Pompéi comme si vous y étiez

« Parcourez chez vous, depuis votre canapé, l’histoire de Pompéi et revivez le quotidien de ses habitants qui fascine tant. »
En ces temps troublés de confinement, saluons la très belle initiative de la Réunion des musées Nationaux et du Grand Palais qui proposent une dématérialisation réussie de l’exposition Pompéi intitulée « Pompéi chez vous ».
Celle-ci devait être ouverte au public le 25 mars dernier et visible dans le salon d’honneur du célèbre établissement culturel parisien jusqu’au 8 juin dans le cadre d’un parcours très immersif. Confinement et fermeture physique des frontières ont contraint les organisateurs à changer de paradigme : si les visiteurs ne pouvaient plus venir en masse, l’exposition viendrait à eux.

D’autant que cette dernière était attendue avec impatience par les amoureux et curieux de l’histoire étonnante de cette cité romaine antique au destin tragique, engloutie entre le 17 et le 24 octobre 79 de notre ère sous des mètres de lapilli, une coulée de roches en fusion et de cendres, dite pyroclastique, et enfin de coulées de laves.
Cette offre culturelle bienvenue, à forte valeur pédagogique ajoutée, contribue à distance à nourrir notre imaginaire collectif autour de ce site archéologique exceptionnel, largement mobilisé par la littérature (Les Derniers Jours de Pompéi) ou la world musique – souvenons-nous du magnifique live Pink Floyd at Pompei de 1972, revisité en 2016 par le guitariste David Gilmour.

Portrait de jeune femme, fresque prélevée à Pompéi en 1760.

Une ville figée dans son quotidien

Rappelons les faits. Au premier siècle après Jésus Christ, Pompéi est une cité romaine prospère qui profite d’une situation avantageuse dans la baie de Naples. Entre la mer et les terres fertiles des pentes du Vésuve, la ville comptait entre 10 000 et 15 000 habitants dont certains jouissaient d’un niveau de vie élevé. La silhouette du Vésuve dominait la ville, sans que ses habitants sachent ce qu’il en était. Pourtant, la cité se relevait à peine de ses ruines après un tremblement de terre qui l’avait ravagée quelques années auparavant, en 62.
L’éruption d’octobre 79 dure environ 48 heures et fera plus de 1 400 victimes. La plupart des Pompéiens ont pu s’échapper à temps. Certains témoins comme l’historien Pline l’Ancien tentent de s’approcher, fasciné par l’événement. Il mourra des suites de l’inhalation des vapeurs toxiques du volcan près de Stabie.
Une pluie de pierre ponce et de cendre s’abat d’abord sur la ville et la recouvre de trois à quatre mètres de débris. Certains toits ne résistent pas et tuent dans leur chute les occupants de plusieurs domus. Des habitants profitent d’une accalmie relative pour fuir, avant la coulée pyroclastique qui ensevelit la ville, avant des coulées de lave. En quelques heures, le Vésuve scelle dans la roche le quotidien de milliers de Romains qui se préparaient au déjeuner. Les découvertes archéologiques témoignent de cet événement dramatique et de la surprise des habitants, laissant les mets sur les comptoirs des thermopolia, tués chez eux ou fuyant avec leurs trésors.
Dès le lendemain de la catastrophe, l’empereur Titus dépêche une commission sur place pour évaluer les dégâts. Comme sa voisine Herculanum, Pompéi ne peut être reconstruite. Par contre, des chantiers sont ouverts pour récupérer sur l’espace public les vestiges lapidaires de valeur, tels les marbres imposant du forum. Certains survivants tentent également de sauver quelques biens au prix de leur vie. Les premiers tunnels sont ainsi creusés que les pillards continueront à utiliser durant des siècles.
Cependant l’histoire de la cité se dissout dans les siècles qui passent. Il faut attendre le XVIIIe siècle (1748) pour voir les premières excavations réalisées sous la direction du roi des Deux-Siciles, Charles Bourbon. Passionné d’Antiquité, il s’investit dans la redécouverte de la cité romaine, et par l’engouement suscité, participe à populariser cette période de l’histoire auprès de la bonne société de l’Europe d’alors qui trouvera dans la représentation des ruines un élément majeur du romantisme naissant. Les premières fouilles manquent d’organisation et ne visent qu’à extraire des roches volcaniques des objets précieux qui alimenteront collections privées et musées de la bonne société européenne. Ce n’est qu’avec la réunification italienne et l’arrivée de Guiseppe Fiorelli (1860-1875), nommé directeur du site, que ce dernier profite de fouilles systématiques et ordonnées avec des décapages horizontaux. Pompéi est découpée alors en neuf régions. La technique du moulage des corps et des objets, dont les formes ont été conservées dans la pierre, est systématisée.
Plusieurs grandes campagnes de fouilles se succèdent au cours du XXe siècle pour connaître une éclipse depuis quelques dizaines d’années. Inscrite au patrimoine mondial de l’humanité en 1997, la ville est aujourd’hui visitée sur 72 % de sa superficie originelle. En 2010, l’écroulement de la Schola Armatorarum (caserne des gladiateurs) pousse les autorités italiennes et l’Union européenne à s’investir dans un vaste plan de restauration et de fouilles appelé Grand Projet Pompéi engagé entre 2012 et 2014. À cette occasion, plusieurs dizaines de villas sont restaurées et réouvertes au public. L’exposition présente essentiellement la campagne de fouilles d’ampleur réalisée en 2017 au nord de la ville dans la Région V et en particulier le dégagement d’une rue dite « Allée des balcons » (à cause de la conservation en ce lieu de ces éléments architecturaux) et d’excavation de magnifiques villas comme celles « au jardin » ou « d’Orion », en référence à une mosaïque originale et remarquablement conservée.

