L’enseignant, comme un artisan

Les programmes se renouvellent sans cesse, comme les objets de la société de consommation. Même cadence, même absence de nécessité, même bénéfice sinon pour les seuls instigateurs de ces objets d’étude oubliés aussitôt que remplacés. Impossible pour le professeur de s’accoutumer durablement à un contenu d’enseignement, s’y attacher, se l’approprier.

C’est bien dommage.
Loin d’avoir à craindre que la reconduction du même, d’un programme stable et constant, soit une occasion de reproduction monotone ou de désinvestissement professionnel, la permanence de contenus, d’objectifs et d’exercices est au contraire pour chacun la possibilité d’un perfectionnement, d’une amélioration de son cours et de sa pédagogie.
L’enseignant, comme un artisan, aime à reprendre son travail d’une année sur l’autre, il aime le retoucher, l’améliorer, l’approfondir. Il aime à sentir lui-même ses propres progrès, les avantages de ses infimes variations, les effets de ses adaptations à ses classes successives, il aspire, plus encore que de pouvoir faire preuve de conscience professionnelle, être mis en condition d’aimer son métier.
L’Éducation nationale fonctionne comme une société d’abondance : elle inonde le monde enseignant de marchandises à l’obsolescence programmée, organisant l’émulation entre les pourvoyeurs de cours, les éditeurs de manuels, les commerçants de parascolaires, les accompagnateurs officiels du Ministère, le réseau Canopé , Éduscol : la machine à produire des programmes et des contenus, des évènements et des concours, des journées et des semaines à thème, cette machine tourne à plein régime, sans jamais se donner la peine de consulter les enseignants sur leurs vrais désirs.
Le travail bien fait exige du temps : chaque métier en fait l’expérience, chaque maître s’est formé dans la durée. C’est ce temps d’expertise, de maîtrise, de soins et d’amour, accordé à certains métiers, qui mériterait d’être donné au métier d’enseignant.

 Mais l’Éducation nationale n’aime pas ses profs : elle aime le fonctionnement de sa maison. Ses intérêts ne rencontrent pas ceux de ses enseignants. Comment ne pas dès lors pressentir des lendemains faits de frustration et de colère.

Pascal Caglar

Voir sur ce site :
Nouveaux programmes : tout ça pour quoi ? par Pascal Caglar.

Pascal Caglar
Pascal Caglar

Un commentaire

  1. Quelle justesse ! Ce texte dit tout en peu de mots, les meilleurs qui soient et que l’on n’entend pas au Ministère. Hélas !

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