« Faire de la santé mentale des jeunes une priorité nationale »

Aux Assises de la santé scolaire qui se sont tenues le 14 mai à Paris, un plan d’action a été lancé, notamment autour de la santé mentale. 100 % des élèves doivent pouvoir bénéficier d’une analyse personnalisée et d’une prise en charge, a défendu la ministre de l'Éducation nationale, Élisabeth Borne.

Par Ingrid Merckx, rédactrice en chef

Aux Assises de la santé scolaire qui se sont tenues le 14 mai à Paris, un plan d’action a été lancé, notamment autour de la santé mentale. 100 % des élèves doivent pouvoir bénéficier d’une analyse personnalisée et d’une prise en charge, a défendu la ministre de l’Éducation nationale, Élisabeth Borne.

Ingrid Merckx, rédactrice en chef

Agir tous ensemble en faveur de la santé mentale. C’est l’un des premiers objectifs affichés par le dossier de presse sur la santé scolaire publié le 14 mai par le ministère de l’Éducation nationale. Ce document était préparé à l’occasion des Assises de la santé scolaire qui se sont tenues ce même jour, au théâtre Récamier, à Paris.

Au départ, une contradiction alarmante entre le manque cruel de médecins et d’infirmièr(e)s scolaires alors que la santé mentale des jeunes se dégrade : « On comptait, en 2022, 900 médecins scolaires, dont un tiers a plus de 60 ans, 9 300 infirmiers et infirmières scolaires, dont 1 800 contractuels, 3 200 assistantes sociales et 7 000 psychologues de l’éducation nationale. Les concours de recrutement dans ces métiers ne font pas le plein. Chez les médecins scolaires, le nombre de postes vacants dépasse les 40 %. », rappelle un article du Monde. En parallèle, après un premier rapport post-Covid paru en 2023 et intitulé « Quand les enfants vont mal : comment les aider ? », le Haut conseil à la famille a publié les résultats d’une nouvelle étude, Enabee, le 6 février 2025 prévenant : « 13,0 % des enfants de 6-11 ans scolarisés du CP au CM2 présentent au moins un trouble probable de santé mentale ». 14 % des adolescents présenteraient un risque de dépression. Et la France connaît un fort taux de dépression chez les adultes.

« Entre 16 et 18 ans émerge la majorité des troubles mentaux qui vont subsister à l’âge adulte, explique Marie-Rose Moro, pédopsychiatre et directrice de la Maison des adolescents de l’hôpital Cochin à Paris dans un entretien avec la revue Etudes (avril 2025). En tout premier lieu, il y a la dépression de l’adolescent. On pourrait dire qu’elle est existentielle, au sens où cette dépression est très reliée au monde dans lequel il vit et aux questions qu’il se pose. La majorité des passages à l’acte suicidaire apparaissent dans des contextes dépressifs. »

Autre élément inquiétant : la hausse de consommation de médicaments psychotropes chez les enfants et adolescents, « faute de mieux », d’après l’enquête menée par le Haut conseil à la famille. La pandémie de Covid-19 quand elle n’a pas créé de troubles dus à des violences intra familiales, des replis sur soi, des troubles alimentaires et des troubles anxieux a pu également amplifier des troubles potentiellement déjà existants, développe également Marie-Rose Moro dans cet entretien. Les enfants d’alors sont devenus adolescents dans un monde « plus insécure, moins désirable », selon elle : « La Covid-19 a modifié le rapport au monde des adolescents et des jeunes adultes. », poursuit-elle. Avec inquiétude car, précise-t-elle : « Nous savons soigner leurs troubles du comportement alimentaire, leurs dépressions, mais on ne peut pas faire grand-chose sur leur rapport au monde. »,

Mais l’école davantage. Que peut-elle face à cette alerte de santé publique ? « Fragilités psychiques, troubles somatiques, inégalités d’accès aux soins… Notre système de santé scolaire ne répond plus aux défis du temps présent et peine encore trop souvent à détecter les souffrances, accompagner les plus vulnérables et à faire face à l’ampleur des besoins », convient pourtant la ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, en introduction du dossier de presse des Assises de la santé scolaire.

