"La Tête haute", d’Emmanuelle Bercot, ou le parcours chaotique d’un jeune délinquant

"La Tête haute", d’Emmanuelle BercotComédienne, scénariste et réalisatrice, Emmanuelle Bercot s’offre le luxe de figurer sur deux affiches de films en compétition au Festival de Cannes 2015. Elle joue aux côtés de Vincent Cassel le premier rôle dans Mon roi de son amie Maïwenn et présente sa deuxième réalisation, La Tête haute.
Grande admiratrice de Catherine Deneuve, elle en avait fait en 2013 la vedette de son premier film, Elle s’en va. La comédienne y incarnait une femme de 60 ans en perte de repères qui quitte sa famille et découvre la liberté en compagnie de son petit-fils, Nemo Schiffman, le propre fils de la cinéaste.
Le rapport tendre mais conflictuel entre cette femme et le garçon est la ligne directrice de ce road-movie qui a été une révélation pour la critique.

 

Un sujet brûlant

Dans le deuxième film d’Emmanuelle Bercot, Deneuve incarne avec beaucoup de sensibilité une juge des mineurs. Ce film ouvre curieusement la compétition officielle. Mais en le voyant, on comprend mieux ce choix. La Tête haute joue à nouveau sur le conflit des générations et la détresse des vies à la dérive. Il traite le sujet brûlant des jeunes en révolte contre les institutions. On y suit, de six à dix-huit ans, le parcours chaotique de Malony, violent et instable, que la juge et un éducateur tentent inlassablement de ramener dans le droit chemin.
Emmanuelle Bercot ne veut pas casser l’image de la star, mais plutôt jouer avec le mythe Deneuve. « Tous ses rôles, dit-elle, nous habitent inconsciemment, nous cinéastes. Il faut se l’approprier: j’avais envie de découvrir des choses chez elle. Elle a réussi à me surprendre par sa liberté de jeu, par la façon dont elle s’est abandonnée, par tous les cadeaux qu’elle m’a fait dans ce film. »
 
"La Tête haute", d’Emmanuelle Bercot
 

Une œuvre forte et éprouvante

On ne peut que saluer une distribution de choix, une direction d’acteurs très ferme et l’interprétation de Benoît Magimel, de Sara Forestier – méconnaissable – et du jeune Rod Paradot, époustouflant. La mise en scène est aussi intéressante par ses cadrages que par sa bande son qui, en privilégiant la musique classique, confère au film un lyrisme discret.
Cette œuvre forte et éprouvante est d’une longueur nécessaire pour nous faire suivre la difficile évolution du jeune délinquant, toujours prêt à récidiver dans une inconscience totale.
S’il n’a pas, sur un sujet similaire, le souffle enthousiasmant de Mommy, de Xavier Dolan, le film d’Emmanuelle Bercot scrute plutôt la société d’aujourd’hui dans la tradition du cinéma des frères Dardenne ou de Ken Loach, engagés sur les questions sociales. À cette différence près que, contrairement à ce dernier, la cinéaste française ne met pas en cause l’incurie des services sociaux ; elle rend plutôt, à travers les personnages un peu idéalisés de la juge et de l’éducateur, un hommage vibrant aux institutions de notre pays.
 
"La Tête haute", d’Emmanuelle Bercot

Le tableau lucide d’une situation d’échec

À la fois désespérant et plein de confiance et d’espoir, ce tableau lucide d’une grave situation d’échec surmontée à grand peine montre une maîtrise qui lui confère un caractère universel.
« L’intérêt, pour moi, n’est jamais tant dans le fait de raconter des histoires que dans la volonté de décrire des états, d’exacerber des perceptions », dit la cinéaste qui, en 2011, avait co-écrit avec Maïwenn, le scénario de Polisse, prix du Jury à Cannes et lauréat de deux Césars. Par son sujet ambitieux et la rigueur de sa réalisation, La Tête haute peut légitimement espérer une récompense au palmarès de cette année.

Anne-Marie Baron

Anne-Marie Baron
Anne-Marie Baron

Un commentaire

  1. Bonjour, Je suis encore sous le charme de ce film violent et tendre à la fois. J’aimerai connaître le nom de morceau de musique classique joué à un certain moment dans le film. Merci.

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