La subordination corrélative et l’exemple des consécutives

DR École des lettres

SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE. La construction de la phrase corrélative repose sur un double marquage. Le travail de la classe doit se faire par étape avec des outils appropriés afin que les élèves maîtrisent l’expression de la relation cause/conséquence.
Par Yves Lucas, professeur de lettres, académie de Rennes

À en juger par les pages index des manuels de grammaire, la notion de « corrélation » ne semble pas de première importance : le mot n’y est même pas recensé. Néanmoins, on le trouve employé au chapitre des subordonnées de conséquence pour signaler que l’« on peut exprimer la conséquence avec intensité au moyen de la locution ‘‘ au point que ’’ ou encore de la conjonction ‘‘ que ’’ mise en corrélation avec un terme d’intensité placé dans la proposition précédente. Ce terme est dit corrélatif. »
À quelques variantes près, les ouvrages scolaires procèdent de la façon suivante : on identifie en distinguant cause et conséquence, et on établit des listes de locutions de conséquence ; on applique la leçon en passant en revue les différents emplois ; on transforme en vue de l’expression écrite et orale. Une constante demeure : les faits de langue sont examinés sous l’angle du contenu, les relations réelles sont censées éclairer les relations formelles entre les mots.
Considérons les deux énoncés suivants : « Le son est fort au point qu’on ne s’entend pas parler » et « Le son est si fort qu’on ne s’entend pas parler ». Au nom du sens, on dira que le verbe V2 entretient avec le verbe initial V1 une relation de dépendance par la conjonction
« que ». Ce verbe dépendant est la conséquence du fait principal énoncé par V1, cette conséquence étant soulignée par un mot de liaison, soit en éléments conjoints (« au point que »), soit en éléments disjoints (« si…que »). Le schéma corrélatif avec « si… que » est présenté comme une simple variante du schéma conjonctif avec « au point que ».
Là se trouve le malentendu et réside notre point de désaccord. L’analyse de la phrase corrélative requiert une autre approche, dans la mesure où sa construction repose sur un double marquage, que diverses manipulations mettront en évidence. La première partie de phrase est suspensive (« Le son est si fort… ») et appelle une suite sous forme de verbe complétif.  La présence de l’un implique celle de l’autre, et vice-versa. La relation entre les deux verbes ne se pose donc pas en termes de hiérarchie (verbe principal – verbe secondaire), mais de complémentarité. Plus que d’une simple dépendance grammaticale, comme c’est le cas avec « au point que », il s’agit d’une interdépendance. La contrainte syntaxique sur les deux verbes pèse autant de V1 à V2 que de V2 à V1.
Le travail en classe se fera par étapes. Au fur et à mesure des découvertes, les élèves noteront un exemple type suivi de la règle de fonctionnement correspondante, formulée dans un langage concret à leur portée.
Munis d’outils d’analyse appropriés, les élèves seront alors en capacité d’expliquer à quoi tient l’ambiguïté d’une phrase telle que : « Il s’affole tant qu’il ne trouve pas de solution ». Dès lors, le travail en grammaire n’a plus l’aspect pointilliste et répétitif qui était critiqué dans l’analyse grammaticale et logique du passé. Les deux interprétations sont en fait sous-tendues par deux constructions formelles différentes. Ainsi, le sens temporel ou consécutif de « tant que » s’explique par un découpage qui n’est pas le même quand on passe de la subordonnée conjonctive à la subordonnée corrélative, et réciproquement. D’autres exemples à analyser seront proposés à la sagacité des élèves.
 

MANIPULATIONS GRAMMATICALES

 

ÉTAPE 1 


I. Construisez deux phrases à partir de ces mots ou groupes de mots disposés au tableau verticalement. Combinez-les dans le bon ordre. Il n’y a rien à ajouter ni à modifier.

Il y avait / certains enfants /  plein de mousse / ont glissé /  que / tellement
Des élèves / ils étaient en retard / se sont fait sanctionner / que / tellement / à l’entraînement.
 
II. Pour chaque phrase, rendez explicite le rapport de cause à conséquence en employant « tellement… que » (qu’il faudra souligner).