Un plan d’action a été annoncé ce 14 mai autour de trois piliers : « la prévention, la détection, et la promotion de la santé scolaire ». « Il nous faut faire de la santé mentale des jeunes une priorité nationale. », insiste la ministre dans ce document en défendant : « 100 % des élèves doivent bénéficier d’une analyse personnalisée de leur situation de santé ». Pour l’heure, la visite médicale de la sixième année ne concerne que 20 % des élèves. Les ministères de l’Éducation nationale et de la Santé se sont ainsi engagés conjointement à :

  • généraliser les protocoles dédiés à la santé mentale dans toutes les écoles, collèges et lycées d’ici à fin 2025 ;
  • former à la santé mentale les inspecteurs du premier degré et les personnels de direction ;
  • former deux personnels repères en santé mentale dans chaque circonscription pour le premier degré et dans tous les collèges et les lycées d’ici à la fin de l’année 2025-2026 ;
  • développer le partenariat avec les maisons des adolescents ;
  • faciliter l’accès des élèves aux centres médico-psychologiques avec un système de coupe-file ;
  • nommer un psychologue de l’Éducation nationale conseiller technique en santé mentale par département, soit une centaine au total ;
  • renforcer la formation en santé mentale des personnels sociaux et de santé ;
  • renforcer les compétences psychosociales des élèves ;
  • déployer un module de sensibilisation auprès des collégiens et des lycéens.

Une expertise croisée

91 % des membres de la communauté éducative sont favorables à une intervention des personnels sociaux et de santé de la maternelle au lycée, selon une grande enquête menée par la direction générale de l’enseignement scolaire auprès de 30 000 personnes : médecins scolaires, infirmiers, psychologues, conseillers techniques et parents d’élèves.

« Pour un bon diagnostic il faut une expertise croisée », a rappelé Jean Hubac, adjoint à la direction générale de l’enseignement scolaire en clôture des Assises de la santé scolaire, en soulignant qu’il y avait un attachement très fort à la santé scolaire au sein de l’Éducation nationale, ses personnels souhaitant, à 97%, que les personnels psycho-sociaux restent rattachés à ce ministère.

Plusieurs groupes de travail avec les organisations syndicales se sont réunis en amont de ces Assises, de novembre 2024 à mai 2025. Ils ont fait apparaître la nécessité d’une meilleure articulation des forces au sein de l’Éducation nationale avec un renforcement de la prévention dans le premier degré, sans déshabiller le second, et une amélioration de l’attractivité des métiers de santé scolaire. L’Éducation nationale a effet perdu 30 % des médecins en activité ces cinq dernières années. Améliorer la formation continue et l’accès au concours, permettre la pratique mixte, améliorer les grilles de rémunération et envisager une prime d’installation pour « attirer les médecins vers l’école », comptent parmi les objectifs fixés pour l’année a résumé Guillaume Aujaleu, adjoint à la direction des ressources humaines de L’Éducation nationale.

« L’école doit être un lieu de santé, dans toutes ses dimensions », a défendu Yannick Neuder, ministre de la Santé, saluant « cette large concertation » qui peut « faire bouger les lignes ». Vaccination, activité physique, obésité et écrans, santé bucco-dentaire et addiction, maladies sexuellement transmissibles, a-t-il cité avant d’aborder la question phare de la santé mentale : « L’adolescence est le moment où peuvent se déclarer des pathologies psychiatriques. La déstigmatisation actuelle aide, mais aussi le dépistage. » Le ministre a mentionné la question du harcèlement avant d’évoquer à son tour la nécessité de renforcer l’attractivité de la médecine scolaire : formation, réorientation, carrières diversifiées.

« Ces Assises ne sont qu’une étape, elles nous engagent à poursuivre avec tous les acteurs, a assuré Élisabeth Borne pour clore la journée. Parce que mieux vaut prévenir que guérir, mieux vaut former que soigner, mieux vaut accompagner que subir. La santé scolaire ne doit plus être un problème, elle vient soutenir une meilleure réussite scolaire et personnelle des élèves. »

« La santé mentale de nos adolescents est un objet politique, défend également Marie-Rose Moro dans son entretien avec la revue Etudes où elle explique qu’elle peine à obtenir des budgets. Cette question devrait être une priorité politique. » Puissent les Assises de la santé scolaire poursuivre dans cette direction.

I. M.

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