
Corrigé du bac de français 2025 pour les séries technologiques
La société de l’apprenance, l’empathie, les inégalités femmes-hommes y compris dans la culture et le souvenir amoureux : tels étaient les thèmes que les bacheliers des séries technologiques avaient à analyser avec des textes de Rabelais, Olympe de Gouges, La Bruyère, mais aussi Jean-François Dortier, Françoise Nyssen et Richard Rognet.
Par Cécile Cathelin et Antony Soron, professeurs de lettres et formateur Inspé
Les élèves qui présentaient l’épreuve anticipée de français le 13 juin en série technologique avaient quatre heures (coefficient 5) pour répondre aux deux exercices suivants : un commentaire de texte (sur 20 points) ou une contraction de texte et un essai (sur dix points chacun). Proposition de corrigé pour la seconde option avec l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle » et trois sujets au choix :
I. COMMENTAIRE DE TEXTE
Objet d’étude : la poésie du XIXe siècle au XXIe siècle
Richard Rognet, Élégies pour le temps de vivre, 2012.
Il reste toujours quelque chose des amours
mortes ou perdues, un regard sur les prés,
sur une fleur qui penche vers le soir,
sur les montagnes qui émergent aprèsles brumes du matin, il reste toujours,
sous nos paupières, des rêves inachevés,
des souvenirs de neiges ou d’étoiles
filantes comptées dans les nuits d’août,il reste aussi quelques fenêtres entrouvertes
sur les averses d’été qui sentent si bon
qu’on se sent proche d’un nouvel amour,d’un amour tranquille et brûlant à la fois,
qui tremblerait à la lisière1 du temps
comme un dernier sourire, avant de s’en aller.I. Lisière : bordure, limite, frontière.
Vous commenterez ce poème de Richard Rognet. Vous pourrez prêter plus particulièrement attention :
– à l’évocation lyrique de la nature ;
– au va-et-vient entre le souvenir d’hier et l’attente de demain.
Corrigé
Introduction
Depuis l’Antiquité, la poésie s’est souvent plu à concilier les thèmes de l’amour et de la nature, allant jusqu’à les entrelacer pour exprimer les émotions humaines les plus profondes. Au XXème siècle, la poésie moderne a prolongé cette tradition tout en s’affranchissant des contraintes formelles imposées. Publié en 2012, Élégies pour le temps de vivre se présente comme un recueil du poète contemporain Richard Rognet, né en 1948. Cette poésie, profondément humaniste et lyrique, semble marquée par une sensibilité mélancolique, un regard lucide sur la fragilité du vivant et l’inexorable passage du temps. Le titre du recueil incluant le terme « élégie », tout comme celui du poème impliquant le terme « sonnet », laisse supposer que l’auteur conserve dans sa pratique d’écriture une mémoire des formes inhérentes à la tradition du genre poétique.
Dans le sonnet étudié, le poète évoque ce qui subsiste d’un amour disparu. Bien que ce sentiment soit « mort » ou « perdu », il en resterait des traces vivaces que la mémoire préserve au point de les voir rejaillir dans le présent, dans la nature environnante, dans les sensations glanées au jour le jour. Nous nous demanderons comment, dans ce sonnet, le poète parvient à exprimer cette permanence de l’amour malgré l’épreuve du temps. Pour cela, nous étudierons d’abord la manière dont le texte valorise le lyrisme de la nature puis comment il traduit le va-et-vient entre le souvenir d’hier et l’attente de demain.
Développement
L’évocation lyrique de la nature :
Dès le premier vers, la formule, « Il reste toujours quelque chose », donne au poème une dimension universelle et intemporelle. L’usage du présent de vérité générale en même temps que de la tournure impersonnelle, « il reste », tend à faire coïncider l’expérience intime avec une expérience que tout un chacun a pu connaître au moins une fois dans sa vie. L’amour a la vertu des évènements majeurs. De fait, même disparu, il ne s’efface jamais totalement. Cette étrange permanence par rapport à tout ce qu’il est commun d’oublier trouve des motifs variés de résurgence. Il suffit d’un détail de la nature observée ou d’un élément anecdotique pour que le souvenir amoureux se présente à nouveau, tel un tableau infiniment réesquissé : « un regard sur les prés, / sur une fleur qui penche vers le soir, / sur les montagnes qui émergent après / les brumes du matin ».
