
Éducation affective, relationnelle et sexuelle :
des débats à hauteur d’enfant
Les programmes d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité, publiés au Journal officiel en février, entrent en vigueur à la rentrée 2025. Que contiennent-ils ? Qui va s’en charger et avec quelle formation ? Enquête assortie d’une bibliographie dédiée.
Par Milly La Delfa, enseignante de lettres et cinéma (académie de Paris)
Les programmes d’éducation à la vie affective et relationnelle et à la sexualité, publiés au Journal officiel en février, entrent en vigueur à la rentrée 2025. Que contiennent-ils ? Qui va s’en charger et avec quelle formation ? Enquête assortie d’une bibliographie dédiée.
Par Milly La Delfa, enseignante de lettres et cinéma (académie de Paris)
L’éducation à la sexualité en milieu scolaire n’est pas une nouveauté : elle fait partie des enseignements obligatoires depuis un quart de siècle. En effet, la loi Aubry du 4 juillet 2001 stipule, dans son article L.312-16, que les élèves de maternelle, primaire et secondaire doivent recevoir une information et une éducation à la sexualité à raison d’au moins trois séances par an. Soit au minimum trente-six heures pour un élève scolarisé de trois à seize ans et quarante-cinq heures pour ceux qui poursuivent jusqu’au bac.
Ce chiffre est bien loin de ce qui se passe réellement dans les classes. Au cours de ces vingt-quatre dernières années, l’éducation à la vie affective relationnelle et sexuelle (Évars) s’est enrichie d’autres luttes essentielles : contre les préjugés homophobes en 2003, contre les violences interfamiliales en 2010 et contre le sexisme en 2013. Mais la mise en œuvre par les établissements de ces séances reste globalement décevante.
Il aura fallu attendre que différentes instances tirent le signal d’alerte – la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et le conseil économique, social et gouvernemental (Cese) entre autres – pour que soit rédigé et publié au Journal officiel du 5 février 2025, le nouveau programme Évars. Celui-ci devrait être appliqué par tous les établissements dès la rentrée 2025.
Mais que se passe-t-il déjà au sein des classes ? Que font celles et ceux qui n’ont pas attendu les récentes annonces gouvernementales pour informer les enfants et les adolescents, et les accompagner dans la connaissance de leur corps et dans celle de leurs émotions ? Comment faire en sorte que les plus jeunes soient conscients de leurs droits, respectent ceux des autres et posent les questions nécessaires dans un environnement éducatif prêt à y répondre ?
Un programme pour engager l’obligation légale
Si la loi existe depuis plus de vingt ans, son application est encore trop rare dans les établissements de la maternelle à la fin du secondaire. Son enseignement est pourtant essentiel. Pour Jessica[1], qui a des élèves de petite section, il s’agit principalement d’apprendre à connaître son corps en utilisant le vocabulaire juste. Le but étant de souligner dès le plus jeune âge ce qui relève d’un lexique partagé et scientifique et ce qui relève de la dénomination affective et familiale des organes génitaux. Cette professeure des écoles en Nouvelle-Aquitaine accompagne en douceur le passage des mots enfantins comme « nénette », « abricot » et « zizi » au nom des parties génitales : « pénis » et « vulve ».
Ce premier temps permet de désacraliser le rapport au corps en le transformant en objet de connaissances partagé et discuté en groupe. « Tout est à construire avec des enfants de trois ans, notamment la notion d’intimité. », souligne-t-elle. À peine sortis de la toute petite enfance, certains élèves ne sont pas encore complètement autonomes dans les soins de leur propre corps. L’Évars a pour enjeu premier cette connaissance du corps et des limites corporelles.
Pour Marion, qui travaille avec des CM2 dans l’académie de Nantes depuis de nombreuses années, « cette classe est l’heure d’une transition vers une autonomie nouvelle, plus psychique que physique. Les enfants redéfinissent leur appréhension du monde et des autres en s’affranchissant de celle que leur ont inculquée leurs parents ». Marion conçoit l’éducation affective comme l’occasion de leur donner des clés pour penser les modifications de leur corps, mais également pour réfléchir aux liens qu’ils nouent avec les autres. Elle a constaté que les enfants de 10/11 ans avaient un besoin fort de repères à ce moment où leur personnalité se dessine, et qu’il était indispensable d’évoquer avec eux les notions d’intimité et de consentement.
