SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE. Un caillou dans la poche de Marie Chartres (l’école des loisirs) ouvre à des éclairages variés, de la sixième à la quatrième. Rencontrer son contraire, s’ouvrir au monde, regarder son monde avec un oeil neuf.

Par Yves Lucas, professeur de lettres

Le regard tourné vers l’horizon, le jeune Tino – dix ans – attend… il ne sait trop quoi, mais il attend qu’un « truc », comme il dit, vienne enfin mettre de l’animation dans sa vie de petit îlien qui se sent seul et s’ennuie ferme. La bonne nouvelle est annoncée : la visite d’une classe verte, venue découvrir ce qu’est la vie sur l’île… de Sein. Le hasard fait se rencontrer Tino et une fillette qui est son contraire : il est renfermé et blasé, elle est enthousiaste et curieuse de tout ; il rêve de quitter ce « caillou » où il n’y a rien à faire ni à voir, elle rêve d’habiter « sur cette petite terre précieuse comme une âme »… Aux côtés d’Antonia, Tino aura appris à regarder le monde, son monde, avec des yeux tout neufs.
Le livre de Marie Chartres est comme l’île de Sein : on en découvre toujours de nouvelles facettes. À commencer par le pouvoir suggestif des illustrations de Jean-Luc Englebert. On se demandera comment les éléments de composition restituent l’atmosphère d’une scène ou encore les traits de caractérisation des personnages. Les deux enfants affichent d’entrée de jeu leurs différences, l’une est conquise par l’île, l’autre a hâte d’en partir. Ils apprendront à se connaître et à enrichir leur regard au contact de l’autre.
À la fin de la journée, Tino se sentira mieux (p. 86) et Antonia glissera à son oreille une petite phrase à l’image de l’île, « l’air de rien et de tout à la fois » (p. 122). Une formule résume bien l’histoire commune de Tino et Antonia : « échanger, c’est changer ». Bien entendu, elle s’applique à tout adulte, quel qu’en soit l’âge. Mais avec des élèves, le plaisir du texte est d’abord affaire de ressenti, et se mesure au degré d’identification à tel ou tel personnage.
Des exercices d’écriture prennent le relais de situations fortes du livre. Ainsi, l’écriture évoque : les nuits étoilées et sentimentales au bord de la mer ; l’amour de pirates pour la poésie relevée d’une bonne dose d’humour ; les épanchements de Tino qui apprend à grandir. Les paroles de chanson répondent à d’autres formes d’écriture. Celle de Claude Besson est un hommage rendu à la gloire de l’île de Sein. D’autres activités concernent le discours explicatif (sur le plateau continental, l’érosion), la lecture publique d’extraits de tons différents… C’est dire si le livre de Marie Chartres s’ouvre à des éclairages variés, de la sixième à la quatrième.

SÉANCE 1. L’ouverture du roman (chapitres 1 à 3)

Objectifs :

– Découvrir le paratexte ;
– Faire connaissance avec Tino : sa vie sur l’île ;
– Retenir les premiers éléments du portrait de Tino.

  1. Une histoire vraie ou réaliste ?

Le livre ouvert à la page 9, les élèves suivent la lecture par le professeur de cette première page du roman. Les informations qu’elle contient suffisent à inscrire cette histoire dans un récit de type réaliste. Un élève relit le premier paragraphe. Le cadre est celui d’une île de taille réduite… sans doute, mais cette île-là existe réellement (cf. la recherche pour le prochain cours). Elle est peuplée de deux cents habitants. Le personnage central – premier mot du roman –  se prénomme Tino et vit là à l’année avec ses parents. La classe relit la dernière phrase et  répond à la double question : qu’avait refusé le père à son fils ? Qu’est-ce qui était « juste la réalité » ?
À la page 10, les élèves décrivent l’illustration, à partir de ce qu’on sait déjà. Quels détails dans le regard et dans l’attitude du garçon expriment ce qu’il ressent (intérieurement) ? On poursuit par la lecture des pages 10 à 12, à la recherche d’informations sur l’île. Elles concernent les six enfants allant à l’école, regroupés dans une classe unique à plusieurs cours, ce qui demande une organisation particulière de la classe. Du chapitre 2, on retient que l’île est exposée aux variations de temps, que les tempêtes sont fréquentes et expliquent l’étroitesse des ruelles et la disposition des maisons blotties les unes contre les autres.

  1. Tino en trois mots

Après lecture du chapitre 3, on complétera ces premiers éléments du portrait de Tino.
Tino se sent … (seul) au point que, pour se réconforter, il parle aux … (oiseaux). Sur l’île, la vie lui paraît … (monotone) et il trouve le temps … (long). Pour tout dire, il … (s’ennuie). Par contrecoup, il a une … (imagination) fertile : il s’invente une vie de … (chercheur / explorateur / aventurier). Souvent, il imagine qu’il lui arrive des …(faits /situations / rencontres) extraordinaires. Au moins, cela aurait le mérite de mettre (quoi ?)  …(de l’animation / de la vie), dans le quotidien !

