L'évaluation PISA : enjeux et débats

Pisa 2009Les résultats de l’évaluation PISA 2009 ont été publiés le 7 décembre 2010. Même si ce classement international des performances scolaires est à considérer avec prudence – il évalue des capacités en dehors des programmes et sans interroger la nature du système éducatif –, il est intéressant de se pencher sur ces données qui montrent que, de manière générale, les systèmes d’éducation les plus performants dispensent un enseignement de qualité à tous les élèves, mais aussi que la France, placée à un niveau moyen, présente des inégalités de plus en plus importantes.

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Qu’est-ce que le PISA ?

Le PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves), réalisé tous les trois ans dans les pays membres de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) et dans les pays partenaires auprès d’élèves âgés de quinze ans, a pour objectif d’évaluer leur capacité à appliquer les connaissances scolaires aux situations de la vie réelle.

Les tests abordent trois domaines : la lecture, les mathématiques et les sciences. Lors de chaque enquête, un domaine est mis en valeur. En 2009, l’évaluation a porté en grande partie sur la lecture. Dans chaque pays, entre 4 500 et 10 000 élèves répondent à des tests élaborés par le maître d’œuvre international de l’enquête (exemples de questions du PISA 2000 ici).

Les résultats, corrigés par des correcteurs nationaux et revus par des experts, sont ensuite envoyés à l’OCDE. Les proviseurs remplissent également des questionnaires.

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Les résultats du PISA 2009

D’après les résultats du PISA 2009, la Corée et la Finlande sont les pays les plus performants de l’OCDE, avec des scores de 539 et 536 points. Le pays partenaire Shangai (Chine) les devance avec un score de 556 points.

Viennent ensuite Hong Kong (Chine), Singapour, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Japon et l’Australie. La France est au 22e rang. Comme les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni ou encore le Portugal, elle obtient un score proche de la moyenne de l’OCDE.

La synthèse des résultats met en lumière certaines données :

– en compréhension de l’écrit, les filles l’emportent sur les garçons dans tous les pays participants. En mathématiques, les garçons devancent les filles de douze points dans les pays de l’OCDE alors que les écarts en sciences sont moins importants. On trouve autant de filles que de garçons parmi les élèves les plus performants ;

– les systèmes d’éducation les plus performants dispensent un enseignement de qualité à tous les élèves, quel que soit leur milieu socio-économique ou celui de leur établissement. Ces pays ont des scores qui varient le moins entre les élèves ;

– dans les pays de l’OCDE, les élèves issus de l’immigration dits de la première génération, soit ceux qui sont nés à l’étranger de parents nés à l’étranger, accusent un score inférieur de 52 points en moyenne au score des élèves autochtones ;

– dans tous les pays, les élèves qui prennent le plus de plaisir à lire devancent les élèves qui en prennent le moins ;

– les systèmes d’éducation les plus performants tendent à donner la priorité au salaire des enseignants et non à la réduction de la taille des classes.

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Les résultats de la France

Avec un score de 496 points, la France se situe donc dans la moyenne des pays de l’OCDE (493 points) mais les résultats PISA 2009 pour la France révèlent un écart significatif entre les scores des meilleurs et des moins bons élèves. Les proportions d’élèves de quinze ans performants (niveaux 4, 5 et 6 sur l’échelle de compréhension de l’écrit) et d’élèves en très grande difficulté scolaire (niveau de compétence 1b et en dessous) sont au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE.

On peut également constater que l’impact du milieu socio-économique sur la performance est plus grand que dans les autres pays de l’OCDE. En France, les diverses caractéristiques du milieu familial expliquent 28 % de la variation dans les performances contre 22 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Les statisticiens de PISA se sont basés sur des « indicateurs de variance » comme le statut professionnel et le niveau de formation des parents, leurs revenus, le nombre de livres à la maison, la langue parlée, l’origine immigrée ou non.

Ce chiffre place la France au 8e rang mondial de l’inégalité selon ces critères. L’impact du milieu socio-économique sur la performance des élèves est plus grand dans les pays comme la France où le redoublement est largement pratiqué et où les élèves sont orientés très tôt.