Depuis la circulaire Fontanet du 23 juillet 1973, ce sont les professeurs de sciences et vie de la terre (SVT) qui sont chargés de dispenser aux élèves du secondaire un enseignement scientifique et biologique des phénomènes physiologiques liés à la puberté et à la reproduction. C’est ainsi que Sinda, professeure de SVT dans l’académie de Paris, après plusieurs années dans des établissements de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), aborde dès la sixième des notions propres à l’éducation sexuelle, notamment à travers les modifications pubertaires d’un corps qui devient apte à se reproduire. Elle poursuit de façon progressive pour évoquer les rapports sexués en quatrième et en troisième. « Cela relève de ma responsabilité pédagogique de prolonger ces éléments de programme en évoquant, au-delà des différences biologiques, les stéréotypes de genre ou la notion de consentement à travers ce que l’on a le droit de faire ou non à un autre corps. », résume-t-elle.
Ces trois enseignantes engagées dans cet enseignement sans programme, puisqu’il n’en existait pas jusqu’alors, avaient identifié des enjeux d’apprentissage heureusement très proches de ce que le nouveau programme promeut. « L’éducation à la sexualité se déploie de manière progressive de l’école maternelle jusqu’aux classes du lycée[2]», présente le site ministériel, et ce en convoquant trois champs disciplinaires : « biologique, psycho-émotionnel, juridique et social », et trois questionnements : « Comment se connaître ? », « Comment rencontrer les autres ? », « Comment trouver sa place dans la société ? »
Il s’agit de répondre aux trois objectifs de ce même programme : « Se connaître, vivre et grandir avec son corps », « Rencontrer les autres et construire des relations, s’y épanouir », « Trouver sa place dans la société, y être libre et responsable », objectifs qui sont les mêmes tout au long du parcours scolaire des élèves de l’entrée en maternelle à la fin de la terminale, mais qui doivent être enrichis, approfondis et complexifiés au fil des séances annuelles.
L’élaboration des programmes d’Évars a démarré en 2022, lorsque l’ancien ministre Pap Ndiaye a missionné le Conseil supérieur des programmes sur le sujet. Le contenu a été publié au bulletin officiel le 6 février 2025, et les nouveaux textes doivent entrer en vigueur à la rentrée de septembre 2025. L’existence d’un véritable déroulé pédagogique devrait permettre aux établissements et aux enseignants d’organiser les trois séances annuelles auxquelles chaque élève scolarisé a droit.
« Les directeurs et directrices d’école (en lien avec les inspecteurs et inspectrices de l’éducation nationale en charge de la circonscription) et les chefs d’établissement veillent à l’organisation et à la mise en œuvre d’au moins trois séances annuelles d’éducation à la sexualité, en garantissant les conditions de leur progressivité et leur bonne articulation avec les enseignements et avec les actions et projets éducatifs menés au sein de l’école ou de l’établissement (programme de lutte contre le harcèlement, actions en faveur de l’égalité filles-garçons, projet d’éducation à la citoyenneté au cycle 4, etc.).
Dans les établissements du second degré, le chef d’établissement peut utilement prendre appui sur un référent, qui peut être le même que le référent égalité. Dans les circonscriptions du premier degré, ce rôle est dévolu à l’un des conseillers pédagogiques. Le rôle de ce référent est de développer une expertise et de conseiller les directeurs et chefs d’établissement pour l’organisation et la mise en œuvre des séances. »
Mais quel plan de formation pour accompagner ces nouveaux programmes ? Une première séance de formation a été suivie par près de six cents personnels (inspecteurs et inspectrices, infirmiers et infirmières, chef et cheffes d’établissement, conseillers et conseillères techniques auprès des recteurs et rectrices…) le 24 mars à Paris et en ligne, relate le journal 20 minutes. « On a besoin de former les futurs intervenants en Évars [sous-entendu : les profs et pas seulement les cadres] », note une participante citée dans l’article. La référence étant le Plan laïcité lancé en 2021 qui avait permis à l’ensemble des personnels de bénéficier d’une demi-journée de formation en présentiel. Pour les responsables de la direction générale de l’enseignement scolaire, des personnes ressources existent déjà sur l’Évars, l’école ne part pas de zéro. Les enseignants qui le souhaitent sont invités à se former « en autonomie » sur la plateforme M@gistère.
De nouvelles formations annoncées
« L’éducation à la vie affective et relationnelle, et à la sexualité étant obligatoire depuis 2001, nombre de professeurs et de personnels sociaux et de santé de l’éducation nationale sont déjà formés à cet enseignement. Toutefois, pour mieux les accompagner, de nouvelles formations seront organisées à partir du second trimestre 2025. Des ressources pédagogiques et des outils pour mener les séances leur sont également proposés et seront étayés lorsque le programme sera publié. », précise le site du ministère.