En effet, la nature, même distincte du sentiment, a la vertu de refléter, par un étrange mouvement de correspondance, l’état intérieur du sujet lyrique. Le « regard » qui se pose sur les prés reconquiert ainsi sans l’avoir décidé au préalable ce passé chargé d’émotion. Quasiment personnifiée, la « fleur qui penche vers le soir » suggère une idée de déclin liée à la fuite du temps, tandis que le « soir » – mot à forte connotation romantique si l’on pense par exemple à « Harmonie du soir » de Baudelaire – évoque un souvenir pénétré de mélancolie. On aura compris que la remontée des souvenirs se fait progressivement comme le dévoilement d’une silhouette sortie d’un épais brouillard. Les « montagnes » qui « émergent après les brumes du matin » figurent cette progressivité de la représentation de ce qui a été perdu et que l’on retrouve par le truchement de la vision d’un paysage inspirant. Cette remontée à la surface ne relève pas que de l’idéalisation. La notation suivante reste teintée d’une forme de fatalité amplifiée par le recours au pluriel dans les deux parties du vers : « sous nos paupières, des rêves inachevés ». On rappellera que les paupières correspondent à un élément indispensable au sommeil et métaphoriquement au voile entre le réel et le souvenir. Les rêves « inachevés » renvoient à ce que l’amour aurait pu devenir. Plus loin, le poète recourt à images célestes, emblématiques d’une beauté, voire d’une grâce fugace : « des souvenirs de neiges ou d’étoiles / filantes comptées dans les nuits d’août ». Ces images renforcent la dimension sensible et universelle du souvenir amoureux : neige suggérant la pureté et la disparition tandis que les étoiles filantes, liées aux vœux et aux désirs, restent aussi éphémères que marquantes.
Plus globalement, la forme du poème, avec la disparition moderne des majuscules au début de chaque vers, permet l’abolition d’une forme de grandiloquence poétique, reflétant la simplicité des souvenirs.
Le va-et-vient entre le souvenir d’hier et l’attente de demain :
Dans la deuxième moitié du poème, Richard Rognet élargit son évocation à des sensations plus immédiates, ancrées dans des expériences sensorielles ordinaires mais intenses comme en attestent sobrement les vers suivants : « il reste aussi quelques fenêtres entrouvertes / sur les averses d’été qui sentent si bon ».
La métaphore de la fenêtre entrouverte suggère une ouverture à la vie, à l’autre, à une nouvelle émotion. Elle incarne également la fragilité de la mémoire qui ne représenterait qu’une fenêtre entrebâillée sur un passé sensoriel. La mention de l’averse d’été peut par ailleurs convoquer plusieurs sens : l’odorat avec la pluie chaude qui « sent si bon », l’ouïe avec le son de la pluie, le toucher avec la douceur de l’air humide, et la vue avec la lumière transformée par la pluie.
Ce retour au monde sensible semble réveiller l’espoir d’une reconquête du sentiment amoureux triomphant de la fatalité de la perte définitive :« qu’on se sent proche d’un nouvel amour ». Il ne s’agit pas ici d’un amour concret mais d’un sentiment latent, pressenti, qui renaît des impressions, du climat, de la douceur du paysage habité et observé. Le poème se déplace ainsi d’un souvenir nostalgique vers un sentiment de renouveau comme si l’on avait affaire à une renaissance affective. Le « je » lyrique se met alors à envisager une forme de regain des émotions perdues comme en témoigne la formule : « d’un amour tranquille et brûlant à la foi ». L’opposition sémantique entre les adjectifs « tranquille et brûlant » traduit une nouvelle forme d’amour, plus intérieure et non exclusivement passionnelle. Étranger à l’idée de possession, ce sentiment nouveau s’apparente plus à une braise qu’à un feu ardent. L’image suivante condense toute la visée poétique du sonnet, qui, par l’équilibre de son rythme, traduit l’intense fragilité de l’indispensable sentiment amoureux : « qui tremblerait à la lisière du temps / comme un dernier sourire, avant de s’en aller ».
L’expression « la lisière du temps » pourrait évoquer la frontière entre le présent et l’éternité, entre la vie et la mort, entre l’amour encore possible et celui qui va peut-être s’éteindre. Le verbe « tremblerait » au conditionnel présent conforte l’idée d’une fragilité extrême, comme une vibration légère. L’amour apparaît dès lors comme une émotion certes fugace mais qui, par ce simple « sourire », bouleverse l’âme.
Conclusion
Richard Rognet, dans ce sonnet, tisse amour et nature dans la recherche d’une harmonie retrouvée. Le poème évoque les amours passées et la possibilité d’un nouveau colloque sentimental promis par le spectacle de la nature. L’amour correspondrait-il en même temps à une mise en harmonie de temps opposés et à une entrée en harmonie avec la nature ? Après analyse du sonnet, il apparaît que le poète sait utiliser des images lyriques pour évoquer cette nature inspirante, tout en créant une atmosphère de nostalgie pacifiée. Il tend ainsi à évoquer dans le même élan la complexité et la beauté de l’amour. En explorant ces thèmes universels, Richard Rognet s’inscrit dans une longue tradition lyrique qui remonte aux troubadours et aux poètes de la Renaissance et a été enrichie par les romantiques et les symbolistes. Son œuvre perpétue donc cette tradition en montrant que la poésie reste un moyen privilégié d’exprimer les émotions humaines et de célébrer la beauté du monde.
II. CONTRACTION DE TEXTE ET ESSAI
Sujet A
Rabelais, Gargantua, chapitres XI à XXIV. Parcours : « La bonne éducation ».
Texte d’après Martine Fournier, « Apprendre tout au long de la vie », Éduquer et former, 2016.
