La jeune fille au cinéma. Entretien avec Zeynep Jouvenaux, programmatrice au Forum des images

Zeynep Jouvenaux, Forum des images
Zeynep Jouvenaux

Le Forum des images, à Paris, consacre une partie de son été à programmer des films autour du thème de la jeune fille. Il ne s’agit pas de montrer l’intérêt narratif d’un personnage, mais surtout de questionner la place donnée à la jeune fille dans la société et de discuter la façon dont le cinéma s’en empare.

L’éventail est large, du film d’horreur au film naturaliste, du film d’auteur au film hollywoodien. Malgré ces différences, des questions récurrentes s’imposent, qui touchent à l’ordre social que la jeune fille assume ou remet en question, à l’identité féminine dont le cinéma montre comment elle peut être induite par les représentations sociales et révéler la fabrication des stéréotypes.

L’âge de la jeune fille renvoie alors à des questions d’affirmation, de reconnaissance du féminin et de transmission. Entre secret et sauvagerie, conscience et apprentissage, revendication et passage de relais, la figure de jeune fille est une figure de transformation et de création.

Zeynep Jouvenaux, la programmatrice de ce cycle, nous parle de ce qui l’a guidé dans ses choix et des questions auxquelles sa programmation ouvre.

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Donnez-vous un âge à la jeune fille ?

Je me place en programmatrice et non en sociologue. Cette discussion taxinomique se retrouve dans de nombreux films. Pour certains spectateurs, le personnage ne serait pas encore une jeune fille car elle est trop petite. Dans d’autres films, le personnage ne serait plus une jeune fille : on bascule alors du côté de la jeune femme.

Ce qui est intéressant est que cette interrogation est le plus souvent prise en charge par le film à travers les interrogations de ses personnages comme à travers les questions que le film pose directement au spectateur. Je formulerais l’interrogation autrement : ce que les films qui montrent des jeunes filles se demandent, c’est au nom de quelles valeurs, de quels critères, de quels présupposés ou de quels préjugés nous pouvons statuer un critère ou une appartenance, ou encore fixer une catégorie.

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Il faudrait donc sortir de la biologie ou de l’état-civil ?

Beaucoup de films construisent leurs récits et leurs personnages en prenant en compte le moment de la virginité et du passage à l’acte. La jeune fille serait ce personnage qui se situe entre deux écoulements de sang, entre les premières règles et la défloration.

"Carrie", de Kimberly Peirce, 2013
“Carrie”, de Kimberly Peirce, 2013

Évidemment, les cinéastes peuvent en déduire des conséquences plastiques, et amener leurs films vers le fantastique, l’horreur, comme Carrie qui construit de façon exemplaire ce trajet, des règles au déferlement de la violence et du sang.

Mais ce n’est pas l’essentiel, selon moi. Avec la perte de la virginité, c’est l’émancipation qui est visée. Et cela déborde largement la question de la jeunesse. Il s’agit alors de construire une figure qui cherche une indépendance et une affirmation, qui doit subvenir à ses besoins et qui apprend à identifier ses désirs.

Il s’agit véritablement d’une prise de pouvoir et d’une prise de parole, par lesquelles la jeune fille s’éloigne des parents comme de supposés pygmalions.

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Il existe quand même beaucoup de films où la jeune fille est un spectacle pour le regard, et en particulier le regard masculin.

Pas tant que cela. Et même dans ces cas-là, il s’agit très souvent d’une transformation ou d’une métamorphose. Il y a le fantasme de la vestale, de la gardienne, de l’incarnation d’une innocence absolue. Mais il y a surtout la représentation d’une vaillance primordiale. C’est ce point qui m’importe le plus et c’est cela, je crois, que ma programmation prend en compte.

Je pense à ce mot anglais que j’aurais du mal à prendre en compte dans toutes ses dimensions en français : empowerment. Ce mot insiste sur une puissance qui vient de l’intérieur. La jeune fille transcende et accomplit ce qui se pose tous les jours : l’invention d’une identité et, ce qui va avec, de ses zones de liberté.