À l’instar de la « formation des 1000 », cette formation qui avait été dispensée à mille membres du personnel scolaire entre octobre 2021 et avril 2022 afin qu’ils soient ensuite aptes à former à leur tour les professeurs de leur académie à la défense de la laïcité, le ministère prévoit la formation de « professeurs relais » à qui il reviendrait ensuite de diffuser ces savoirs auprès de leurs collègues.
Le plan de formation national à la laïcité a donné lieu à de riches journées d’enseignement théorique en histoire et en philosophie, mais également sur les plans juridique et institutionnel élargis à l’international. Et elles ont été complétées par des journées pratiques sous la responsabilité des cellules académiques. La formation à l’éducation affective, relationnelle et sexuelle semble en revanche davantage relever de l’annonce politique que d’un véritable dispositif d’accompagnement des enseignants.
Par exemple, ni Jessica ni Marion ni Sinda n’ont encore entendu parler d’un quelconque plan de formation dans leurs académies respectives. Pour Jessica, dont l’école est implantée en milieu rural, à l’écart des zones urbaines les plus actives, cette absence de formation institutionnelle et d’information sur les appuis que pourraient recevoir les enseignants est particulièrement préjudiciable. La situation géographique de son établissement rend plus difficile le recours à des propositions non institutionnelles comme celles proposées par des associations ou des structures médico-sociales (les PMI ou les relais de soins infirmiers). Cela condamne ces écoles et leur personnel à chercher de façon autonome les ressources nécessaires et à mettre en place son propre déroulé pédagogique, tout en ayant le sentiment qu’ils pourraient être mieux outillés.
L’école de Marion a pris les devants en inscrivant l’Évars de façon autonome dans son projet d’établissement. Dans sa classe de CM2, Marion prend ainsi en charge les deux premières séances, en s’appuyant tout d’abord sur les questions des élèves qu’ils viennent glisser de façon anonyme dans une boîte à questions, puis en s’attachant à la description scientifique et technique de l’appareil reproducteur des filles et des garçons.
C’est toujours l’occasion pour elle de mesurer les écarts entre les représentations et la réalité sur un sujet comme les organes et les parties du corps chez des enfants de dix ans. Les deux autres séances sont confiées à l’infirmière qui informe les élèves sur les violences sexuelles et sexistes, et explique quelques notions d’égalité filles-garçons. Marion a fait appel à l’association DisQutons qui propose des ateliers d’échanges avec les élèves selon leur tranche d’âge, mais également des rencontres avec les parents afin de leur donner des pistes pour aborder ces questions avec leurs enfants. Dans le collège de son secteur, les équipes ne prennent pas en charge les séances, mais ont recours aux associations ou à l’infirmière scolaire.
Pénurie d’infirmières dans le secondaire
Dès le secondaire, les séances spécifiques semblent effectivement confiées aux infirmières plutôt qu’aux enseignants. Soizic[3] est infirmière à temps plein dans un établissement privé sous contrat. Elle organise depuis plusieurs années trois séances annuelles pour chacun des niveaux – seconde, première, terminale – lors desquelles elle demande l’intervention d’une ou deux associations, ou prend en charge la discussion avec les élèves en l’absence de leur professeur. Cette organisation optimale, puisqu’elle répond déjà aux impératifs de septembre 2025, est en partie due au statut de l’établissement. En effet, dans les établissements publics, et notamment ceux qui accueillent un grand nombre d’élèves, la pénurie d’infirmières scolaires est telle que les séances d’Évars sont difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre. Pour exemple, le lycée de Cachan, qui accueille deux mille cinq cents élèves, se bat chaque année pour préserver le poste et demi d’infirmière, c’est-à-dire un personnel à temps plein et un personnel à temps partiel. Comment, dans ces conditions, le personnel soignant peut-il organiser des séances d’Évars tout en répondant aux urgences auxquelles il est sans cesse confronté ? On voit bien le fossé entre les directives et la réalité du terrain, les injonctions et l’absence de moyens humains et financiers supplémentaires pour les rendre effectives.
