La Traversée du Louvre

Si les auteurs des bandes dessinées précédentes consacrées au Louvre avaient inventé des intrigues et créé des musées imaginaires, David Prudhomme,  lui, se met en scène en train de traverser le musée et de regarder les œuvres et surtout les visiteurs qui découvrent celles-ci : cette mise en abyme est métaphoriquement une lecture d’une bande dessinée géante où les tableaux constituent autant de cases.

On pourrait s’amuser à comptabiliser le nombre d’occurrences des appareils photos et des téléphones portables à travers lesquels les touristes et amateurs regardent les œuvres : aujourd’hui, on ne regarde plus, on photographie, on filme… Le musée est le lieu où se manifeste le plus évidemment le nouveau régime de l’image dans lequel nous vivons depuis  le développement du numérique.

David Prudhomme dessine aussi la foule qui observe la Joconde comme si c’était la Joconde qui la regardait : on pourra comparer ce contrechamp au hors-champ avec lequel jouait Doisneau dans son diptyque  Devant la Joconde : une œuvre de plus en tout cas dans le dossier Joconde qu’on peut ouvrir dans le cadre de l’histoire des arts…

L’humour de l’auteur qui dessine des guides faisant les mêmes gestes que les personnages de l’œuvre qu’ils commentent ou des visiteurs en couple faisant écho aux couples représentés, ou d’autres observant les œuvres dans des postures les plus diverses, permet une lecture subtile de cette histoire avec peu de paroles. Outre la qualité du dessin,  on appréciera aussi le jeu sur les cadrages (à la manière d‘un photographe !), le mélange des formats des vignettes, les jeux subtils entre le dessin noir et blanc et les couleurs…

Les amateurs de  bande dessinée pourront retrouver David Prudhomme (notamment pour son album Rebetiko) chez le même éditeur Futuropolis dans Le jour où… France Info 25 ans d’actualités. Cette nouvelle parution reprend les planches de Le jour où… France Info 20 ans d’actualités et prouve à nouveau que le quotidien offre un riche matériau sur lequel les artistes portent des regards différents (plus ou moins extérieurs, plus ou moins impliqués), en nous permettant de rafraîchir notre mémoire saturée d’informations.

Ces bandes dessinées révèlent moins la réalité qu’une façon de la regarder et de la comprendre : elles déplacent le regard des spectateurs, elles recomposent le champ du visible. Dans le cadre de l’éducation aux médias, on pourra s’attarder sur la manière dont Tignous raconte le travail des journalistes de France info au cours de l’affaire DSK…

Daniel Salles

• La Traversée du Louvre, Musée du Louvre,  jusqu’au 24 septembre.

• La bande dessinée dans les Archives de l’École des lettres

Daniel Salles
Daniel Salles

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *