
Le Haut-commissariat
à la Stratégie et au Plan
se penche sur le niveau des élèves
Que révèlent les enquêtes nationales et internationales sur les compétences des élèves, comme Pisa ou Cedre ? Et que disent-elles du système éducatif français ? Une note d’analyse publiée par le Haut-commissariat à la Stratégie fait la synthèse et émet des hypothèses.
Par Antony Soron, maître de conférences HDR,
formateur agrégé de lettres, Inspé Paris Sorbonne-Université
Le Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan ne fait pas partie du gouvernement, comme les autres Hauts-commissariats (à la Jeunesse, aux Solidarités, aux Retraites), mais il est chargé de coordonner les travaux conduits pour l’État et d’éclairer les choix des pouvoirs publics. C’est dans ce cadre que l’institution a publié ce mois de juin, associé à ses propres travaux sur la réforme de la formation initiale des enseignants et leur recrutement, une note d’analyse sur le niveau des élèves.
Dans son préambule, Pierre-Yves Cusset, du département « Société et politiques sociales », rappelle avoir synthétisé les résultats de deux enquêtes nationales : « Lire, écrire, compter » et Cedre, et de trois enquêtes internationales, Timss, Pirls et Pisa. Leur pilotage ayant été assuré en France par la direction de l’Évaluation, de la Performance et de la Prospective (DEPP) du ministère de l’Éducation nationale.
L’annexe de la note d’analyse précise la spécificité de chaque enquête :
– Lire, écrire, compter. Initiée en 1987, elle évalue les performances d’un échantillon d’élèves de fin de CM2 en lecture, calcul et orthographe. La DEPP a reproduit cette enquête en 1997, 2007 et 2015 pour la partie « Lire et écrire », et en 1999, 2007 et 2017 pour la partie « Compter ».
– Le Cycle des évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (Cedre). Cet outil, lancé en 2003 par l’Éducation nationale, mesure tous les cinq ans les compétences des élèves en fin d’école (CM2) et en fin de collège (3e), au regard des objectifs fixés programmatiques. Cedre s’intéresse à un champ étendu de disciplines : maîtrise de la langue (littératie), mathématiques, sciences (physique, chimie, sciences de la vie et de la terre), langues étrangères, histoire-géographie et éducation civique.
– Trends in International Mathematics and Science Study (Timss). Débutée en 1995, Timss évalue les performances en mathématiques et en sciences des élèves des classes de CM1 et de 4e pour ce qui concerne la France. La sélection des élèves se fait par tirage au sort d’écoles et de collèges représentatifs, puis par tirage aléatoire de classes de CM1 ou de 4e dans chaque école ou collège. En 2023, en France, 161 écoles ont été concernées, ainsi que 150 collèges.
– Progress in International Reading Literacy Study (Pirls). Mesure les performances en compréhension de l’écrit des élèves en fin de quatrième année de scolarité obligatoire (CM1 pour la France). Elle a lieu tous les cinq ans. En 2021, en France, l’enquête a porté sur un échantillon de 5 340 élèves.
– Le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Évaluation créée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Elle teste tous les 3 ans les compétences des élèves de 15 ans en compréhension de l’écrit, en sciences et en mathématiques. En France, les élèves concernés peuvent être scolarisés dans un collège ou un lycée. En 2022, ils se trouvaient majoritairement en 2nde générale et technologique (64 %).
Les points de faiblesse du système éducatif
En comparaison internationale, les élèves français du primaire, du collège, voire au début du lycée, ont aujourd’hui un niveau globalement moyen en sciences et en histoire-géographie, résume la note d’analyse du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, moyen et inégal en fonction des années en compréhension de l’écrit, et en nets progrès en anglais depuis l’apprentissage plus soutenu de cette langue à l’école primaire.
En revanche, le niveau en mathématiques s’avère en constante régression sur les trente dernières années, et ce tant au primaire et qu’au collège. Cette baisse flagrante toucherait d’ailleurs tous les profils d’élèves, quel que soit leur milieu d’origine.
« En 2017, un enfant de cadre obtient des résultats en calcul inférieurs à ceux qu’obtenait en 1987 un enfant d’ouvrier ou d’employé. »
Face à ce constat global, les causes sont multifactorielles. La note d’analyse rappelle que John Hattie1 recense 320 « facteurs », qu’il classe en neuf catégories, relatives à/aux :
1. élèves
2. environnement familial
3. organisation de l’école
4. organisation de la classe
5. caractéristiques des enseignants
6. programmes
7. stratégies d’apprentissage de l’élève
8. stratégies d’enseignement de l’enseignant
9. aux technologies.
