La lutte contre le harcèlement scolaire. Deuxième journée et cause nationale

La lutte contre le harcèlement scolaire © MÉNESRSous l’impulsion de Najat Vallaud-Belkacem, une deuxième journée de sensibilisation au harcèlement en milieu scolaire a été organisée ce jeudi 3 novembre dans les différentes écoles et autres établissements secondaires de l’Hexagone. Le ministère de l’Éducation nationale écarte définitivement l’idée d’un épiphénomène circonstanciel. Avec le développement exponentiel des réseaux sociaux et la connexion de plus en plus précoce des élèves, les moyens de harcèlement tendent en effet à se démultiplier.
Sans demeurer systématiquement tragiques, ses conséquences s’avèrent problématiques pour le développement psychologique de l’enfant et/ou de l’adolescent, à court et à moyen terme.

Avec l’instauration de cette deuxième journée, Il était ainsi essentiel pour le ministère de récuser la fatalité de l’élève harcelé, ostracisé dans une souffrance subie et tue. La libération de la parole des élèves est ainsi à l’ordre du jour : élèves, qui, bénéficiant de l’accompagnement et de l’étayage des adultes, sont en mesure de questionner ce phénomène d’une extrême perversion en cherchant à le définir, à le contextualiser, pour en mesurer la redoutable dangerosité.
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Les conséquences à moyen terme du harcèlement

Il y a situation de harcèlement à partir du moment où un élève, pour en rester au phénomène scolaire, est victimisé par un ou plusieurs harceleurs. L’atteinte à la personne morale ou physique peut passer par tous les moyens dont certains pourraient apparaître comme assez dérisoires. Insultes sur un bout de papier plongé subrepticement dans un sac, manchette au détour d’un couloir : la liste serait longue de tous ces petits dérangements qui peuvent entraîner chez le harcelé une profonde désespérance à partir du moment où il y a réitération de l’insulte ciblée, du coup, ou encore de la dégradation du matériel.
Le harcèlement implique par conséquent la récurrence d’un geste ou d’une parole exécutée ou prononcée délibérément pour faire mal. Or, dans les faits, par son caractère insidieux et malin, le harcèlement n’est souvent pas détectable dans ses premières manifestations réitérées. La victime mettant un certain temps avant de nommer simplement pour elle-même ce phénomène d’agression. En ce sens, un des enjeux de la deuxième journée contre le harcèlement scolaire reste bien de mettre en perspective qu’il n’y a pas de petits ou de grands harcèlements.
Il n’est pas rare qu’une fois dénoncé et alors sommé de s’expliquer, le harceleur déclare que ce qu’il commettait à l’encontre de l’autre n’était pas bien grave et que l’on faisait finalement trop d’histoires pour cela. Or, il semble que ce soit bien là où la communauté scolaire se doit d’agir en profondeur. Il s’agit en effet de libérer la parole d’une victime qui se dénie le caractère même de victime dans le mesure où, somme toute, ce qu’on lui fait subir peut lui sembler, eu égard à toutes les manifestations ostensibles de la violence scolaire, assez banale et de fait, ne justifiant pas forcément de dénonciation.
A contrario, quel que soit le moyen adopté, le harceleur jouit de la déstabilisation de sa victime. Ce qui peut d’ailleurs le conduire à pousser de plus en plus loin ses outrages en utilisant par exemple de façon nocive les réseaux sociaux. Par là même, il convient de mesurer que le harcèlement fait des dégâts à moyen voire à long terme dans la mesure où pendant une durée plus ou moins longue, quelques semaines ou quelques mois, il a participé à la désagrégation de l’estime de soi d’un élève. Et, tous les psychologues seront d’accord sur ce point, on ne rétablit pas une estime de soi dégradée en un clic.
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Contre la fuite des harcelés dans le privé

Il ne s’agit pas ici de dresser un profil type de l’élève harcelé. Il n’empêche que parmi ces enfants qui passent des jours et des jours murés dans ce qu’ils finissent par considérer tout autant comme une faute que comme une injustice, il y a ces élèves qui ont trop souvent mauvaise presse au sein de la classe, autrement désignés sous l’appellation d’« intello ».
L’intello, pour le définir schématiquement, n’est autre que celui qui se distingue par ses résultats, sa capacité à répondre juste et à approfondir son travail scolaire. Bref, celui qui ne soulève les rires de la classe que quand justement il est pris en défaut ou stigmatisé par un élève moqueur. À ce niveau, le phénomène de harcèlement dessert gravement la cause des établissements scolaires publics. En effet, afin de se libérer d’un harcèlement ou de s’en préserver, de nombreux parents préfèrent envoyer leur progéniture dans des établissements privés dont ils présument qu’ils sont plus sûrs.
Sans tomber dans un fatalisme excessif, il apparaît toutefois nécessaire de dire et de redire à quel point cette potentielle fuite des « intellos » dessert notamment la cause du collège unique. À partir du moment où la singularité d’un élève n’est pas reconnue par ses pairs et, plus grave, qu’elle est stigmatisée, il y a de fortes chances que l’on entérine une bipartition tacite des milieux scolaires, avec d’un côté des établissements qui protègent les « forts en thème », pour reprendre une expression désuète, et de l’autre ceux qui s’abandonnent à l’idée que, quel que soit son niveau, un élève doit apprendre à survivre au sein de la collectivité.
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Sortir de la logique du pire

Il faudra de toute évidence plus que deux journées contre le harcèlement pour que régresse ce phénomène qui inquiète à juste titre les pouvoirs publics. Néanmoins, dans cette affaire qui vaut bien cause nationale, chaque pas compte. Car le harcèlement est encore aujourd’hui pris par les adultes avec beaucoup de pincettes. Il n’est pas rare qu’un élève harcelé s’entende répondre à la timide dénonciation de faits de harcèlement à son égard : « Si ça continue, tu viens me le répéter… ».
Il faut à l’inverse prendre immédiatement en compte  les faits mis en mots et leur potentielle gravité. L’idée de reporter une décision ou de minimiser dans un premier temps un témoignage d’agression ne relève pas d’une bonne stratégie. Le risque du « tout harcèlement » apparaît en effet bien moins problématique que celui d’une omerta.
Lutter contre le harcèlement en milieu scolaire revient ainsi à contrarier les travers de l’esprit grégaire. Il ne s’agit pas de protéger les présumés faibles contre les prétendus forts ; l’idée serait plutôt de réaffirmer la nécessité d’une pluralité des profils scolaires afin que l’école, le collège et le lycée ne soient pas pour quelques-uns – et malheureusement de plus en plus – le lieu d’une souffrance continue mais bien d’un développement heureux.

Antony Soron, ÉSPÉ Paris

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Non au harcèlement : ressources 2016-2017.

Antony Soron
Antony Soron

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