CONTRACTION DE TEXTE
Vous résumerez ce texte en 194 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre travail comptera au moins 175 mots et au plus 213 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
Aujourd’hui, apprendre n’est plus réservé au temps passé dans la classe ou sur les bancs de l’université. L’éducation formelle n’est finalement qu’un petit pan de ce que nous apprenons tout au long de l’existence, de manière informelle.
Certes, depuis toujours, le désir d’apprendre se manifeste chez les êtres vivants. Les bébés humains n’ont de cesse de savoir marcher, parler, imiter les plus grands… Mais, aujourd’hui, l’acte d’apprendre semble n’avoir jamais été aussi présent, à tous les moments et les âges de la vie. Une appétence1 stimulée par les avancées technologiques des sociétés contemporaines.
À l’ère numérique, les écrans offrent un accès illimité à toutes les questions que chacun se pose. Qui n’a pas assisté à un dîner où les convives sollicitent Google sur leur smartphone pour répondre à une question ou vérifier une information ? Qui n’a pas visité x fois Wikipédia pour s’informer sur un point d’histoire, d’actualité ou de culture générale ? Qui n’a jamais sollicité Youtube pour découvrir une nouvelle recette de cuisine, apprendre comment faire pousser des tomates bio sur sa terrasse ou vidanger sa voiture sans passer chez le garagiste ? Remarquons au passage que la « fracture numérique », prophétisée par certains à l’aube du XXIe siècle, n’a pas eu lieu. L’accès aux « nouvelles » technologies s’est généralisé sur toute la planète, via notamment les petits téléphones portables qui ont désenclavé2 les contrées les plus pauvres et les plus reculées.
Les pères de l’éducation populaire militaient pour une société où la culture serait accessible à tous. Aujourd’hui, même si beaucoup d’inégalités persistent, à tous les niveaux, tous les âges, selon ses choix personnels on apprend. Des adolescents créent leurs propres musiques sur le Web, les partagent et les transforment avec leurs amis. Les Journées du patrimoine attirent les foules tout comme les musées, les mémoriaux ou autres expositions. On part en voyage pour visiter de nouvelles contrées et aller à la rencontre d’autres cultures. Les universités populaires affichent complet et certaines s’adressent aux plus déshérités. Même les réseaux sociaux véhiculent des apprentissages, où chacun, selon ses goûts et son groupe d’amis, trouve des tuyaux pour sa propre quête de développement personnel aussi bien que d’enrichissement artistique…
Dans le monde du travail, les transformations de ces dernières décennies alimentent un besoin croissant de formation pour les travailleurs et les entreprises. Basculement du système de production de masse vers un « apprentissage organisationnel » piloté par l’innovation ; montée en puissance des services (dans les pays développés, ils représentent environ aujourd’hui 80% des PIB3) générant de nouvelles aptitudes et de nouvelles professions… Ces transformations ont eu un impact sur l’image du travailleur. Le travail normé, prescrit et répétitif a laissé place à des métiers requérant des compétences nouvelles, des capacités d’initiative, d’autonomie, de responsabilité et d’adaptabilité, en même temps qu’un niveau plus élevé de formation.
Pour Philippe Carré, nous sommes entrés dans des sociétés de l’« apprenance ». Selon ce chercheur en sciences de l’éducation, spécialiste de la formation et auteur de nombreux ouvrages sur la question, si les connaissances et les compétences sont devenues « un élément vital du développement personnel », elles sont aussi la principale source de création de richesse des pays développés, passés en un demi-siècle d’économies industrielles aux économies du savoir.
Les contours de cette économie ont été bien formulés par nombre d’analyses. Elle est née d’une part de la formidable expansion des technologies de l’information et de la communication qui, selon l’essayiste américain Jeremy Rifkin, ont engendré l’avènement d’une troisième révolution industrielle. Aux États-Unis, le secteur du numérique et des réseaux est devenu le premier secteur économique, avec un taux de croissance de l’emploi six fois supérieur à la moyenne. Par ailleurs, la révolution numérique a accompagné le développement d’une économie immatérielle, dans laquelle les investissements dans la recherche, la formation et le traitement de l’information ont pris une part croissante.
Depuis les années 1990, les institutions nationales, européennes, internationales, s’unissent pour inciter au développement du capital humain dans un concert célébrant « le trésor de l’éducation » et « la formation tout au long de la vie ».
Parallèlement, dans les pays développés, la formation professionnelle est devenue un immense secteur d’activité. D’autant que les besoins sont aujourd’hui renforcés par le caractère de plus en plus incertain de la conjoncture économique. Alors qu’auparavant, il n’était pas rare de garder le même métier toute sa vie, les générations actuelles sont destinées à en changer plusieurs fois, de l’avis de tous les experts.
1. Appétence : tendance à vouloir satisfaire ses désirs.
2. Désenclaver : rompre l’isolement d’un lieu par l’amélioration des communications.
3. P.I.B. : Produit intérieur brut (qui exprime la richesse d’un pays).(777 mots)
ESSAI
Une bonne éducation amène-t-elle à apprendre tout au long de sa vie ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question en prenant appui sur Gargantua de Rabelais, sur le texte de l’exercice de la contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.