Faut-il s’inquiéter ? devance la note d’analyse en répondant par l’affirmative :
« De nombreux travaux d’économistes, à la fois théoriques et empiriques, ont montré que le stock de ‘‘capital humain’’, c’est-à-dire de connaissances et compétences accumulées par une nation, constituait l’un des déterminants majeurs de sa croissance économique. »
Pour l’heure, « le niveau de compétences des adultes en France, quoique modeste, ne fléchit pas », remarque la note. Mais elle avertit : « En numératie et en littératie, les adultes français ont un niveau de compétences qui se situe sous la moyenne des pays de l’OCDE ayant participé aux deux vagues d’enquête, en 2012 comme en 2023. »
Quelles pistes d’action ?
Consciente de la difficulté qu’impose la multiplication des causes, la note d’analyse cherche essentiellement à projeter des hypothèses en vue d’identifier « les pistes d’action les plus prometteuses pour remédier à une situation particulièrement préoccupante pour notre société ».
Deux « jeux d’hypothèses », selon elle : les caractéristiques des élèves et de leur environnement familial et les caractéristiques des enseignants. Dans la première catégorie, une première hypothèse, « qui concerne les enfants de l’ensemble des pays développés, porte sur l’effet potentiellement nocif d’une exposition aux écrans à la fois précoce et non supervisée sur le développement cérébral et les capacités d’attention. » Une deuxième hypothèse concerne le rapport à l’institution scolaire : « Les élèves français d’aujourd’hui pourraient être caractérisés par un moindre respect de l’autorité des enseignants ; on observait davantage de problèmes de discipline, de chahut ou de déconcentration. »
Dans la deuxième catégorie, relative aux enseignants, émerge une singularité française : les enseignants « ont moins confiance en leur capacité professionnelle que leurs homologues européens ».
Ce constat se corrèle assez naturellement à l’idée qu’ils ne sont pas « assez bien préparés » à leur métier : idée plus forte en France que dans les autres pays. La note d’analyse émet ainsi l’hypothèse que cela proviendrait, toujours par comparaison européenne, du fait que l’entrée dans la formation intervient plus tardivement qu’ailleurs.
« Dans tous les pays européens visités par la mission, le parcours de formation initiale des professeurs des écoles commence au contraire immédiatement après les études secondaires. »
En ce sens, la note d’analyse consacre la bonne direction prise par le ministère de l’Éducation nationale qui a décidé de redescendre la date de passation des concours en fin de L3 et non plus en fin de M2 à partir de l’année universitaire 2025-2026.
« Tout cela devrait rendre la formation des professeurs des écoles davantage orientée vers l’acquisition des savoir-faire pratiques et plus en phase avec ce que l’on observe chez nos voisins. »
Au-delà du pointage objectif d’une réalité préoccupante pour le capital humain de la France2, à savoir au premier chef la baisse significative du niveau en mathématiques, la note d’analyse révèle une forme d’impensé collectif dans cette affaire : le fait que les enseignants croient moins en eux qu’ailleurs. À ce titre, elle a le mérite de sensibiliser à l’importance de deux leviers de remise en confiance, la formation initiale d’une part et la formation continue, d’autre part, en mentionnant en fin de propos les vertus du « plan mathématiques » (2018).
Il est d’ailleurs dommage que la note d’analyse ne creuse pas plus cet aspect du problème en tenant plus résolument compte que le doute par rapport à l’efficacité de sa mission est loin de se résorber au fil de la carrière d’un enseignant. Ce qui aurait pu inviter le ministère à promouvoir en plus grand nombre et avec une plus grande efficacité une formation continue à la fois innovante sur le plan didactique et stimulante sur le plan disciplinaire : formation continue, instrument de capitalisation professionnelle, pourtant éternellement mise au second plan, dans les raisonnements ministériels.
Les enseignants français de collège sont moins nombreux à participer à des activités de formation continue que leurs collègues des autres pays (76 % contre 88 %, en moyenne, dans les pays concernés par l’enquête TALIS2) et ces activités durent moins longtemps3.
En tout état de cause, et pour élaborer des pistes prometteuses « face à cette situation préoccupante », la note d’analyse annonce en conclusion qu’elle poursuit ses travaux.
A. S.
Niveau scolaire : faut-il s’inquiéter ?, note d’analyse n°155 du Haut-commissariat à la Stratégie et au Plan, juin 2025.
Notes
- (1) « Visible Learning » de John Hattie est une synthèse de plus de 50.000 études portant sur plus de 80 millions d’élèves. Lors de la sortie du livre en 2009, le magazine Times Educational Supplement a parlé du « Saint-Graal de l’enseignement ».
- (2) Connaissances et compétences accumulées par une nation qui constituent l’un des déterminants majeurs de sa croissance économique.
- (3) Rapport des inspections générales 2010-11, Évaluation de la politique de formation continue des enseignants des premier et second degrés (sur la période 1998-209), octobre 2010 ; rapport des inspections générales 2013-009, Actualisation du bilan de la formation continue des enseignants, février 2013.
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