  1. Il a fait très froid cette nuit ; les vitres de la voiture sont couvertes d’une épaisse couche de givre.
  2. L’enfant aime beaucoup le chocolat ; il s’en rendrait malade.
  3. Leurs amis ne savaient pas par quoi commencer ; ils avaient beaucoup d’anecdotes à raconter sur le voyage.
  4. Il riait de bon cœur ; il en avait les larmes aux yeux.
  5. Des baigneurs n’hésitent pas à plonger du rocher ; ils paraissent très sûrs d’eux.
  6. L’artiste a promis de revenir, il a été très bien accueilli.
  7. Il est étourdi, il cherche une fois de plus où il a pu mettre ses clés.
  8. Le dépanneur a beaucoup de travail, il ne sait où donner de la tête.
  9. Vous pouvez rester une semaine, la région est riche en découvertes de toutes sortes.

 
III. Même chose, mais cette fois à vous de compléter la moitié de phrase manquante.

  1. Le vainqueur était tellement ému . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  2. Les gelées ont été tellement tardives . . . . . . . . . . . . . . . .
  3. . . . . . . . . . . . . . . . . … qu’on ne se lasse pas d’en manger.
  4. . . . . . . . . . . . . . . . . . . que certaines routes sont inondées.
  5. . . . . . . . . . . . . . . . . . . que des arbres se sont abattus sur les routes.
  6. . . . . . . . . . . . . . . . . . . qu’on ne trouve plus de ventilateurs à acheter
  7.  . . . . . . .  . . . . . . . . . . que les camélias sont en fleurs dès la fin février.
  8. . . . . . . . . . . . . . . . . . . qu’on a saisi l’occasion pour en acheter deux paires.
  9. . . . . . . . . . . . . . . . . . . qu’on a du mal à lire l’ordonnance.
  10.  . . . . . . . . . . . . . . . . . .que le hayon arrière ne ferme pas.

IV. Reprenez chaque phrase de l’exercice 3 en employant « tellement » ou
« tant » comme subordonnant.
V. Faites de même avec les phrases de l’exercice 2.
 

ÉTAPE 2

VI. Employez des indices corrélatifs autres que « tellement ».

  1. La Barbe Bleue se mit à crier ….. fort que toute la maison en trembla.
  2. Les clients en achètent ….. à la fois que les rayons des magasins sont vides.
  3. Les températures étaient ….. basses que parfois l’eau faisait éclater les tuyaux.
  4. Les routes sont ….. encombrées que des itinéraires de délestage sont mis en place.
  5. Ils ont ….. crié pendant la rencontre qu’ils n’ont plus de voix.
  6. Ils étaient ….. sûrs d’eux qu’ils ont pris la décision sans hésiter.
  7. Les vents ont soufflé avec une violence ….. que des branches encombraient la route.
  8. Le concert a suscité un ….. engouement qu’il n’y a plus de billets à vendre.
  9. Les sommets étaient bloqués à ….. point qu’on interdit l’accès aux cols.
  10. Il y avait ….. monde qu’on ne voyait pas les musiciens sur scène.

À compléter au fur et à mesure :
– « Si » porte sur  ….. (quels types de mots ?) ;
– « Tant » porte sur….. ; « tel » porte sur…..
– Quand le mot corrélatif porte sur un nom, on emploie  :
 

ÉTAPE 3

VII. Comment lire ces deux phrases ?
Il travaille tant qu’il n’a plus de temps libre. Il travaille tant qu’il peut.
Pour chacune d’elles, soulignez d’un trait plein la partie 1 et d’un autre trait plein la partie 2 :
Quelle phrase suit l’ordre logique cause/conséquence ? Quelle phrase porte une indication de temps ?
 
VIII. Faites de même. Séparez les 2 parties de phrase par un double //. Attention, il n’y a pas forcément 2 solutions à chaque fois.

  1. Il court tant qu’il s’épuise.
  2. Il a tenu bon tant qu’il a pu.
  3. Il a chanté si bien qu’on l’a applaudi.
  4. Il lutte tant qu’il peut pour s’en sortir.
  5. Il s’affole tant qu’il ne trouve pas de solution.
  6. Vous pouvez refuser tant qu’il est encore temps.
  7. Il travaille tant que le soir il s’endort rapidement.
  8. Il y avait un brouillard tel qu’on ne voyait pas à dix mètres.
  9. Selon cet écrivain, une histoire le hante tant qu’elle n’est pas écrite.
  10. La lune nous illuminait si bien qu’on se dispensait d’éclairer la terrasse.