  1. L’attente

La 4e de couverture reprend l’essentiel des informations, avec cette autre : l’école attend la visite d’une classe de mer. La dernière phrase interpelle le lecteur : que peut-il se passer d’extraordinaire durant la visite qui marque à ce point l’esprit du jeune Tino ?
En page de couverture, le regard tourné vers l’horizon, la main enfoncée dans la poche du pantalon, Tino attend le bateau qui assure la navette avec l’île. L’illustration est redondante par rapport au titre. Le lecteur n’en saura pas davantage.
Un passage de ce début de roman passera inaperçu : Tino croise deux élèves de l’école, Rémi et Ophélie (pp. 16 à 18), qui l’accusent d’être « trop bizarre », de ne pas prendre part aux actions communes, ni de vouloir dire les choses comme les autres. Ce qui revient à lui faire le reproche : si tu es seul, c’est  bien de ta faute. Ce à quoi Tino répond : « c’est plus compliqué » que ça. Lui-même a déjà du mal à voir clair sur sa propre conduite, alors pour expliquer cela aux autres, c’est mission impossible ! Il préfère se taire.

Lecture expressive
Deux extraits feront l’objet d’une lecture à voix haute, autour de deux mots-clés du roman, « rien » et « caillou » : il ne se passe rien sur cette île, c’est un caillou, tant elle est petite. La diction, l’intonation mettront en évidence l’effet d’insistance que souligne la répétition des deux mots.
– 1er extrait : de « Toute la nuit… » à «…Quel spectacle !), p.12.
– 2e extrait : de « Près des gros rochers… » à « …Qui sait. », p.21.
D’autres extraits sont signalés en annexe. Pour stimuler les élèves, on peut organiser un concours avec tirage au sort. Cet exercice de lecture est aussi un bon moyen d’apprendre à maîtriser en public ses émotions.

Prochain cours

1. Quel est le nom de cette île ? Où se situe-t-elle ? Quelles illustrations fournissent des indices ? (p. 108 et 36). – 2. Reconstituez ce célèbre dicton breton : « Qui voit … voit sa …«  (Qui voit Sein voit sa fin »). 3.  Quel est le nom de ce phare dans le prolongement de la Pointe du Raz ? (La Vieille). – 4. Quel nom de  phare porte le surnom d’enfer des enfers ?  5. Ce phare se trouve à l’extrémité ouest d’un plateau rocher de 20 km qu’on appelle la … (chaussée de Sein).

SÉANCES 2 ET 3. De l’accueil à l’échange (chap. 4 et 5)

Objectifs
– Découvrir comment l’image condense le texte et y renvoie ;
– Distinguer l’entrée en conversation et l’échange lui-même ;
– Tenir compte des malentendus inévitables dans l’échange.
On situe sur une carte l’île de Sein (p. 36,108), au large de la pointe du Raz d’où on peut l’apercevoir par temps clair.
Sur le plan de l’île, on situe le phare de Goulenez, la chapelle Saint-Corentin, l’embarcadère et le phare du Men Brial.
Le lecteur suivra Tino dans ses déplacements sur l’île :
1. Le départ précipité de Tino du domicile familial (p. 25 à 27) ;
2. L’accueil au port (p. 28 à 31) ;
3. La marche du groupe au complet vers le grand phare du Goulenez (p. 31 à 38) ;
4. Au phare, Tino et Antonia se séparent, puis se retrouvent, mais leurs désaccords demeurent (p. 39 à 46) ;
5. Les maîtresses mécontentes les surveillent sur le chemin qui mène à la chapelle Saint-Corentin. (p. 47 à 54) ;
6. Rencontre de Dominique, le pêcheur à vélo (p. 55 à 65) ;
7. La halte à la chapelle (p. 66 à 73) ;
8.  L’arrêt pour soins chez la mère de Tino (p. 74 à 86) ;
9. L’escapade (p. 87 à 109) ;
10. Le sauvetage et la soirée non prévue sur l’île (pp. 110 à 124).

  1. Le rapport texte – image, pp. 27-29

L’illustration présente ensemble les personnages après ce qu’il s’est passé en début de journée et que rapporte le texte. Le chat, sur le canapé, a failli se faire monter dessus, il est l’abri dans les bras de son maître. Le mari suit la scène à l’écart : sa femme lui a dit de laisser tomber. Tino a couru aux quatre coins de la maison pour retrouver son cahier, il le tient ferme. La maman à la fenêtre lève le bras, mécontente, car Tino a claqué la porte. Il allonge le pas, court droit devant lui, les cheveux en bataille ! Autant l’attitude de Tino exprime la précipitation, autant le personnage paraît figé face à la fillette qui vient de débarquer (p. 29). Cette dernière est dessinée la bouche en mouvement : ses premiers mots sont pour adresser à son hôte un compliment : « J’adore ta coiffure ».