L’enquête montre également que parmi les élèves issus de l’immigration, qui représentent 13 % des élèves soumis aux épreuves PISA, ceux issus de la première génération s’exposent à au moins deux fois plus de risques de compter parmi les élèves peu performants. Cependant, la performance en compréhension de l’écrit s’améliore de 23 points (contre 18 en moyenne dans les pays de l’OCDE) entre les élèves issus de la première et de la deuxième génération.

En ce qui concerne le climat dans les classes, la France fait partie des pays de l’OCDE où la discipline est la moins respectée même si la plupart des élèves bénéficient de classes disciplinées. Les élèves français ne communiquent pas facilement avec leurs professeurs : ils ne sont que 78 % à se déclarer d’accord ou tout à fait d’accord avec l’affirmation « Je m’entends bien avec mes enseignants » alors qu’ils sont 85 % dans les pays de l’OCDE ; de même, ils sont 62 % à être d’accord avec l’affirmation « La plupart de mes enseignants écoutent réellement ce que j’ai à dire » et 53 % avec l’affirmation « La plupart de mes enseignants s’intéressent à mon bien-être », tandis qu’ils sont 68 % et 66 % dans les pays de l’OCDE.

Les élèves sont, cependant, au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE lorsqu’ils jugent la relation de travail avec les professeurs, ils sont 88 % à être d’accord avec l’affirmation « La plupart de mes enseignants me traitent de façon juste » (contre 79 % pour les pays de l’OCDE) ; 80 % avec l’affirmation « Si j’ai besoin d’aide, mes enseignants me l’offrent » (contre 79 %).

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Les différentes réactions de la communauté éducative

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Les méthodes de classement du PISA

Dans le bulletin L’Agrégation (novembre-décembre 2010, n°448, pp. 143 à 146), Nathalie Bulle, chercheuse au CNRS, se penche sur les méthodes de classement du PISA et rappelle que les tests sont indépendants d’un programme d’enseignement spécifique et qu’ils évaluent des aptitudes et des compétences générales développées aussi bien par les milieux sociaux que par l’école. Elle met en garde contre la tentation créée par ces enquêtes de copier des solutions étrangères sans analyser réellement les contextes.

De même, Nathalie Mons, sociologue qui a participé au programme PISA, évoque dans Le Café pédagogiqueles deux faces de l’enquête, à la fois outil scientifique pour les chercheurs et outil de communication pour l’OCDE et les gouvernements, qui utilisent les résultats dans un cadre de compétition internationale et de légitimation des réformes.

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Souhaite-t-on évaluer des performances ou un système de valeurs ?

Dans le dossier « PISA 2009 » du Café pédagogique, Philippe Meirieu considère que PISA 2009 donne des indications sur le niveau de performance des systèmes scolaires et non sur la nature de leurs projets éducatifs et des méthodes utilisées ; les résultats pouvant être identiques et refléter des valeurs totalement différentes. Le pédagogue s’interroge sur les recommandations de L’OCDE : pas de redoublement, de sélection précoce, une large autonomie.

Afin de lutter contre les inégalités scolaires françaises mises en évidence par l’enquête, il ne croit pas à l’imitation de la Finlande ou de la Corée mais à l’application d’une véritable « politique d’éducation prioritaire », basée sur des moyens matériels et humains, un accompagnement formatif solide et des locaux adaptés : « Je milite pour une école de la culture – et pas seulement des compétences –, de l’émancipation – et pas seulement de l’évaluation –, de la solidarité – et pas de la concurrence effrénée. Je milite pour une école qui apprenne à penser. Et je ne sais pas si PISA est capable, aujourd’hui, de nous indiquer comment nous y prendre pour y arriver. »

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Comment corriger les inégalités scolaires françaises ?

Sur le site vousnousils, Michael Davidson et Soojin Park, responsables de l’enquête PISA, expliquent la position de la Corée, en tête du classement des pays les plus performants. Parmi leurs observations, ils signalent que la Corée fait partie des pays qui incluent l’ensemble des élèves dans la réussite scolaire et que les enseignants sont deux fois mieux payés que les professeurs français.