Comment faire exister une sexualité sans tomber dans tous les travers ou tous les pièges, et évidemment sans se réduire à être un objet réifié du regard ? Comment échapper à une forme d’essentialisation, qui du coup limite furieusement sa capacité d’exister et de s’inventer ?

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C’est pour cette question du regard que la jeune fille est importante au cinéma ?

Le cinéma montre à la fois le regard qui aliène et la manière de s’opposer à cet emprisonnement, qui est parfois inconscient dans nos sociétés. Pour la doxa, il y a des formes avilissantes du regard comme la pornographie, et des formes reconnues et valorisantes comme le statut de muse.

Mais il s’agit ici encore d’une réification, mais plus subtile. Car avec la muse, il s’agit encore d’une relation de dépendance et d’une contrainte, même intellectuelle. Je me suis posé une question constante : qu’est-ce que la jeune fille rend possible pour elle-même ? Cette souveraineté est mobile, dynamique, jamais figée, toujours fluctuante.

Je voulais d’un côté que la programmation questionne ces systèmes où la jeune fille doit prêter allégeance pour voir finalement à quel point c’est la question de la soumission qui est importante ici. D’un autre côté, je voulais montrer comment le cinéma montre la naissance de cette force.

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Le cinéma nous apprend-il quelque chose au sujet des jeunes filles ?

C’est que justement il nous aide à formuler la question de la jeune fille. Il montre les contradictions et les passages dont la jeune fille est le corps, ou qu’elle incarne. Elle représente cet ensemble de négociations et de transactions avec les adultes mais aussi, et surtout, avec son identité et son désir.

Il nous montre à quelles conditions ou de quelle façon la place de la jeune fille – celle pour laquelle elle combat ou elle s’oppose – se négocie.

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Jacques Dutronc et Isabelle Huppert dans "Sauve qui peut la vie", de Jean-Luc Godard, 1980
Jacques Dutronc et Isabelle Huppert dans “Sauve qui peut la vie”, de Jean-Luc Godard, 1980

Faut-il être un cinéaste pervers pour montrer une jeune fille à l’écran ?

La question est intéressante car elle me paraît totalement piégée. Elle semble contraindre le discours et obliger à prendre une position. D’un côté, on prend l’argument, ou l’alibi le plus souvent, de l’art ou de l’esthétisme qui permet de filmer au nom d’une conception d’une beauté supérieure et acceptable des jeunes filles et des actes sexuels. De l’autre, on retrouve la conception du cinéaste comme manipulateur et pervers qui assouvit ses désirs vus comme déviants et malsains.

J’aimerais déplacer le problème, car au cinéma, le but est de fabriquer des images et les films les plus intéressants partent de cette position de déséquilibre pour la questionner. C’est ce que fait Godard pour qui la jeune fille, dans Sauve qui peut (la vie), révèle une fragilité et un déséquilibre chez l’actrice comme chez le cinéaste. Il transforme finalement la situation de pouvoir en espace de partage d’émotions et de vulnérabilité.

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Il n’y a pas qu’une jeune fille.

La jeune fille n’est pas un personnage homogène. Et chez les cinéastes, il y a plusieurs jeunes filles.

"Six contes moraux", "1.La Boulangère de Monceau", d'Éric Rohmer, 1962
“Six contes moraux”,                         “1.La Boulangère de Monceau”,                 d’Éric Rohmer, 1962

Chez Rohmer, on retient facilement des personnages de jeunes filles bourgeoises, intellectuelles, comme dans Conte de printemps ou Conte d’été.

Mais dans La Boulangère de Monceau, il oppose déjà deux jeunes filles, la Parisienne chic qui deviendra épouse d’avocat, soucieuse de son rang, de son maintien et la prolétaire qui vend des croissants dans sa boulangerie, liée quasiment la boulimie, à un désir qu’on ne peut contenir, qui enfle.

C’est un partage hérité du XIXe siècle et Rohmer, à la toute fin des années 1950, montre comment ce stéréotype perdure dans une époque qui se voit libre et moderne. Mais aussi il montre dans d’autres films, par exemple dans Les Nuits de la pleine lune, une jeune femme, interprétée par Pascale Ogier, qui ne veut pas renoncer à sa vie de jeune fille. On dépasse la question de la prédation et la jeune fille devient même un sujet d’identification.