« Les dernières heures de Pompéi », documentaire de la série Science grand format © RMN-Grand Palais et Gedeon Programmes.

Une exposition pédagogique à distance

Les commissaires de l’exposition assument le côté spectaculaire d’une exposition qui se présente comme immersive. Sa traduction numérique, si elle n’offre évidemment pas le spectacle prévu in situ, propose des matériaux d’une grande richesse didactique. L’usage sobre et raisonné des nouvelles technologies permet en particulier de proposer des parcours pédagogiques solides aux plus jeunes.
L’exceptionnel documentaire Les dernières heures de Pompéi qui accompagne l’exposition peut être une riche introduction à la découverte du site et des fouilles entreprises. Diffusé sur France 5 le 26 mars dans la collection « Science grand format », il reste disponible sur le site de France TV. La mise en scène et la narration subliment les découvertes réalisées à l’occasion de la dernière campagne de fouille : vie quotidienne, économie, institutions se révèlent à travers les vestiges retrouvés tels les fresques murales, les objets de la vie domestique, les corps des victimes. Les reconstitutions (saynètes jouées par des acteurs ou images de synthèses) précises et sans grandiloquence, donnent à voir le quotidien des Pompéiens. Les différentes séquences montrent tout à la fois l’importance des nouvelles technologies en archéologies (archéobotanique par exemple), comme les plus traditionnelles qui restent fondamentales comme l’épigraphie ou la philologie. Les graffitis encore inscrits sur certains murs donnent à lire le rapport des Pompéiens à la vie politique ou tout simplement à l’humour et à la satire, déjà bien présentes au cœur de la civilisation romaine.
D’autres vidéos mises en ligne et les audioguides (dont un dédié aux enfants) permettent au visiteur de déambuler dans la « Maison au Jardin » ou de comprendre comment les archéologues s’y prennent pour dégager une mosaïque.
Des textes clairs permettent ensuite de « préparer » la visite physique de l’exposition qui prend la forme d’une rue imaginaire de Pompéi, bordée de quatre Domus. Le thème principal est la vie quotidienne. La première partie évoque la vie des habitants de la cité avant l’éruption, tandis que la seconde montre l’activité actuelle avec les fouilles archéologiques les plus récentes. Au centre, les spectateurs pourront revivre l’épisode de l’éruption. Sont exposés également des objets du quotidien, une mosaïque, une fresque, des sculptures et quelques moulages des corps des victimes, dont les plâtres originaux sont restés à Pompéi.
Le livret pédagogique extrêmement complet propose toutes les données utiles pour profiter au maximum de la richesse documentaire de l’exposition. Des dossiers thématiques en particulier permettent de mieux comprendre les données vulcanologiques ou l’impact de la découverte des sites d’Herculanum et de Pompéi sur l’Europe du XVIIIe siècle. L’étude d’œuvres particulières comme la mystérieuse statue de Livie (proposée en 3D), de cratères en bronze ou de moulages de corps de victimes, renouvellent notre imaginaire et notre rapport à l’histoire de la cité romaine.
Des jeux à réaliser avec les enfants apportent une touche ludique qui permet d’apprendre tout en conservant la fascination intacte pour un lieu hors norme.
L’entrée « à distance » de l’exposition « Pompéi chez vous » est à tout point de vue remarquable. Elle permet de créer une immersion numérique efficace notamment en direction des plus jeunes. « Pompéi chez vous » pourra être prolongée par des lectures tout aussi stimulantes, notamment   Les Derniers Jours de Pompéi d’Edward Bulwer-Lytton.

Alexandre Lafon

Vidéos de l’exposition.
La Maison au Jardin en 360°.
• Dossier pédagogique de l’exposition.
• Documentaire : Les dernières heures de Pompéi.
• Le site officiel de Pompéi.

Alexandre Lafon
Alexandre Lafon

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