Corrigé
A. Proposition de contraction (210 mots)
L’acte d’apprendre n’est plus réservé au scolaire et à l’universitaire. Le désir d’apprendre, présent de tout temps, est aujourd’hui stimulé par les technologies modernes. L’ère numérique permet de répondre à toutes les questions que l’humain se pose, notamment via l’usage du téléphone portable. L’accès aux nouvelles technologies s’est généralisé et démocratisé, contredisant l’existence d’une fracture numérique. Malgré les inégalités sociales persistantes, on apprend à tous les âges et à tous les niveaux : sur le web ou les réseaux sociaux notamment, mais les formes plus traditionnelles persistent comme les événements culturels, les voyages et les universités populaires.
Ces transformations se répercutent sur le monde du travail où le besoin de formation continue s’accroît. Pour le chercheur en sciences de l’éducation Philippe Carré, nous sommes entrés dans des sociétés de « l’apprenance » où connaissances et compétences sont les premières sources de richesse des pays développés qui seraient passés des économies industrielles aux économies du savoir. Les technologies de l’information ont engendré, selon l’essayiste américain Jeremy Rifkin, une troisième révolution industrielle accompagnant le développement d’une économie de l’immatériel.
Aussi, les institutions encouragent le développement du capital humain assis sur l’éducation et la formation. La formation professionnelle apparaît comme un secteur décisif, d’autant plus que les besoins sont renforcés par l’incertitude économique.
B. Essai : une bonne éducation amène-t-elle à apprendre tout au long de sa vie ?
Introduction
Dans nos sociétés contemporaines, marquées par des changements rapides et un accès illimité à l’information, l’apprentissage tout au long de la vie acquiert une importance croissante. Comme le souligne Martine Fournier dans son article sur l’ère numérique, les technologies modernes ont bouleversé notre rapport au savoir. Aussi sommes-nous fondés à nous interroger sur les vertus d’une bonne éducation initiale. Ce qui implique de définir ce que l’on entend par « bonne » éducation. À la Renaissance, Rabelais prônait une éducation humaniste, quasi exhaustive, visant à former un individu parfaitement épanoui. Aujourd’hui, une bonne éducation se doit de préparer à la flexibilité et à l’auto-apprentissage. L’apprentissage tout au long de la vie, quant à lui, implique une formation curriculaire visant à renouveler la curiosité intellectuelle et la capacité d’adaptation de chacun.
Une problématique émerge. La « bonne » éducation représenterait-elle le socle d’une soif d’apprendre destinée à se prolonger après l’école et l’université ? Pour répondre à cette question, nous explorerons d’abord l’éducation humaniste de Rabelais comme vecteur de curiosité tout au long de la vie, avant de nous focaliser sur la facilitation de l’impératif de formation continue dans le monde actuel. Ce qui nous permettra, à terme, de nuancer le caractère implicitement définitif de l’affirmation indirecte induite par le sujet.
Développement
a. L’éducation humaniste rabelaisienne : un modèle précurseur d’apprentissage continu
Les principes éducatifs de Rabelais, illustrés par le parcours de Gargantua sous la direction de Ponocrates, offrent un modèle d’éducation à la fois encyclopédique et pratique. Contrairement à l’enseignement des sophistes qui l’a précédée, cette éducation vise à former un individu complet, capable de penser par lui-même et de s’adapter à diverses situations. L’objectif n’est pas seulement d’accumuler des savoirs, mais de développer une curiosité insatiable et une aptitude à interroger le monde.
Cette méthode éducative incite à l’observation, à l’analyse et à l’expérimentation, favorisant ainsi une démarche d’apprentissage autonome et durable. En effet, une telle éducation ne se termine pas à la sortie de l’école, mais vise à doter l’individu pour la vie entière. On peut établir un parallèle entre l’éducation humaniste issue d’Érasme et l’idée moderne selon laquelle l’apprentissage ne se borne pas à l’enseignement formel et cadré. Ceci corrobore le propos de Martine Fournier qui tend à démontrer que l’éducation informelle s’intègre aujourd’hui dans une quête de développement personnel.
b. La société de l’apprenance : l’impératif et la démocratisation de l’apprentissage tout au long de la vie
Les transformations sociétales et technologiques ont rendu l’apprentissage informel omniprésent et accessible à tous. Comme le souligne Martine Fournier dans cet extrait, l’ère numérique a démocratisé l’accès à l’information grâce à des outils numériques comme Google, Wikipédia et YouTube, favorisant une curiosité immédiate et constante. De fait, dans le monde du travail, la mondialisation et l’innovation ont rendu la formation continue d’autant plus indispensable. Les nouveaux métiers exigent en effet initiative, autonomie et adaptabilité, poussant les individus à renouveler constamment leurs apprentissages pour rester employables.
Selon cette perspective, Philippe Carré use de l’expression « sociétés de l’apprenance » afin de souligner les connaissances et compétences indispensables au développement personnel. Comment ne pas constater combien, de nos jours, les institutions nationales et internationales promeuvent le « capital humain » et la « formation tout au long de la vie » ? La « bonne » éducation serait celle qui prépare à cette nouvelle réalité professionnelle en perpétuel mouvement.
c. Nuances et perspectives : une « bonne » éducation est-elle suffisante ou une condition nécessaire mais non exclusive ?