 
IX. Imaginez deux suites différentes, l’une avec un sens consécutif, l’autre avec un sens temporel.

  1. Il s’en occupe si bien que ….
  2. Il s’en occupe si bien que . . .
  3. Ses lunettes lui cachaient si bien les yeux que . . .
  4. Ses lunettes lui cachaient les yeux si bien que . . .

 

ÉTAPE 4

X. Imaginez le verbe V2 ou toute la 2e partie de phrase. Soulignez les indices corrélatifs.

  1. Il est trop tard pour que le courrier …..
  2. Il est trop tôt pour que nous ….. déjà des conclusions de cette enquête.
  3. L’emplacement est trop petit pour que nous y ….. la caravane.
  4. La recette est trop compliquée pour que nous ….. ce dessert.
  5. Son correspondant anglais parle trop vite pour que …..
  6. Il fait trop chaud pour que …..
  7. Les voisins font trop de bruit pour que …..
  8. L’accord est trop récent pour que nous…..
  9. Il a trop de travail pour que vous …..
  10. Les faits sont trop graves pour que…..

XI. Même chose qu’en 10. Soulignez les éléments en corrélation.

  1. C’est un événement assez surprenant pour qu’il ….. dans la presse.
  2. Parlez assez fort pour que …..
  3. Le ciel est assez dégagé pour que …..
  4. Les fruits sont assez mûrs pour qu’ils …..
  5. L’apprenti pâtissier bat la pâte suffisamment vite pour que …..
  6. Les organisateurs ont prévu assez de chaises pour que …..
  7. L’ouvrier a assez de métier pour que …..
  8. Les chiffres sont suffisamment controversés pour que …..
  9. La question est suffisamment importante pour que …..
  10. Les querelles de clans ont suffisamment duré pour que …..

 
XII. Reprenez le verbe V1 à la forme négative (a), puis interrogative (b). Complétez. 

  1. Le sac est si lourd que je suis incapable de le transporter.
    – a) Le sac n’est pas si lourd …..
    – b) Le sac est-il si lourd ….. ?
  1. Nous sommes si fatigués que nous (décider) de nous arrêter.
    – a) Nous ne sommes pas si……
    – b) Sommes-nous si fatigués ….. ?
  1. Vous êtes si fatigués que vous ne (pouvoir)… poursuivre.
    – a) Vous n’êtes pas si fatigués …..
    – b) Etes-vous si fatigués que ….. ?
  1. Il a tant travaillé qu’il a toute chance de réussir.
    – a) Il n’a pas tant travaillé …..
    – b) A-t-il tant travaillé ….. ?
  2. Il est si grand qu’il parvient à toucher le plafond.
    – a) Il n’est pas si grand …..
    – b) N’est-il pas si grand …..
  1. Le coup a été si violent que le vieux mur s’est lézardé.
    – a) Le coup n’a pas été si violent …..
    – b) Le coup a-t-il ….. ?
  1. Son talent est si grand que sa réputation s’étend à tout le pays.
    – a) Son talent n’est pas si grand que …..
    – b) Son talent ….. ?
  1. Les occasions de rire sont si nombreuses que l’on peut se détourner de celle-là.
    – a) Les occasions de rire ne sont pas …..
    – b) Les occasions de rire ….. ?
  1. La panne est si sérieuse qu’il doit attendre le lendemain pour repartir.
    – a) La panne n’est pas si sérieuse qu’…..
    – b) La panne est-elle si sérieuse qu’ …..
  1. Il est si stressé qu’il perd une partie de ses moyens.
    – a) Il n’est pas si stressé qu’il …..
    – b) Est-il si stressé qu’il ….. ?