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La jeune fille est comme un autoportrait pour les cinéastes, qu’ils soient des hommes comme des femmes ?

La figure matricielle de ce rapport est incarnée par Sylvia Bataille dans Partie de campagne. Elle incarne une forme de connexion profonde et non psychologique avec la nature, comme une communion avec des forces primitives qui correspond à une sensibilité constante des films de Jean Renoir.

L’hypothèse ici est de voir ce personnage comme une cristallisation des désirs et des secrets du cinéaste lui-même, et qu’il peut assumer dans la fiction et par l’invention de ce personnage de jeune fille. Ce n’est pas une façon d’apprendre à être une jeune fille. La jeune fille deviendrait même un état du moi.

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Ce serait une erreur de la cantonner à des films réalistes ou sociaux ?

C’est très loin d’être le cas. Le plus souvent, ces films sont des fables.

"Virgin Suicides", de Sofia Coppola, 1999
“Virgin Suicides”, de Sofia Coppola, 1999

Certes, dans Virgin Suicides, de Sofia Coppola, les parents sont bigots, conservateurs, il y a une aliénation et une critique d’un comportement intégriste, mais le film est très peu naturaliste, et pose surtout la question du fantasme et de ce qui échappe aux ordres, au désir, à la mémoire.

Jennifer’s Body, que j’aime beaucoup, réalisé par Karyn Kusama avec Megan Fox, l’héroïne des premiers Transformers, joue avec les stéréotypes sexuels et sociaux en travaillant les codes du film d’horreur, du film gore.

Quant à Rohmer, son dernier film, Les Amours d’Astrée et Céladon, font de la jeune fille un personnage baroque et fantastique, à plusieurs facettes, fondamentalement antinaturaliste.

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Est-ce que le cinéma apprend quelque chose aux jeunes filles ?

En tout cas, beaucoup de jeunes filles viennent. Le public est féminisé, il est très jeune aussi. La rétrospective intéresse les jeunes filles, qui considèrent, quand on discute avec elles à la fin de la séance, que d’une certaine manière les films leur sont adressés. Que se passe-t-il quand une jeune fille existe et qu’il existe des positions sociales qui ne sont absolument pas déconstruites ? Le cinéma, ici, donne un regard critique, qui permet aux spectateurs de se positionner.

Quand j’ai vu Au hasard Balthazar, de Robert Bresson, j’avais l’âge du personnage joué par Anne Wiazemsky, et je ne m’y reconnaissais absolument pas. Si ce que je voyais sur l’écran était une jeune fille, alors je n’en étais pas une tant je la trouvais éloignée de moi. Le film installe ici un dispositif de regard, et oblige à se poser contre des regards stéréotypés ou figés.

Je me demandais alors ce qu’aurait été le film si le regard avait été réversible. À quoi ressemble le film si le regard du personnage se dissocie du regard du cinéaste ? Finalement, le film m’a obligée à inventer un hors-champ, qui a pu construire une pensée, qui a débordé le mouvement de la contestation, pour être positif.

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Gena Rowlands dans "Opening Nigth", de John Cassavettes, 1977
Gena Rowlands dans “Opening Nigth”, de John Cassavettes, 1977

Y a-t-il des films centraux dans la rétrospective ?

Pour moi, il y a un film à partir duquel j’ai construit la rétrospective, une sorte de cœur. Il s’agit d’Opening Night de John Cassavetes. Cela peut paraître paradoxal car la jeune fille y est en creux, sous les traits d’un fantôme, puisqu’elle meurt presque immédiatement dans le film. En même temps, elle est tout le temps là. On m’a dit qu’elle n’était pas tant présente, ni si importante. Pas du tout. C’est par elle que circulent les questions de filiation et de procréation. Elle devient une sorte de double et de fille impossible pour la femme âgée interprétée par Gena Rowlands. Mais à elles deux, elles forment le couple véritable du film.