Cependant, malgré la généralisation de l’accès aux technologies, Martine Fournier reconnaît que « beaucoup d’inégalités persistent » en matière d’apprentissage. Une « bonne éducation » initiale serait-elle en ce sens réellement accessible à tous pour permettre un vrai et universel continuum d’apprentissage ? De fait, la motivation individuelle joue un rôle crucial dans cette affaire. En effet, certaines personnes, même bien éduquées initialement, peuvent rompre leur dynamique d’apprentissage, tandis que d’autres, avec moins d’opportunités initiales, développent une grande soif de savoirs.
La notion d’éducation a évolué depuis Rabelais. Toutefois, les principes humanistes trouvent un écho surprenant dans les besoins de notre époque. En ce sens, une « bonne éducation » serait peut-être celle qui, par définition, prépare à un monde en mutation et, par extension, à un apprentissage sans cesse renouvelé.
Conclusion
En reformulant la question du sujet comme une affirmation, on a pu montrer à la fois sa justesse et la nécessité de la nuancer. On peut ainsi conclure qu’une « bonne éducation », telle que celle prônée par Rabelais et ses principes humanistes, constitue une condition essentielle pour encourager l’apprentissage tout au long de la vie. En effet, elle inculque la curiosité, l’esprit critique et l’adaptabilité nécessaires. Il apparaît donc crucial de continuer à promouvoir une éducation, qui, non seulement transmet des savoirs, mais surtout donne l’envie et les outils pour apprendre sans cesse. On mesure ainsi combien elle est essentielle pour le développement des personnes et des sociétés dans un monde en constante évolution.
Sujet B
La Bruyère, Les Caractères, livre XI « De l’Homme ». Parcours : « Peindre les Hommes, examiner la nature humaine ».
Texte d’après Jean-François Dortier, « Empathie et bienveillance », Sciences humaines, 2017.
CONTRACTION DE TEXTE
Vous résumerez ce texte en 185 mots. Une tolérance de +/- 10% est admise : votre travail comptera au moins 167 mots et au plus 204 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de votre contraction, le nombre total de mots utilisés.
La mode de l’empathie – et des qualités qui lui sont associées comme la bienveillance, la gentillesse et la sollicitude – peut se mesurer à des indices assez sûrs : la courbe d’apparition du mot et le nombre d’ouvrages qui lui sont consacrés sont significatifs ! Depuis quelques années, l’empathie est étudiée sous toutes les coutures. Dans le monde animal : l’éthologue1 Frans de Waal se taille de beaux succès avec ses ouvrages sur l’empathie chez les primates, mais aussi les rats, les dauphins, les oiseaux. L’éthologie montre aujourd’hui que le règne animal n’est pas celui de la lutte de tous contre tous ; au contraire, la solidarité y est omniprésente. Chez le petit humain, l’empathie joue aussi un rôle fondamental dès la naissance car la communication entre la mère et l’enfant est un enjeu crucial de développement du nourrisson. Que se passe-t-il ? Pourquoi le mot d’empathie quasiment ignoré il y a une génération prend-il aujourd’hui une telle importance, au point d’en faire la condition essentielle de la vie en commun ?
À y regarder de près, l’usage du mot est assez équivoque2. Pour simplifier, trois significations sont généralement distinguées. L’empathie cognitive désigne la capacité à comprendre les pensées et intentions d’autrui. En psychologie cognitive, on parle aussi de « théorie de l’esprit » – un mot bien sophistiqué pour désigner une chose simple : quand vous observez une personne dans le train la tête tournée vers la fenêtre, les yeux dans le vide, vous comprenez qu’il est en train de rêvasser. Si la personne se met à fouiller dans son sac, vous comprenez qu’elle cherche quelque chose. Bref, sans percer complètement ses pensées (à quoi rêve-t-elle, que cherche-t-elle ?), vous percevez globalement ses intentions. Cette capacité à lire dans la pensée d’autrui a fait l’objet de quatre décennies de recherches pour savoir si elle était le propre de l’homme. La question n’est pas vraiment tranchée. L’empathie affective est la capacité à comprendre, non pas les pensées, mais les émotions d’autrui. Ce partage d’émotions va au-delà de la simple contagion émotionnelle (le fou rire qui se propage dans un groupe). Comprendre les émotions d’autrui, ce n’est pas forcément les partager. On peut percevoir la tristesse ou l’inquiétude de l’autre sans l’éprouver soi-même. Il est même une forme d’empathie affective très … perverse qui consiste à se réjouir parfois du malheur d’autrui. L’empathie « compassionnelle », enfin, est l’autre nom de la sollicitude. Elle ne consiste pas simplement à constater la souffrance ou la joie d’autrui, mais suppose une attitude bienveillante à son égard. Quand je cherche à consoler un enfant, un ami, un proche qui a subi une perte…, je n’éprouve pas forcément de peine, mais je sais que quelque chose ne va pas, je m’en soucie et souhaite apporter quelques mots ou gestes de réconfort.