Sinda relaie cependant que, dans son établissement public, la séance avec l’infirmière a pu avoir lieu. Mais la professeure de SVT a regretté de s’être vu imposer cette séance détachée sur laquelle elle n’a eu aucune visibilité. Avançant le fait que les élèves ne peuvent s’exprimer librement devant un professeur sur les sujets de sexualité ou de vie affective, les enseignants du secondaire ne sont pas autorisés à participer à ces temps de dialogue. « Difficile ensuite de nous reprocher de ne pas nous sentir concernés par l’Évars », remarque l’enseignante. Elle rappelle que c’est aux professeurs de SVT de faire circuler la boîte contenant les différents dispositifs de contraception et que ce geste provoque des questions spontanées des élèves. « Une formation interdisciplinaire et qui réunirait tous les personnels comme cela a été proposé pour la laïcité, aurait peut-être l’avantage d’impliquer de façon plus homogène les différents acteurs scolaires sur l’Évars. », observe-t-elle.
Un sujet sensible
Cette absence de ressources et d’étayage de l’institution laisse les enseignants démunis devant les réactions que soulève cette partie du programme. Si l’Évars ne semble pas vraiment poser des problèmes aux familles au collège et au lycée, ni aux professeurs de SVT qui l’abordent de manière scientifique, les positions sont plus réservées dans le premier degré.
« Il existe une grande hétérogénéité sur ce sujet entre les élèves, constate Marion. Certains sont déjà entrés dans la phase pubertaire en CM2 alors que d’autres sont encore très enfantins, mais ils connaissent aussi des différences de culture familiale. » Au professeur de trouver le juste milieu afin de donner à tous les réponses qu’ils attendent, sans brusquer ni frustrer.
Ce sont ces arguments qui permettent à Marion de répondre aux parents qui l’interrogent. « Mon rôle est de mettre des mots sur des choses importantes, de ne pas faire de l’Évars un tabou à l’école quand bien même cela en serait un dans les familles. » L’enseignante considère en effet que c’est son travail d’accompagner les élèves : « Ils avancent sans nous, quoi qu’on en pense. Notre rôle c’est de les mettre en sécurité, de faire de l’éducation affective et sexuelle à hauteur d’enfant. » Le fait qu’il existe désormais un véritable programme lui donne l’assurance de pouvoir faire son travail de façon sereine.
Jessica est également très claire sur cette mission. Dès la réunion de rentrée, elle présente l’Évars aux parents d’élèves en insistant sur la notion de respect du corps. Elle explique que, notamment en période 5, elle aborde le consentement à travers des albums de jeunesse (voir la proposition de bibliographie en fin d’articles) et des situations de classe qui permettent à chacun de comprendre ce que l’on peut faire et ce que l’on ne peut pas faire avec les camarades.
Elle tire de ces discussions une charte du bien-vivre ensemble et se tient à la disposition des parents pour des rendez-vous individuels si les résistances sont trop fortes. « Le point le plus sensible, en ce qui concerne les tout-petits, c’est peut-être la question du langage, précise-t-elle. Les parents préfèrent encore, avec des enfants de trois ans, désigner les parties intimes avec des mots de bébé. » lls n’osent pas utiliser la terminologie scientifique et ne savent pas toujours comment aborder le sujet. « Confrontées à une certaine désinhibition, normale à cet âge, les familles doivent pouvoir compter sur l’école pour parler d’intimité et de vivre-ensemble. », estime Jessica. Entraînées par la verbalisation, les lignes bougent sur ces sujets dans la communauté scolaire.
Petits groupes et non-mixité au lycée
Apolline, élève en Seine-et-Marne, et Keren, élève à Paris, n’ont pas bénéficié du même parcours d’Évars. Dans son collège du Val-de-Marne, Apolline n’a assisté qu’à une séance d’éducation affective et sexuelle animée par sa professeure de SVT, dont elle ne garde pas de souvenirs marquants. Keren, de son côté, a pu bénéficier de deux séances en non-mixité de genre qui lui ont permis de dialoguer de façon fluide avec l’infirmière, puis avec des intervenants associatifs. Keren souligne l’importance du petit nombre d’élèves dans ces temps où l’intime est exposé et la nécessité d’interlocuteurs formés à ces échanges au cours desquels elle a eu l’impression d’apprendre des choses. Réunies dans le même lycée parisien, Keren et Apolline déplorent l’inutilité de la séance organisée par leur établissement cette année : elle consistait en un échange à plus de soixante élèves réunis dans une même salle. Deux infirmières étaient chargées de modérer en suggérant de « poser toutes les questions qui leur tenaient à cœur ». Cette modalité s’est soldée par un silence complet des élèves. La projection d’une vidéo, « Déjà vue un million de fois » précise Artem, n’a pas convaincu.