 

COMMENTAIRES PÉDAGOGIQUES

ÉTAPE 1. Emploi de « tellement… + que »

Le point de départ de l’observation est fourni par ces deux phrases relevées dans des écrits d’élèves de cinquième. L’un écrit : « Certains enfants ont glissé tellement qu’il y avait plein de mousse sur les roches ». Un autre :  « Des élèves se sont fait sanctionner, tellement qu’ils étaient en retard à l’entraînement ».
Céline, copiant le parler populaire, écrit de même : «  Il n’en avait plus de dos ce grand malheureux, tellement qu’il avait mal » (Voyage au bout de la nuit). La tournure est fautive non à cause de « tellement », mais de « que ». L’adverbe « tellement », soumis à un déplacement qui entraîne le figement de sa position en tête de la proposition postposée, devient alors un subordonnant. Mais ce rôle syntaxique de l’adverbe entraîne la disparition de la conjonction
« que ». On dira donc : « Le rugbyman évacué sur une civière pleurait, tellement il avait mal » (subordination conjonctive). Ou bien : « Le rugbyman évacué sur une civière avait tellement mal qu’il pleurait » (subordination corrélative).
Pour visualiser la contrainte syntaxique qui, dans le processus syntaxique, pèse sur les deux verbes, on utilisera un double fléchage qui va dans les deux sens, de V1 à V2 et de V2 à V1. Toute formule qui suggère la réciprocité du rapport sera retenue. On dira : le verbe initial V1 appelle une suite sous forme « que » V2. Ou bien : V2 est annoncé dans V1 par l’indice corrélatif « tellement ». Ou encore : les deux verbes V1 et V2 se répondent de l’un à l’autre. Sur le plan du sens, on notera que la tournure en « tellement… que » suit l’enchaînement logique de la phrase : cause -> conséquence. A l’opposé, l’emploi du subordonnant
« tellement » placé devant le verbe (« il avait tellement mal » -> « tellement il avait mal ») pose en tête la conséquence (« il pleurait »), suivie de la cause (« tellement il avait mal »).
Exercice 1. On vérifie quels élèves (sans doute peu) connaissent cette tournure avec le subordonnant « tellement », non suivi de la conjonction « que ». Les exercices 2 et 3 font employer l’adverbe « tellement » en corrélation avec « que » pour exprimer l’intensité dans le rapport de cause à conséquence. L’intérêt de la construction est que l’enchaînement logique de la phrase en cause à conséquence coïncide avec l’organisation de la dépendance mutuelle des deux parties. de la phrase. Par exemple, exercice 3. 10 : « Le coffre de la voiture est tellement chargé // que le hayon arrière ne ferme pas ».
Exercices 4 et 5. Ils ne seront pas donnés trop tôt. Certainement pas en 6e/5e. C’est le rôle syntaxique de « tellement »,bloqué en tête de subordonnée qui lui donne ce statut de subordonnant : « Le vainqueur pleurait à chaudes larmes, tellement il était ému ».
Sur leur classeur, les élèves recopient un exemple type, suivi de commentaires : « Il a fait tellement froid que les vitres de la voiture sont couvertes de givre. ». La phrase est construite sur la base de deux marques « en corrélation » : la présence de l’une implique celle de l’autre et vice versa. C‘est une relation de réciprocité.
 

ÉTAPE 2. Corrélation et complémentation directe

V1« tellement…», « si…. », « tant…. » + « que » V2
Priorité est donnée au corrélatif « tellement ». Ce n’est pas une surprise : « tellement » inclut dans sa distribution tous les mots qui apparaissent dans les environnements immédiats des adverbes de quantité concurrents : « si » et « tant ». Il est donc le plus employé. On dira :
« Cela est allé si vite qu’on a été incapable de voir venir, ou bien : Cela est allé  tellement vite que…. Il a tant crié qu’il n’a plus de voix /  Il a tellement crié qu’…. »
La relation de subordination corrélative directe de type « V1 adverbe … + que V2 » se manifeste surtout en trois schémas de phrase distincts, avec les adverbes : « si, tant et tellement ». Par le jeu de l’incidence adverbiale et de la répartition des emplois, tous les cas sont couverts :
– « Si » inclut dans sa distribution un adjectif, un adverbe ou un participe passé avec être ;
– « Tant » inclut un verbe ou un participe passé avec avoir ;
– « Tellement » inclut tous les éléments qui apparaissent dans les contextes de si et tant.
Sa distribution étant la moins contraignante, la variation libre joue donc en faveur de
« tellement ». C’est l’adverbe le plus employé. Et cela d’autant plus que, devant les adverbes et adjectifs différenciateurs (« plus… », « moins… », « meilleur… », « moindre… »), l’exclusion de « si » et de « tant » entraîne le recours à la forme de suppléance « tellement ».
Par exemple : Elle est tellement plus rapide que moi qu’elle aura fini la première.
 