Pourquoi l’empathie et les notions associées – bienveillance ou sollicitude – ont-elles pris une telle importance ces dernières années ? On peut repérer deux logiques combinées : celle des idées et celle des attentes sociales. Du point de vue des idées, le thème de l’empathie s’inscrit dans une montée en puissance des modèles relatifs aux origines de la morale, de l’altruisme et plus généralement du « propre de l’homme ». En philosophie morale, l’empathie et le souci d’autrui sont à relier à ce grand courant de pensée qui s’est noué autour du « care3 » et de l’« éthique de la sollicitude » à l’égard des personnes vulnérables (enfants, vieillards, handicapés, réfugiés et victimes). La montée en puissance du « care » et du souci de l’autre s’explique aussi par un phénomène social d’importance : l’augmentation et la diversification des professions liées au soin et à la santé. La prise en charge des enfants, des personnes âgées, des malades et handicapés et personnes démunies a connu depuis un demi-siècle la plus forte expansion dans les pays développés. Tous ces personnels – assistantes maternelles, infirmières, aides-soignants, aides à domicile, éducateurs et travailleurs sociaux – sont confrontés à une tâche très singulière : s’occuper d’êtres humains. Et quand on confie ses enfants ou ses propres parents à une autre personne, on attend d’elle qu’elle fasse preuve de sollicitude et d’attention. La bienveillance a gagné aujourd’hui bien d’autres sphères que le secteur du soin : c’est devenu un mot d’ordre dans l’enseignement, le management et même la politique.
1 Spécialiste de l’éthologie, c’est-à-dire de l’étude scientifique du comportement animal.
2 Dont le sens est ambigu.(738 mots)
ESSAI
Pour bien peindre les hommes, faut-il les considérer avec empathie ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question en prenant appui sur le chapitre « De l’Homme » des Caractères de La Bruyère, sur le texte de l’exercice de la contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.
Corrigé
A. Proposition de contraction (202 mots)
L’empathie, la bienveillance et la sollicitude apparaissent comme les mots-clefs de notre temps. Cela se vérifie tant par leur omniprésence dans le discours que par les nombreuses publications qui leur sont consacrées. En plus de l’humain, où l’empathie est reconnue comme fondamentale pour un développement sain dès la naissance, des expériences comme l’éthologie visent à observer la solidarité animale. Cette valorisation exponentielle de l’empathie, en tant que phénomène récent, interroge sa fonction sociale.
Le mot compte trois sens. Si l’empathie cognitive consiste à appréhender les pensées et intentions d’autrui, l’empathie affective tend à saisir ses émotions sans qu’il y ait forcément partage ou contact. Quant à l’empathie « compassionnelle », elle dépasse la simple observation de l’autre en engageant la bienveillance. Ces trois types d’empathie ne vont pas sans ambiguïté.
La montée en force de l’empathie recèle une double explication : d’abord, la logique des idées puisque l’empathie correspond aux modèles originels de morale et d’altruisme qui intègrent de nos jours l’éthique du « care ». Ensuite, la logique des attentes sociales caractérisée par une forte augmentation des professions du soin. L’universalisation de la bienveillance est confirmée par son extension aux domaines de l’enseignement, de l’entreprise et de la vie politique.
B. Essai : pour bien peindre les hommes, faut-il les considérer avec empathie ?
Introduction
Depuis des siècles, l’art et la littérature se confrontent au défi de représenter l’être humain dans toute sa complexité. Ce projet, cher à de nombreux écrivains dont La Bruyère, soulève une question fondamentale. Comment capturer l’essence humaine ? Peindre les hommes ne se limite pas, en effet, à une simple description physique mais implique de saisir leur nature profonde, leurs comportements, leurs passions, leurs vices et leurs vertus. N’est-ce pas justement l’ambition des Caractères de La Bruyère ?
Afin d’amorcer le questionnement, il semble essentiel de définir l’empathie, concept clé dans cette quête de représentation. Jean-François Dortier distingue plusieurs facettes de l’empathie : l’empathie cognitive, qui permet de comprendre les pensées d’autrui ; l’empathie affective, qui touche à la compréhension des émotions ; et l’empathie compassionnelle, qui se manifeste par une attitude bienveillante et un désir de réconfort envers l’autre. L’importance croissante de cette notion dans notre société contemporaine ne peut, en tout état de cause, être ignorée.
Aussi, une problématique se pose. La capacité à se mettre à la place d’autrui est-elle une condition nécessaire ou suffisante pour une représentation fidèle de la nature humaine ? D’autres approches, telles que la distance critique, peuvent-elles être tout aussi efficaces, voire complémentaires ? Afin de prolonger cette double interrogation, nous explorerons d’abord l’empathie comme clé de la profondeur psychologique humaine puis la distance critique comme outil de dévoilement. En fonction des résultats de cette confrontation des deux optiques nous serons en mesure de nous demander si une synthèse de ces deux approches n’est pas envisageable.
