Daniel Lacotte, "Les Expressions les plus truculentes de la langue française"

Daniel Lacotte, "Les expressions les plus truculentes de la langue française"L’important, dans le titre comme dans le contenu, est l’adjectif qui sert à qualifier les expressions retenues pour ce savoureux livre : truculent.
Le mot lui-même, qui pourrait se décliner en charade (à tiroir ou pas), renvoie à un esprit railleur, un peu gaulois, un peu rabelaisien, un peu paillard qui sent son terroir et sa verdeur.
L’étiquette reproduite sur la couverture, précisément de couleur verte, résume l’entreprise : « Un facétieux voyage plein de verve, d’humour et d’anecdotes au cœur d’une langue jubilatoire. »
 

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Promenades langagières

Daniel Lacotte est un dangereux récidiviste en matière de promenades langagières. On lui doit par exemple, pour s’en tenir à ses publications les plus récentes et en liaison avec le lexique, une Petite Anthologie des mots rares et charmants, Les Mots canailles, un Dictionnaire des mots retrouvés, un Petit Précis des mots gaillards et polissons, Les Bizarreries de la langue française…
À l’heure où nous rendons compte de son dernier opus, Les Expressions les plus truculentes de la langue française, notre infatigable chasseur de curiosités verbales et culturelles est sûrement en train d’explorer une autre piste qui aboutira à un futur volume plein de fantaisie et d’érudition, comme les prtécédents.
Mais pour l’instant arrêtons-nous au livre du jour qui réjouira tous les amoureux de « ces idiomes pittoresques, bigarrés, gouleyants et imagés », cette périphrase de l’auteur illustrant parfaitement les caractéristiques de son écriture (colorée, abondante, généreuse) et le domaine de son investigation, « ces tournures charroyées sous le tortueux chemin du champ sémantique ».
 

Proverbes et tournures idiomatiques

Lacotte ratisse large et prend son bien en divers lieux pourvu que la truculence justifie la sélection. Nous aurons donc droit à quelques proverbes (même s’ils débordent la notion étroite d’«expressions ») tels que : « Il ne faut pas mettre le doigt entre l’arbre et l’écorce », « Il vient un temps où les vaches auront besoin de leur queue »), des syntagmes figés (« Dès potron-jacquet »), des tournures argotiques (« Faire du gringue »), des références culturelles (« Le quart d’heure de Rabelais », « Donner un soufflet à Ronsard », « Signé Canrobert »).
Et, bien entendu, des tournures idiomatiques, souvent imagées, métaphoriques (« une manière de contourner l’évidence » précise la préface), parfois bien connues («Avoir la berlue », « Courir le guilledou », « Porter de l’eau à la mer ») parfois plus rares, donc plus surprenantes et plus précieuses : « Brochant sur le tout » (en conclusion), « Un éventail à bourrique » (un gourdin), « Un lieutenant de couche » (un amant), « Rhabiller les gamins » (resservir à boire), « Être au nid de la pie » (atteindre son maximum), « Faire d’une rose un artichaut » (gâcher), « Remercier son boulanger » (mourir).

À dure enclume, marteau de plume !

La richesse de la matière, l’enjouement du style n’empêchent pas la rigueur dans les explications, ni le souci pédagogique dans la présentation matérielle : dans la marge de chaque notice sont proposés une traduction en langage courant, des équivalences et des renvois analogiques, enfin des exemples où apparaît un couple sans doute imaginaire mais confronté aux pires situations, Julie et Norbert, les cobayes de notre joyeux linguiste.
Signalons aussi le très précis et très complet index alphabétique qui permet de retrouver rapidement l’une de ces quatre cents locutions pittoresques.
Disons-le sans barguigner, Daniel Lacotte nous apporte, avec cette délicieuse anthologie, la preuve irréfutable qu’il est loin de grésiller la carafe, d’avoir une araignée au plafond, de dévisser le cigare, d’avoir une chambre à louer, d’avoir été piqué par la tarentule, de yoyoter de la cafetière, d’avoir l’esprit au talon, de brider l’âne par la queue, d’être sot comme un panier, d’être un lustucru, de donner des brebis à garder au loup … paradigme incomplet des formules servant à désigner un esprit dérangé ou limité.
On peut même supposer que son solide tempérament et sa remarquable fécondité lui permettent d’endurer les critiques (rares) comme les éloges (mérités) car « À dure enclume, marteau de plume ».

Yves Stalloni

• Daniel Lacotte, “Les Expressions les plus truculentes de la langue française”, Larousse, 2014, 251 p.
 

Yves Stalloni
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