Collégiens et lycéens sont lucides sur l’intérêt de l’Évars. Artem souligne que ce n’est pas évident de parler de ces sujets avec ses parents, et même inenvisageable pour beaucoup de ses amis. Un temps scolaire bien organisé pourrait pallier le silence qui subsiste encore dans les familles et contrebalancer ce que l’on se dit entre adolescents, entre bravades et méconnaissance.
Pour l’heure, les mises en œuvre les plus efficaces émanent surtout de personnalités ou d’associations hors Éducation nationale.
Des ressources non institutionnelles
La société civile a en effet pris des initiatives pour pallier le manque d’information institutionnelle.
Depuis 1990, le professeur Israël Nizand, longtemps à la tête du service de gynécologie obstétrique de Strasbourg, se déplace dans les écoles pour prendre en charge une éducation sexuelle et affective qui fait défaut. Comme il le rappelle dans la série de podcasts À voix nue sur France culture, dans certains quartiers, des jeunes filles tombent enceintes à seize ans et subissent « une interruption volontaire de l’adolescence, car c’est à cela que ça correspond un accouchement à seize ans. » Et d’ajouter : « Personne ne prend le temps d’expliquer à des jeunes filles comment entrer en sexualité, qu’elles peuvent dire non, qu’à chaque rapport il faut savoir si ça donnera lieu à un enfant ou pas. Je suis allé voir le directeur de l’école et je lui ai proposé mes services pour essayer d’arrêter ce cycle de la pauvreté. »
Ce professeur de médecine a mis en place « Infos-Ados », un dialogue qu’il noue avec des adolescents en milieu scolaire à partir d’une boîte à questions sur laquelle il demande aux enseignants de ne surtout pas intervenir. Les questions sont utilisées pour aborder des sujets qu’il aurait été impossible d’évoquer spontanément. Il souligne l’importance du cadre institutionnel comme garant d’une légitimité d’enseignement et grâce auquel la vie affective et sexuelle devient un élément du tronc commun de connaissances absolument indiscutables. Il avance la nécessité de l’intervention d’un tiers en position d’horizontalité et de complicité avec les enfants pour échanger autour de ces interrogations.
Suppression du mot « sexualité » dans le 1er degré
Dans le programme d’Évars qui entre en vigueur à la rentrée 2025, l’intitulé change entre le premier degré et le second degré où le troisième terme, celui de « sexualité », apparaît à la suite de « vie affective et relationnelle ». Est-ce à dire que la sexualité ne doit pas être abordée en maternelle et en primaire ? C’est problématique pour Jessica et Marion. « Les élèves peuvent être confrontés à des violences sexuelles bien avant l’entrée en sixième. », plaide l’une. « Ne pas intégrer la sexualité au programme du 1er degré alimente le silence autour de situations dramatiques que les enfants vivent trop souvent dans le secret. », peste l’autre.
Mai Lan Chapiron a écrit un livre intitulé Le Loup etconçu comme un outil de prévention contre les violences sexuelles pour les enfants à partir de 4 ans et leurs proches, ainsi que pour les professionnels de l’enfance. Elle se bat contre le silence en proposant des séances de prévention dans les écoles et organise, par l’intermédiaire de son association Mille Miettes, des rencontres qui s’appuient sur le livre, une vidéo et une chanson. « Il s’agit de prévenir les plus jeunes contre les violences sexuelles, mais aussi d’ouvrir la voie aux adultes qui les entourent, leur montrer comment ce travail de prévention, qui est la mission de tous, peut être possible et même presque facile..», explique-t-elle sur le site dédié à l’ouvrage.
Les livres, et en particulier les ouvrages de littérature de jeunesse, sont des relais précieux pour mettre en œuvre les séances d’éducation. Jessica en fait la lecture à voix haute, choisissant des albums qui sont accessibles aux petites sections. Marion, pour sa part, propose des tables thématiques qui mettent des ouvrages en avant. En mai, la thématique choisie sera celle de l’intimité. Elle proposera à ses élèves une libre consultation d’albums ou de documentaires associés et effectuera la lecture de certains passages en groupes restreints pour favoriser les interactions.
M. L.-D
Notes
[1] Jessica propose sur Instagram des ressources très intéressantes.
[2] Les citations du paragraphe sont toutes extraites du site ministériel de l’Éducation nationale
[3] Le prénom a été modifié.
Bibliographie l’école des loisirs

Retrouvez ICI une bibliographie thématique préparée par les équipes de l’école des loisirs pour accompagner les réflexions autour de l’Évars chez les lectrices et les lecteurs comme dans les établissements.
L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.