Développement
a. L’empathie : une voie vers une peinture de la nature humaine
Comprendre l’intériorité et les motivations des personnages est essentiel pour les dépeindre avec justesse. En s’appuyant sur la définition de l’empathie cognitive et affective de Dortier, nous conviendrons qu’un auteur a le pouvoir de sonder les pensées, les intentions et les émotions de ses personnages même s’il ne les partage pas nécessairement. L’approche littéraire des sujets permet de dépasser leur simple observation afin de saisir les ressorts profonds de leurs actions et de leur caractère, rendant les personnages plus complexes et humains dans leurs failles et leurs contradictions.
Révéler la dimension compassionnelle et les aspects universels de l’expérience humaine permet de toucher le lecteur de manière universelle. L’empathie compassionnelle, ou sollicitude, dont parle Dortier, permet de peindre les hommes non seulement dans leurs particularités, mais aussi dans leurs souffrances, leurs aspirations et leur vulnérabilité. Cette dimension est cruciale pour susciter l’identification du lecteur et le faire réfléchir sur sa propre condition humaine.
Des auteurs comme Montaigne, dans ses Essais, pratiquent une forme d’introspection empathique sur eux-mêmes pour mieux comprendre l’homme en général. En se sondant avec finesse, ils « peignent » l’homme dans toute sa complexité, offrant ainsi une vision profonde et nuancée de la nature humaine.
b. La distance critique et la satire : des instruments pour dépeindre les hommes et leurs travers
La méthode de La Bruyère, basée sur l’observation sans complaisance, offre un contraste frappant avec l’approche empathique. Dans Les Caractères, notamment dans le livre XI De l’Homme, ses portraits à charge révèlent les mœurs de la cour et de la ville, l’hypocrisie et les comportements ridicules voire blâmables des gens de son siècle. De fait, La Bruyère ne cherche pas tant à « comprendre » au sens empathique du terme qu’à exposer et à critiquer. Sa peinture apparaît ainsi le plus souvent comme celle d’un moraliste qui vise à instruire ou à corriger les hommes.
L’efficacité de la satire distanciée réside dans sa capacité à dénoncer les vices de manière acerbe et piquante, sans le voile de la sympathie. Comme à la même époque dans le théâtre de Molière ou plus tard dans les articles de Voltaire, elle permet de pointer du doigt ce qui doit être changé pour le bien commun. L’absence de sympathie pour les sujets évoqués peut permettre une analyse plus « objective » des travers sociaux et des faiblesses humaines, offrant donc une perspective complémentaire à l’approche empathique.
c. L’empathie et la distance critique comme outils complémentaires de la « peinture » humaine ?
La complexité de l’être humain requiert des regards multiples. Les plus grands portraitistes littéraires parviennent à combiner une connaissance intime de l’âme humaine, qui suppose une forme d’empathie, à une lucidité critique. L’empathie, au service de la justesse de la critique, permet ainsi de comprendre les mécanismes psychologiques qui mènent aux défauts les plus blâmables, rendant la critique d’autant plus réussie.
Le rôle de la littérature d’idées apparaît donc crucial dans cette quête de représentation de l’homme. Qu’il s’agisse de la bienveillance d’un Montaigne, de la critique d’un La Bruyère, ou de l’engagement d’une Olympe de Gouges pour l’égalité, tous participent à cette peinture de l’être humain. Le texte de Dortier souligne d’ailleurs que l’empathie est devenue une « condition essentielle de la vie en commun ». Ce qui implique que « peindre les hommes » aujourd’hui pourrait davantage intégrer cette dimension.
L’intention de l’auteur joue également un rôle clé. Selon qu’il cherche à faire rire, dénoncer, comprendre ou émouvoir, chaque objectif peut privilégier une approche différente, mettant en lumière la richesse et la diversité des outils à la disposition de l’écrivain pour représenter la pluralité humaine.
Conclusion
On peut conclure que, pour bien peindre les hommes, un écrivain peut tirer profit à la fois de la capacité empathique à comprendre l’intériorité et les ressorts psychologiques, et de la distance critique nécessaire pour analyser et dénoncer les travers et les faiblesses. L’empathie n’est certes pas toujours une condition sine qua non pour peindre les hommes. Cependant, elle tend à enrichir la profondeur de la représentation qui est donnée d’eux. La distance critique, quant à elle, permet une lecture incisive de la condition humaine et de ses imperfections.
Ainsi, la bonne peinture des hommes apparaît comme un exercice complexe et sans cesse renouvelé, qui demande aux auteurs de mobiliser une palette d’outils. L’empathie, par son apport de compréhension, et la distance, par sa capacité à éclairer, se complètent pour offrir un portrait complet de l’humanité, invitant le lecteur à une réflexion profonde sur la nature humaine.
Sujet C
Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne – Parcours : écrire et combattre pour l’égalité.
Texte d’après Françoise Nyssen, discours prononcé à l’occasion du comité ministériel pour l’égalité entre les hommes et les femmes dans la culture et la communication, 7 février 2018.