Elle donne le sens profond du film, qui est une fable sur le passage des âges et la cohabitation difficile des différents âges en une seule personne. Être une jeune fille, c’est un passage, un stade, mais aussi une part de notre identité actuelle.

Cela m’a plu, dans la même journée, de programmer ce film avec Blanche-Neige et le chasseur, de Rupert Sanders, qui est comme son inverse, puisque là, le personnage de Kirsten Stewart tue la méchante reine, mais il y a en partage une lutte, une tristesse et même une forme de compassion qui unit les deux pôles.

Kristen Stewart dans "Blanche-Neige et le chasseur", de Rupert Sanders, 2012
Kristen Stewart dans “Blanche-Neige et le chasseur”, de Rupert Sanders, 2012

Deux autres films dessinent une forme de colonne vertébrale : d’abord Petites, de Noémie Lvovsky, en raison de son souffle, de sa vitalité, de sa forme d’animalité aussi. Les actrices prennent beaucoup de place. Certes, des tempéraments se dessinent, Julie-Marie Parmentier serait plutôt dans le rôle de la tête brûlée, Magalie Woch dans celle de la jeune fille un peu ronde, etc. Mais ce qui est beau, c’est que les attributs ne sont pas aussi figés, il y a beaucoup de circulations d’énergies et d’affects entre les personnages. La beauté, le trouble, le grotesque ne sont pas liés à un unique personnage : c’est le mouvement qui prédomine, et avec le mouvement se créent beaucoup d’échanges ou de permutations. Des duos ou des trios se forment. C’est aussi cela, l’amitié qu’on peut vivre à cet âge-là.

L’image d’Épinal est de mettre en avant les rivalités, les mesquineries, la compétition. Il y a aussi cela, mais la cinéaste insiste sur la création d’un entre-soi très sensuel et très cru, où la danse devient un rite initiatique violent, presque vaudou, comme une transe. Elle va jusqu’à la rupture de cet entre-soi, qui marque encore un autre âge, celui où les garçons viennent : Lvovsky, avec beaucoup de sensibilité, installe la conscience que cet état fusionnel et bouillonnant est forcément éphémère, mais est vécu très intensément.

Le second film à évoquer est Le Procès de Jeanne d’Arc de Robert Bresson. Une scène attire en particulier mon attention. Lorsque Jeanne se trouve dans sa cellule, elle est épiée constamment. Bresson fait un plan à travers le trou pratiqué dans le mur : Jeanne a conscience de cette surveillance inlassable. Soudain, comme par une sorte de regard-caméra, elle fixe à son tour ceux qui l’observent. J’y vois la conscience de la place où elle est, et les nuances essentielles qui vont avec : l’acceptation, le défi, l’importance de soutenir le regard.

Megan Fox dans "Jennifer's Body", de Karyn Kasuma, 2009
Megan Fox dans “Jennifer’s Body”, de Karyn Kasuma, 2009

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En quoi la symbolique de ce plan est-elle fondamentale ?

Je retrouve quelque chose de très proche dans un film a priori très différent, puisqu’il s’agit du film d’horreur, Jennifer’s Body. À la fin du film, une fois que l’héroïne s’est vengée en tuant les assassins, elle sort du couloir d’un hôtel et lance un regard insolent à la caméra de surveillance avant de la détruire. Le rapport à la vision, à la puissance et au regard qui porte ces questions est fondamental.

Le personnage féminin est tiraillé entre l’exposition et le retrait : elle accepte de s’exposer, puis décide de ne plus s’exposer. C’est une double injonction : elle doit intérioriser le regard porté sur elle mais aussi être spontanée comme si ce regard ne modifiait pas son comportement. Ici, le plan exprime un savoir de ce regard par la jeune fille : elle sait très bien qu’elle est regardée et comment elle l’est.

C’est pour cela que j’aime le cinéma américain mainstream, qui refuse le gage ou le fantasme d’une pureté consubstantielle à la jeune fille, et que le cinéma d’auteur français reconduit trop souvent. Dans ce cinéma d’auteur, tout se passe comme si la jeune fille ne doit pas être capable de renvoyer un regard en face pour ne pas compromettre ce qu’un créateur démiurgique enregistre. Au contraire, dans ce cinéma américain, cette construction complexe est totalement assumée.

