Ce chantier doit impliquer experts et concernés. »

Faye Chartres, professeure de lettres au collège (académie de Seine-Saint-Denis)

« Le temps scolaire est une chance »

« « Scepticisme » devant cette nouvelle convention ? Le mot est faible si l’on se souvient de ce que la convention citoyenne sur le climat est devenue. Faire débattre des enfants de 3 à 18 ans avec des professionnels du tourisme ? On peut craindre une volonté de calibrer le temps scolaire sur l’économie de marché.

Mais, pour jouer le jeu : on peut rappeler que le temps, obligatoire, n’est pas une contrainte mais une chance. Le temps scolaire hebdomadaire hérité du XIXe  siècle n’est cependant plus adapté dans le primaire et le secondaire : la journée pourrait commencer à 8 heures jusqu’à 13 heures pour les disciplines nécessitant de l’abstraction, en favorisant l’interdisciplinarité. À partir de 14 heures, des disciplines sportives, artistiques ou techniques prendraient le relais. Et ce, du lundi au vendredi en incluant le mercredi. 

Sur l’année : il faudrait revoir le planning des fêtes religieuses, afin de diminuer et harmoniser les jours fériés dans une République laïque en ne conservant que quatre jours commémoratifs : les 11 novembre, 27 janvier (mémoire des génocides), 1er mai et 8 mai. Il faudrait réellement reconquérir le mois de juin (au lieu de déléguer aux entreprises via des stages) et commencer l’année vers le 10 septembre. »

Alexandre Lafon, professeur d’histoire-géographie EMC au lycée (académie de Toulouse)

« Parler des temps DES enfants »

« Il semble inévitable d’avoir une approche sociologique et géographique du sujet. Ce qui suppose de parler du temps des enfants et non de l’enfant. Difficile en effet de ne pas différencier les cas. Ruralité et périphérie urbaine, d’un côté ; disponibilité parentale et monoparentalité de l’autre. Il est impératif que l’effort organisationnel scolaire-périscolaire, scolaire et associatif soit densifié, notamment au niveau des territoires en souffrance économiquement.

Ensuite, il faudrait mesurer rigoureusement l’impact des vacances scolaires sur les vies des enfants les moins favorisés. Les études existant évoquent la nécessité d’accompagner les temps chômés. Il faut centrer l’action sur les familles les plus fragilisés et les moins disponibles pour homogénéiser les rythmes de leur(s) enfant(s) sur l’année. »

Antony Soron, agrégé de lettres, formateur Inspe Paris


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