CONTRACTION DE TEXTE
Vous résumerez ce texte en 191 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 172 et au plus 210 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de la contraction, le nombre total de mots utilisés.
Il est des domaines dans lesquels nous ne pouvons plus attendre que les choses changent « d’elles-mêmes ». Parce qu’elles ne changeront pas. L’égalité femmes-hommes a fait plus de progrès en soixante-dix ans, sans doute, qu’en plusieurs millénaires. Mais la plus grande erreur serait de croire que nous avons accompli l’essentiel du chemin. Non. Nous en avons fait la moitié. Nous avons fait celui de l’égalité en droits. Nous devons accomplir celui de l’égalité en actes. C’est l’un des grands défis de ce XXIème siècle, pour les sociétés du monde entier. La France ne fait pas exception. Ce défi est encore devant nous. L’actualité récente nous l’a bien rappelé.
Elle nous a rappelé les stéréotypes et les discriminations dont les femmes continuent de faire l’objet. Elle nous a rappelé aussi les non-dits, l’omerta1, les mentalités souterraines.
Nous pensions que seule la révolution des comportements restait à faire. Nous découvrons que même la révolution des consciences n’est pas achevée. Et nous n’avons pas besoin d’aller jusqu’aux cas les plus extrêmes révélés par l’actualité, pour nous en convaincre. Il suffit de regarder les statistiques : elles ne sont pas le fait d’une personnalité ou de circonstances particulières, elles traduisent les anomalies du quotidien, les petites injustices qui une fois cumulées aboutissent à une inégalité majeure de fait. Pour tous ceux qui doutent encore des témoignages, il y a les chiffres.
Il y a les données objectives. Je ne veux pas vous assommer, mais je crois qu’il est important de les faire résonner, une fois par an au moins. Nous allons faire le point sur ce qui a été accompli depuis la dernière réunion de ce Comité et l’adoption de la feuille de route pour 2017. Je voudrais toutefois redonner quelques chiffres, qui rappellent la réalité de notre vie culturelle.
Que moins d’un long métrage sur quatre agréé en France est réalisé par une femme.
Que moins d’un tiers des oeuvres programmées dans nos théâtres publics sont signées par des femmes ; que seulement 2% des oeuvres jouées dans nos labels sont les oeuvres de compositrices : 2%…
Que moins d’un tiers de nos 351 labels de la création sont dirigés par des femmes. Et que la plupart dirigent les labels aux plus faibles budgets.
On ne compte aucune femme à la tête de l’un des 7 Centres nationaux de création musicale.
On ne compte aucune femme cheffe d’orchestre à la tête d’un orchestre labellisé par l’Etat alors que nos voisins européens accueillent nos cheffes françaises.Aucun secteur ne fait exception. Et tout ceci se répercute dans les Prix : depuis 2000, sur 98 sélectionnées pour le Molière du metteur en scène : seulement 12 femmes, dont 3 primées ; pour le César de la meilleure réalisation : 13 femmes sur un total de 103 sélectionnés, et zéro primée ; pour la Palme d’Or à Cannes : une seule femme Palme d’Or en 70 ans de festival (1993, Jane Campion).
Les chiffres parlent. Ils nous rappellent combien l’accès aux scènes, aux métiers, aux opportunités reste inégal. Les chiffres nous rappellent aussi combien les rémunérations restent inégales. Les femmes gagnent en moyenne 10% de moins que les hommes au sein de ce ministère, et près de 20% de moins dans les entreprises culturelles.
Face à ces chiffres, face à cette réalité, il y a trois attitudes possibles. La première consiste à penser que les choses sont ainsi parce qu’elles ont vocation à être ainsi. Ça s’appelle le fatalisme2. Il y aurait des métiers pour lesquels les femmes sont moins douées, non prédestinées, dont certaines professions artistiques. C’est un discours que l’on entend encore, en France, en 2017. Une seconde attitude consiste à considérer qu’il faudra sans doute encore du temps mais que les talents parleront, et que la situation s’équilibrera. Cela s’appelle la passivité. Une troisième attitude consiste à penser qu’on ne peut plus attendre. Qu’il faut parfois des règles pour accélérer la révolution des consciences, qui entraînera à son tour une révolution des comportements. Cela s’appelle le volontarisme. C’est la voie que je veux emprunter. J’assume le recours aux quotas de progression, aux objectifs chiffrés. Et je considère que le secteur culturel doit montrer la voie. Nous avons un devoir d’exemplarité en matière d’égalité femmes-hommes. Le secteur culturel a un devoir d’avant-garde, dans ce combat comme dans tous les grands combats sociétaux. Il doit donner l’exemple.
(765 mots)
ESSAI
La littérature et la culture peuvent-elles montrer la voie pour combattre les inégalités ?
Vous développerez de manière organisée votre réponse à cette question en prenant appui sur la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges, sur le texte de l’exercice de la contraction et sur ceux que vous avez étudiés dans le cadre de l’objet d’étude « La littérature d’idées du XVIe au XVIIIe siècle ». Vous pourrez aussi faire appel à vos lectures et à votre culture personnelle.
C. C. et A. S.
L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.