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Est-ce dire que la jeune fille est une figure cruelle ?

Non, je ne crois pas du tout. C’est surtout interroger les positions respectives entre le masculin et le féminin et se poser la question des possibles qu’on donne au masculin et au féminin. Dans Opening Night, le fantôme dit à l’actrice âgée : « Je n’ai pas peur de toi. » Dans White Bird, de Gregg Araki, l’adolescente est très dure face à sa mère, interprétée par Eva Green. Cette cruauté est aussi une fenêtre très courte de liberté donnée à la femme. Quel est le support entre les générations ? Comment les aînées disposent-elles des plus jeunes ? Au nom de quoi la jeune fille est-elle légitime ? Et au nom de quoi est-elle désirable et convoitable ?

Cette idée que le pouvoir de la femme est forcément éphémère car il est lié au fantasme de beauté incarné par la jeune fille, alors que le pouvoir masculin se construirait dans le temps, qu’est-ce qui l’installe dans les représentations sociales et comment la déconstruire, comment s’en emparer ? Est-ce que la jeune fille installe une discontinuité fondamentale dans l’existence d’une femme ? Le jeune homme serait un homme puissant en miniature, alors que de la jeune fille à la femme âgée s’opérerait un changement de substance : comment critiquer ces représentations de l’intérieur et créer un espace de jeu ?

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Quels films de la programmation conseilleriez-vous ?

J’en donnerais quatre, sans ordre de préférence, et en privilégiant totalement la diversité.

"Lolita malgré moi" ("Mean Girls"), de Mark Waters, 2005
“Lolita malgré moi” (“Mean Girls”),         de Mark Waters, 2005

Lolita malgré moi, de Mark Waters, écrit par Tina Fey : dans cette comédie hypercontemporaine, on y voit les adultes confrontés à la jeune fille et aux modèles de conformité qui affectent sa sociabilité.

C’est la même idée dans Bliss de Drew Barrymore, à travers les concours de miss auxquels une mère force sa fille à participer, alors que celle-ci est attirée par des sports violents. On y voit bien les aliénations créées par les modèles sociaux et les hésitations, les difficultés d’une jeune fille face à des codes qu’elle ne peut connaître et qui la contraignent.

Fatty Boucher, de Fatty Arbuckle : Fatty doit se déguiser en jeune fille pour entrer dans un pensionnant retrouver sa fiancée. C’est un film burlesque muet fondé sur le travestissement. La question qu’il pose est importante : comment joue-t-on à la jeune fille ? Quoi faire pour être perçu et reconnu comme une jeune fille ?

"La Fièvre dans le sang" (Splendor In The Grass"), d'Elia Kazan, 1961
“La Fièvre dans le sang” (Splendor In The Grass”), d’Elia Kazan, 1961

La Fièvre dans le sang, d’Elia Kazan : c’est un mélodrame classique construit sur les interdictions et les permissions accordées aux sexes dans la société des années Cinquante. Le garçon aurait des besoins sexuels, la fille ne pourrait pas coucher avec celui dont elle est amoureuse, etc. Il n’y aurait pas de garçons faciles, il n’y aurait que des filles faciles, etc.

La forme mélodramatique montre la rigidité absolue des places distribuées dans cette société. Elle dessine précisément une cartographie de la puissance et de la relégation, ou de l’anéantissement d’une identité féminine.

Enfin, je conseille aussi une comédie classique de Vincente Minnelli, avec Spencer Tracy et Elizabeth Taylor, Le Père de la mariée, qui montre avec beaucoup de subtilité les enjeux du rapport entre un père et sa fille.

Propos recueillis par Jean-Marie Samocki

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• Cycle « La jeune fille » à Paris, au Forum des Images, du 10 juin au 26 juillet 2015.

• “Mustang”, de Deniz Gamze Ergüven. Le manifeste de la jeune fille, par Jean-Marie Samocki.

• Voir également le dossier de “l’École des lettres” : Écritures et figures féminines.

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Jean-Marie Samocki
Jean-Marie Samocki

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