Les sorties scolaires et la découverte du spectacle vivant

Coupe du Grand Théâtre de LyonChacun a pu vérifier qu’une sortie scolaire laisse plus de traces qu’un cours, qu’un spectacle vu se grave plus dans la mémoire qu’une œuvre étudiée, et qu’une ambiance de groupe se renforce plus à l’extérieur qu’à l’intérieur.
Malgré ces bénéfices si évidents, le ministère marque un intérêt peu appuyé pour l’étude de ces sorties pédagogiques et l’évaluation de leurs apports en un temps où pourtant tout est mesuré, quantifié et décrypté.
Préoccupé – à juste titre – par les questions de sécurité et d’égalité, il se focalise davantage sur les règles administratives et juridiques qui régissent l’organisation, le financement, l’encadrement et les responsabilités de ces sorties scolaires.

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Parcours du combattant

Le jeune enseignant de lettres qui souhaite organiser une sortie au théâtre ou dans un musée constatera un grand contraste entre l’information disponible dans son établissement ou sur les sites du ministère et celle qu’il obtiendra auprès des centres culturels. D’un côté des formalités administratives fastidieuses, de l’autre des dossiers pédagogiques alléchants. Ici de quoi décourager, là de quoi gonfler d’énergie.
Il est inutile de rappeler dans le détail les préparatifs qu’implique un tel projet et les informations et accords à rechercher auprès des trois instances concernées par toute sortie : administration, parents et collègues.
Notons simplement qu’il faut prévoir longtemps à l’avance, faire remplir des documents, obtenir des autorisations, fixer la participation et la recueillir, trouver les moyens de transport et les accompagnateurs, prévoir d’éventuels reports de cours, et enfin déterminer les modes de contrôle pédagogique de la sortie. Un véritable parcours du combattant !
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Sortie facultative ou sortie obligatoire ?

En premier lieu la distinction sortie facultative / sortie obligatoire mériterait quelques révisions. En effet, seule la sortie scolaire obligatoire est gratuite et sans assurance à souscrire pour les familles, parce qu’inscrite dans l’emploi du temps, liée aux programmes officiels et se déroulant sur le temps scolaire.
Assister à des représentations artistiques (théâtre, danse, chant, humour, concert) devrait être considéré comme un élément de formation culturelle essentiel.  L’inégal accès aux théâtres ne constitue-t-il pas une discrimination contre laquelle l’État devrait lutter ? À quoi cela sert-il d’assurer la gratuité des musées nationaux pour les jeunes ou des places à dix euros dans les théâtres publics si les élèves n’ont pas reçu une initiation à la culture vivante dès l’école ?
C’est bien la notion de sortie à caractère facultatif qui pose problème à partir du moment où l’on considère que les missions de l’école peuvent s’exercer aussi en dehors des murs et auprès de partenaires extérieurs à l’Éducation nationale. Car c’est bien le contact avec des artistes et des professionnels qui fait naître l’envie d’aller au théâtre ou au musée et qui ouvre des horizons. Plus que jamais, à l’heure où la télévision et les écrans de tous ordres phagocytent le spectacle et la culture, il faut rendre le théâtre “obligatoire”.
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La découverte du spectacle vivant : un droit pour tous les élèves

La question de l’égalité devant ce type de sorties se pose cependant car l’offre varie selon les établissements et les initiatives, mais aussi selon les territoires. Par ailleurs, laisser ces occasions de découvertes culturelles au goût ou au bon vouloir de tel ou tel collègue, c’est favoriser telle ou telle classe là où une inscription de sortie obligatoire effacerait les différences et élargirait les chances d’initiation. La découverte du spectacle vivant doit être un droit pour tous.
De même, toutes les académies ne disposent pas d’une offre équivalente en expositions et en représentations artistiques. Dans les départements ruraux il faut souvent faire plus d’une heure de bus pour se rendre à l’unique Maison des arts et loisirs de  la « ville », alors que Paris compte plus de cent trente scènes et que plus de deux cents spectacles y sont produits chaque semaine.
Sur le plan géographique, l’inégalité culturelle française est grande, avec d’un côté les nantis des grandes villes et de l’autre les déshérités des campagnes. Les disparités territoriales doivent cependant être relativisées car jamais la formation artistique professionnelle n’a été aussi complète et homogène en France. Il faut simplement dans certains cas  imaginer d’autres types d’actions et de financements.
Les voyages « nature et sport » sont banalisés au collège à l’initiative des profs d’ÉPS, les voyages linguistiques organisés par les professeurs de langues le sont aussi. Le voyage culturel et artistique pourrait devenir aussi évident pour les professeurs de français sur un court séjour alliant la découverte de plusieurs arts dans plusieurs lieux.
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Les actions pédagogiques des institutions culturelles

