Les nouveaux programmes en un tweet…

À chaque nouvelle rentrée, une nouveauté garantie.
Et celle de septembre 2018 ne devrait pas trahir cette constante tacite du ministère de l’Éducation nationale à en croire son dernier tweet, diffusé le 12 juillet, concernant les programmes à mettre en œuvre du cours préparatoire à la classe de troisième.

Simplifier pour être compris par le plus grand nombre…
Le petit film (lien) à l’attention des enseignants a tout juste valeur de pitch ou de bande-annonce de la prochaine rentrée où sont promis aux enseignants des programmes “plus clairs et plus précis en français, mathématiques et enseignement moral et civique“. En effet, à la veille de la fête nationale et a priori pendant toute la période des vacances estivales, il y a peu de chance que les enseignants en sachent beaucoup plus sur les fameux éléments de clarification annoncés. Cependant, à force de décortiquer les propositions de Jean-Michel Blanquer et de mesurer le degré de ses “ajustements”, on est à même d’en suivre les lignes “force” dont, au premier chef, l’ambition fondamentale d’être compris.
Au risque de ne pas l’être par les premiers intéressés…
Sauf que le locataire de la rue de Grenelle, en voulant ménager le suspense, se fourvoie dangereusement sur la manière que la plupart des enseignants ont d’appréhender le travail préparatoire de leur année. Beaucoup d’entre eux n’utilisent-ils pas naturellement une bonne partie des vacances scolaires pour anticiper la conception de leur année à venir ? Imaginer par conséquent que chacun va attendre le moment fatidique où la clarification de septembre sera énoncée pour enclencher la préparation de son année scolaire relève d’une méconnaissance coupable du monde enseignant et de la conscience professionnelle qui le caractérise.
La bande-annonce met en outre en perspective la nécessité d’une maîtrise des savoirs fondamentaux en ce qui concerne les quatre piliers, LIRE, ÉCRIRE, COMPTER et RESPECTER AUTRUI en rappelant que les enquêtes internationales soutiennent que 20 % des élèves en ont une maîtrise insuffisante. Mais à quoi sert donc aux enseignants qu’on leur rabâche encore et encore ce score « infamant » en laissant supposer implicitement qu’une clarification des programmes pourrait sensiblement inverser cette courbe fatidique ?
L’implacable logique de persuasion
On aura compris au moins en creux à partir de la visualisation de ce petit film de moins d’une minute que le ministère Blanquer a choisi de prendre le contre-pied du ministère précédent. En somme, si on en est là, soit à de si mauvais résultats, c’est bien parce que les programmes en place sont trop compliqués, les textes pas assez clairs. De Boileau à Blanquer le principe et/ou le credo reste donc le même : « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. » En ce sens, il importe de ne communiquer que dans un discours compréhensible par tous, soit aussi bien des enseignants que des parents. D’où les interférences que l’on est à même de percevoir dans ce genre de message « publicitaire » qui parle à tous en ne parlant au fond à personne.
Or, le problème de l’Éducation nationale n’est pas que ses programmes scolaires soient trop subtils, mais bien que la réflexion didactique puisse être davantage investie par tous. Par là même, il apparaît essentiel de pas renoncer aux avancées des récents « nouveaux programmes » en les épurant progressivement de leur substance. Une grande partie du travail à réaliser tient au renforcement de la formation continue des enseignants qui doivent être soutenus dans leur capacité d’innovation et de réponses pédagogiques aux impasses de la transmission largement cultivées par les contempteurs de l’action éducative.
Gageons qu’à la rentrée de septembre la plupart des pédagogues seront en ordre de bataille, ayant profité de leurs vacances pour programmer leur année. Quand les éléments de clarification tomberont, ils seront suffisamment avancés pour ne les regarder que comme des nouveautés contingentes, de celles dont ils sont accoutumés à l’heure du changement permanent censé caractériser les actions des ministères successifs depuis si longtemps…

Antony Soron, ÉSPÉ Sorbonne Université

Antony Soron
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