Pour le Se-Unsa, la lutte contre les inégalités dans l’école passe par le retour à une formation professionnelle solide des futurs enseignants et non par la réforme de la « mastérisation ». L’objectif de l’acquisition du socle commun par tous les élèves doit s’appuyer sur le refus de la sélection précoce, la continuité école-collège et des moyens au service de l’individualisation dans des classes hétérogènes.

Pour le Snuipp, une politique éducative efficace contre les inégalités scolaires – qui pourrait s’appuyer sur les leviers identifiés par l’OCDE : parcours scolaires sans redoublement, prise en charge des élèves en difficulté – ne peut être menée en France dans le contexte actuel de restriction budgétaire et de remise en cause de la formation des enseignants.

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La réussite pour tous les élèves ?

Dans l’hebdomadaire du Snuipp, Fenêtres sur cours (2 novembre 2010, n° 346, « Les systèmes les plus efficaces sont les plus égalitaires », pp. 66 à 68), Marcel Crahay, professeur de pédagogie expérimentale aux universités de Liège et de Genève, revient sur les inégalités dans les systèmes éducatifs français, belge et suisse. Pour lui, les mauvaises performances de ces pays s’expliquent en partie par la liberté de choix de l’école laissée aux parents en Belgique et l’assouplissement de la sectorisation en France qui font naître des injustices en regroupant les élèves d’origines sociales proches mais aussi par la pratique du redoublement, inefficace et inéquitable, qui concerne principalement les enfants de familles modestes.

Dans le Fenêtres sur cours du 10 janvier 2011 (n° 349, « PISA : le grand écart », pp. 8-9), Lydie Buguet s’inquiète également des résultats de la France en matière d’inégalités. Le PISA montre que la part des élèves français les plus performants a augmenté (9,6 % contre 8,5 % en 2000) mais que c’est aussi le cas de la part des élèves les plus faibles (20 % contre 15 % en 2000). L’écart des performances entre les plus favorisés et les moins favorisés place la France à la place préoccupante de 64e sur 65. De plus, l’écart entre les filles et les garçons a augmenté, en passant de 29 à 40 points en faveur des filles.

Lydie Buguet constate, cependant, les effets positifs de la scolarisation en maternelle et l’amélioration des relations entre les élèves et les enseignants malgré une détérioration du climat scolaire et de la discipline. Il lui semble urgent de mettre en place une politique éducative fondée sur une formation des enseignants exigeante, l’aide aux élèves de ZEP et la scolarisation en maternelle.

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L’éducation prioritaire

Les performances françaises se situent dans la moyenne des pays de l’OCDE mais ce qui frappe le plus à la lecture des résultats du PISA 2009 ce sont les inégalités entre les élèves. Les écarts se creusent entre les « forts » et les « faibles ». L’impact du milieu socio-économique est très important avec un taux de 28 % de variation dans les performances contre 22 % dans les pays de l’OCDE. Quelles sont les solutions pour lutter contre ces inégalités scolaires et sociales ?

Le programme Clair (Collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite), qui est expérimenté depuis la rentrée 2010 dans 105 établissements et qui suit la création en 2006 des réseaux ambition réussite (RAR), suscite la méfiance puisque le ministère a parallèlement un objectif de réduction des postes.

De plus, le principe d’une réussite pour tous semble remis en question. Comme l’écrit Luc Cédelle dans Le Monde (4 janvier 2011, « Pourquoi l’école française ne corrige-t-elle pas les inégalités ? ») : « L’historique des politiques compensatoires montre qu’après avoir visé des territoires, puis des établissements, on cible aujourd’hui les individus […] l’assouplissement de la carte scolaire a renforcé […] une dynamique de séparation. Quant à la promesse réitérée de “mettre le paquet” sur la maternelle et le CP afin d’empêcher la cristallisation des difficultés, elle se perd régulièrement dans les sables du seul fait que sa réalisation, quoi qu’on fasse, coûterait cher. »

Léonore Nielsen

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• L’École des lettres a consacré plusieurs articles à la question de l’évaluation ou encore à celle de l’éducation prioritaire.

Un commentaire

  1. Merci pour ce compte rendu clair, précis et beaucoup plus substantiel que bien des informations livrées par les médias sur ce même sujet.

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