Enfin le ministère pourrait communiquer davantage sur les efforts entrepris par les institutions culturelles elles mêmes, nombreuses à s’être lancées dans des actions pédagogiques auprès des scolaires.
La Comédie-Française est exemplaire à cet égard. Son service éducatif propose en effet plusieurs types de partenariat : la convention jumelage et la convention fil rouge s’adressent aux collèges et aux lycées des trois académies d’Île-de-France, la convention découverte aux collèges et aux lycées des autres régions. Ses publications pédagogiques, depuis ses dossiers de presse jusqu’aux livrets de la collection « Pièce (dé)montée » rédigés en collaboration avec le CNDP, sont également remarquables.
À Lyon le Théâtre des Célestins propose l’accès aux répétitions, des rencontres avec les équipes artistiques, un atelier de pratiques théâtrales, des parcours d’accompagnement…
Partout en province il suffit de se renseigner auprès de son théâtre local pour découvrir des actions nombreuses et de qualité en faveur des scolaires. L’offre est là, immense, et pas seulement en provenance du monde du théâtre, mais aussi de la danse, de l’opéra, du cirque et bien sûr des musées (que dire des propositions du Louvre et de la qualité de ses guides conférenciers !).
Enfin, à côté de ces grandes institutions rendons hommage aux nombreuses troupes qui se spécialisent auprès des “jeunes publics” et qui, sans salles attitrées, prêtes parfois à se rendre dans les établissements, participent à la vulgarisation des classiques, ardents défenseurs de notre patrimoine, entre fidélité à la tradition et originalité sans prétention.
Toutes ces initiatives mériteraient une diffusion plus grande auprès des enseignants et des établissements scolaires, et peut-être faudrait-il aller jusqu’à des incitations fortes et plus claires…
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Vers un bilan national ?

L’enseignant est tenu de remettre au chef d’établissement un bilan pédagogique de chaque sortie scolaire. On attend avec impatience un pareil bilan national, émanant de l’Inspection générale, dressant l’état des lieux, les perspectives et les recommandations, reconnaissant aussi bien les mérites humains des enseignants impliqués que les qualités pédagogiques de ces sorties culturelles qui permettent à de nombreux élèves d’échapper à leur quotidien et de s’ouvrir à l’univers artistique.

Pascal Caglar

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La collection “Pièce (dé)montée”.
Le Théâtre : un genre, un art, des options sur le site de l’académie de Paris.
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Quelques exemples d’accompagnement
proposés par les centres dramatiques nationaux

Le service éducatif de la Comédie-Française.
Les actions de sensibilisation et d’accompagnement des Célestins, théâtre de Lyon.
• Le dispositif d’éducation artistique et culturelle pour les scolaires de La Criée, théâtre national de Marseille.
• L’accompagnement ciblé auprès des publics scolaires et étudiants du TNP de Villeurbanne.
• La “formation au public de demain” au Théâtre national de Strasbourg.
• L’école du spectateur du Théâtre national de Toulouse.
• Le parcours de spectateurs du Théâtre du Nord.
• Les actions éducatives du Théâtre national de Bretagne.
• Le laboratoire des spectateurs du Centre national de Normandie-Rouen.
Les actions pour les scolaires et étudiants de la Comédie de Caen.
• Les journées thématiques du Centre dramatique national d’Orléans.

Pascal Caglar
Pascal Caglar

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