V1 « tel… » + « que » V2
L’adjectif « tel »  est un autre indice corrélatif, mais il est le seul à inclure le nom dans sa distribution. Il détermine le nom comme attribut (« La force du vent était telle qu’il a abattu un vieux chêne ») ou comme épithète postposée au nom (« Il agit avec une volonté telle ») ou placé entre le déterminant et le substantif (« Il agit avec une telle volonté »). On le trouve aussi après le verbe être en position d’attribut. Enfin, en associant « tant » et « tellement » à « de », le locuteur a une autre possibilité de rattacher le complément verbal (« que » V2), à un groupe nominal. Par exemple, à un complément d’objet du verbe V1 : « Il a gardé tant de clichés non datés qu’à la fin il s’y perd. Ils s’attendent à tant de monde qu’ils ont dû… »
 
Exercice 6
Il élargit l’emploi du corrélatif initial aux adverbes « si » (ex.1-3-4-6), « tant » (ex.2-5) , et à l’adjectif « tel » (ex.7-8)  Leur distribution est complémentaire comme le montrera un tableau récapitulatif à construire au fur et à mesure des observations. Sur le classeur, les élèves le reproduisent. On emploie :
– l’adverbe « si », quand l’intensité porte sur un adjectif ou un adverbe ou un participe passé avec être ;
– l’adverbe « tant », quand l’intensité porte sur un verbe ou un participe passé avec avoir ;
– l’adjectif « tel », épithète ou attribut, quand l’intensité porte sur un nom ;
– les déterminants « tellement de », « tant de », quand l’intensité porte sur un substantif.
 

        si tant tellement tel tant de
tellement de
adjectif/adverbe         +          +
verbe           +          +
p.p. (avoir)          +
p.p. (être)          +
nom           +            +

 
 

ÉTAPE 3. Corrélation et lecture

Certains énoncés ambigus demandent qu’on s’appuie sur une analyse préalable qui éclaire l’organisation  – soit conjonctive soit corrélative –-  de la phrase entière. Soit l’énoncé :
« Il s’affole tant qu’il ne trouve pas de solution ». Comment la lire à voix haute ? Il y a deux possibilités. Si l’on fait une pause après « il s’affole », cela signifie qu’on a pu désolidariser le verbe « il s’affole » de sa suite : « Il s’affole // tant qu’il ne trouve pas de solution. Tant qu’il ne trouve pas de solution // il s’affole ». Le critère de déplacement s’applique à la locution « tant que », laquelle rend V2 dépendant de V1. La construction explique que la subordonnée prenne un sens temporel : « Aussi longtemps que... » Autre possibilité : « tant… que » correspond aux deux marques sur lesquelles se développe la phrase corrélative : « Il s’affole tant // qu’il ne trouve pas de solution ». La place des deux verbes est alors bloquée. On reconnaît là l’organisation syntaxique propre au processus corrélatif qui, au sein d’une même phrase, lie deux énoncés complémentaires.
Avec l’exercice 8, l’élève apprend à reconnaître tel annonçant un complément de conséquence : il est frappé d’un accent d’intensité ; il est séparé de son corrélatif que par une légère pause intonative. Pour visualiser le balancement de la phrase en ses deux unités partielles qui s’appellent l’une et l’autre, on souligne la proposition initiale par un trait montant et la proposition suivante par un autre trait descendant. Entre les deux, une pause courte est ménagée. La diction doit être travaillée pour que cette coupure soit à la fois naturelle et la plus expressive possible.
.

Corrigé

  1. Le sens est : 1) Consécutif ; 2)  Temporel ; 3) Consécutif et temporel ; 4) Temporel ;
    5) Temporel et consécutif ; 6) Temporel ; 7) Consécutif ; 8) Consécutif ; 9) Temporel ; 10) Consécutif et temporel.

