L’École des lettres, n° 1 2021-2022

Les ados ne liraient plus. Ou peu. Chaque génération formule ce regret. L’École des lettres faisait déjà sa Une en 1994 avec un dossier intitulé « Lire avec les adolescents ». Reste à savoir dans quelles proportions l’omniprésence des écrans, accentuée par les confinements successifs, nuit à la lecture, déclarée « grande cause nationale » le 17 juin. 40 millions d’euros ont été alloués aux bibliothèques pour étendre leurs horaires d’ouverture en 2021-2022. Tout le monde s’en réjouit. Mais pour lire quoi ? Et soutenir quelle création ?

Édito

Par Ingrid Merckx

Les ados ne liraient plus. Ou peu. Chaque génération formule ce regret. L’École des lettres faisait déjà sa Une en 1994 avec un dossier intitulé « Lire avec les adolescents ». Reste à savoir dans quelles proportions l’omniprésence des écrans, accentuée par les confinements successifs, nuit à la lecture, déclarée « grande cause nationale » le 17 juin. 40 millions d’euros ont été alloués aux bibliothèques pour étendre leurs horaires d’ouverture en 2021-2022. Tout le monde s’en réjouit. Mais pour lire quoi ? Et soutenir quelle création ? Si chaque parent constate que l’arrivée d’un téléphone portable dans les mains de son enfant en chasse les livres, les ados lisent en réalité beaucoup : sur écran en tous cas, mais aussi des mangas, des BD… Des formes brèves et illustrées souvent, qu’ils jugent plus « faciles » d’accès et qu’ils opposent, et se voient opposer d’ailleurs, au roman. Le genre qui règne au panthéon littéraire ne séduirait qu’une minorité « d’intellos ». Contemporain et de jeunesse, n’en parlons pas… Mais qui a peur de la littérature ? Qui sait la reconnaître, dans tous ses genres, l’apprivoiser, l’accompagner ? Paru en février, Angie de Marie-Aude et Loris Murail (L’École des loisirs) avait déjà séduit plus de 6 000 lecteurs en juin. Signe de la vitalité d’un secteur où nombre d’auteurs ont l’énorme avantage de pouvoir échanger hors des sentiers trop officiels autour de leurs livres et de leurs lectures, sans faire parler les tables comme Victor Hugo, jadis, convoquait Bonaparte à Jersey.

Pour suivre cette vitalité, l’École des lettres rafraîchit sa maquette, notamment avec une Une imaginée par l’illustrateur Emmanuel Polanco, qui évoque le pouvoir éclairant de la littérature. La revue accueille de nouvelles rubriques dont « Mots du moment », autour des termes qui envahissent notre quotidien, sous la plume avertie de Marie Pérouse-Batello, lexicographe au Service du Dictionnaire à l’Académie française. Afin de permettre une meilleure interaction entre la revue imprimée et ses déclinaisons numériques, le site est actuellement repensé. Il met ainsi à l’honneur une rubrique Actualités, des articles en version longue et des séquences inédites, des archives régulièrement réactualisées et un podcast intitulé « Ailes de géant ». Un clin d’œil à Baudelaire, dont on fête le 200e anniversaire cette année, et que Michel Murat, ancien professeur à la Sorbonne, évoque dans un entretien consacré à la poésie récente. Claude Riva, directeur de la rédaction, profite de cette nouvelle formule pour prendre une retraite très méritée. Il garde cependant un pied à L’École des lettres qu’il a admirablement portée pendant plus de quarante ans et dont il reste l’éminence joyeuse. La revue est ouverte à vos propositions, réflexions, suggestions… Bonne écoute, bonnes lectures.