 

ÉTAPE 4. Corrélation et complémentation indirecte

Jusque-là, toutes les phrases répondaient à une organisation reposant sur la co-occurrence de deux marques complémentaires, un adverbe et « que ». Ces deux indices corrélatifs reliaient directement un verbe complémentaire V2 à un verbe de base V1.
Une variante du modèle syntaxique de type adverbe…+ que  est représentée par les systèmes corrélatifs en : V1 « trop … » + « pour (que) » V2 subjonctif ;  V1 « assez… » +
« pour (que) » subj. V1 « suffisamment… + pour (que) »… subjonctif :
C’est trop beau pour que ça puisse être vrai.
C’est trop beau pour que j’y croie vraiment.
On en a assez vu pour qu’on se fasse une idée exacte.
Il en a assez montré pour que chacun ait sa propre opinion.
C’est suffisamment compliqué pour que vous n’en rajoutiez pas.
Dans ces exemples, l’enchaînement du complément verbal se fait indirectement (« pour
que »). Le  verbe V2 signale sa dépendance syntaxique à la fois par la conjonction « que » et par le blocage au mode subjonctif. Les exercices 10 et 11 de type structural visent à donner aux élèves la maîtrise d’une tournure qu’ils emploient peu ou pas du tout.
Pour les classes de lycée, on ajoutera d’autres emplois (difficiles) où le schéma de construction directe V1 « adverbe… » + « que … » V2 s’inscrit dans un énoncé de forme négative ou interrogative. L’emploi de V1 négatif ou interrogatif entraîne alors l’emploi de V2 au subjonctif. On comparera :
Il est si fort qu’il ne peut être battu.
-> Il n’est pas si fort qu’il ne puisse être battu.
-> Est-il si fort qu’il ne puisse être battu ?
La conséquence est énoncée par le verbe second. À l’indicatif, elle est affirmée. Au subjonctif elle est mise en doute. Pour nombre de locuteurs, c’est en passant au mode subjonctif que les difficultés de compréhension apparaissent.  Un travail de reformulation à l’oral permet de régler les problèmes posés par ces tournures éloignées du parler courant.
 
Corrigé

  1. 9) pour que vous osiez le déranger. 10) Les faits sont trop graves pour que ces questions restent sans réponse.
  2. 7) pour que son patron lui fasse confiance. 8) pour que l’on s’y arrête davantage. 9) pour que l’on réfléchisse sérieusement au problème posé. 10) pour qu’il n’en soit pas tiré des leçons.
  3. 1a) que je sois. 2a) que nous décidions. 3) que vous ne puissiez. 4) qu’il ait – 5) qu’il parvienne. 6) qu’il se soit lézardé ? 7) que sa réputation s’étende. 8) que l’on / qu’on puisse

 

Bilan général

Dans le mode d’enchaînement corrélatif de type V1 adverbe + que V2, la relation qui s’établit entre les deux verbes ne se présente pas en termes d’importance sémantique (verbe principal, verbe subordonné), mais de complémentarité signalée par une série de marques qui se distribuent de part et d’autre de l’unité syntaxique qu’elles constituent. Reprenant le terme de « ligature » à G et R. Le Bidois (Syntaxe du Français Moderne, § 1516 sq.), nous distinguons donc d’un côté la subordination corrélative comme système à double ligature et, de l’autre, la subordination conjonctive comme système reposant sur une simple ligature. Ces questions de vocabulaire sont secondaires pour les élèves. Il importe autrement pour eux qu’ils puissent, à travers ces tournures méconnues et pourtant essentielles pour l’expression de la relation cause/conséquence, prendre une part active à la découverte de quelques mécanismes fondamentaux de la langue. En sixième/cinquième, on s’en tiendra aux emplois avec « tellement… que ».

Yves LUCAS académie de Rennes

 
Ressources
Allaire Suzanne, Le modèle syntaxique des systèmes corrélatifs, Doctorat d’Etat, Rennes2, ANRT Lille III, 1982.

Yves Lucas
Yves Lucas

3 commentaires

  1. Je vous remercie d’attirer l’attention sur les exercices dans le dispositif mis en place. Leur rôle n’est pas de faciliter la réception passive par l’élève de connaissances transmises par le professeur, mais de favoriser la découverte par le jeune locuteur des règles de fonctionnement du système qui « agit » en lui, à son insu. D’où une programmation par étape pour faire le tour de chaque objet d’étude. A l’opposé de ces exercices que l’on aligne sans que l’on sache à quoi tout cela mène. On y reviendra.

  2. Bravo, Yves! Je vois que nous avons eu le même professeur. Les manipulations grammaticales sont bien conçues et pertinentes pour un collégien. A très bientôt!

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