  1. La prise de contact

Dans la vie courante des adultes, on demanderait comment s’est passé le voyage, on évoquerait le temps qu’il fait, les aléas de la saison estivale, les soucis de santé – comment ça va ? – le chômage, le travail… Autant de banalités inutiles aux yeux de certains, mais qui ont un rôle à jouer. Elles servent à établir le contact entre les participants et placent ces derniers dans des conditions qui les font passer dans l’échange du statut de locuteurs à celui d’interlocuteurs.
C’est ce qui se passe ici, avec les enfants. Au chapitre 4, Tino et Antonia survolent divers sujets lors de cette prise de contact. Il est question des sacs à dos chargés de victuailles et documents divers, des têtards apportés du continent sans que les enfants sachent bien pour quoi faire, de la course au chronomètre à laquelle se livre d’habitude Tino, dans l’escalier du phare. Ils partagent leur prénom, que chacun – et c’est normal – se fait un point d’honneur de défendre. Ils parlent de leurs goûts vestimentaires, comme Antonia qui est attirée par les tenues colorées.
La prise de contact se termine sur un double aveu : le garçon rêve d’aller en pension sur le continent pour y découvrir un autre mode de vie, alors que la fillette confie, dans un élan d’amabilité qui ne peut laisser son hôte indifférent, qu’elle est conquise d’emblée par ce milieu naturel. Leur point de vue global sur l’île est différent, néanmoins ils se sentent assez proches pour ne pas avoir à se mêler aux autres élèves dont ils ne  partagent pas les jeux de mots  nuls. « Tous les enfants rient, sauf Tino et Antonia » (p. 34). On vérifiera sur quels rapprochements douteux a été faite la plaisanterie : huîtres/grand huit ; parcs à huîtres/parcs d’attractions !
Inévitablement, des élèves reviendront sur la remarque abrupte de la fillette : « Toi, tu as un prénom d’opérette, et moi, un prénom d’héroïne de roman » (p. 33). Le constat est définitif et semble n’appeler aucune contradiction. Certains auront vite fait de juger la fillette orgueilleuse et fière, donc de lui faire porter la responsabilité de cette parole cassante. À y regarder de près, il apparaît que Tino – malgré lui – a sa part de responsabilité dans l’énervement qui les gagne. En effet, d’un côté, il complimente la fillette pour ce prénom inhabituel : « C’est joli ». De l’autre, il s’empresse de tout ramener à lui : « On dirait un peu le mien. » Faut-il voir dans cette dernière remarque une simple constatation (ça ressemble un peu au mien) ou une marque de suffisance (c’est presque aussi bien que le mien) ? Antonia a retenu le deuxième sens, cela l’a fait sourciller et elle lui réplique : « Le mien est quand même plus joli ».

  1. L’échange, source de malentendus 

 Le chapitre 5 s’ouvre sur deux anecdotes à l’origine de malentendus entre Tino et Antonia. Les faits (p. 36-37) : Antonia a repéré, non loin du phare de Goulenez, un rocher dont la forme modelée par le temps fait penser à Tino : « C’est ton portrait ». Or, celui-ci est vexé qu’Antonia le compare à un caillou. À qui vont les torts ? Chaque élève écrit sa réponse sur le recto d’une feuille de bloc-notes. Il y ajoute une justification.
L’autre anecdote est rapportée, page 38 : de « Eh bien, moi… » à  « … loin devant eux »). Les faits : Tino agacé précise qu’il en a « « ras la crêpe ». Il aurait pu tout aussi bien dire : j’en ai ras le bol ou encore ras la casquette. Non, il emploie l’expression : « ras la crêpe ». Antonia rit aux éclats au point d’en rajouter dans les éloges : « Tu es drôle, Tino. […] Sacrément drôle. » Tino, surpris, pense au contraire qu’elle est en train de se moquer de lui, et il « a envie de bouder ». À qui revient la faute ? Au verso du même feuillet, chaque élève répond à la question et se justifie.
On procède au dépouillement des bulletins. Dans le premier cas, Tino se vexe, sous prétexte qu’elle l’aurait comparé à un caillou. C’est inexact. Elle a bien parlé de « rocher », mais s’est gardée de parler de « caillou » qui est connoté négativement. Tino lui fait dire plus qu’elle ne dit. Il est un peu facile de bouder et de se considérer comme la victime désignée. Ce genre de méprise n’est pas rare dans la conversation du quotidien où chaque interlocuteur comprend l’autre à sa manière, selon l’expérience qu’il a des mots. De là se fait sentir parfois le besoin de s’expliquer et d’avoir recours à des formules telles que : ce n’est pas ce que j’ai voulu dire, tu as mal interprété ma pensée.
Concernant l’autre anecdote, la faute en incombe non pas aux interlocuteurs, mais à la langue elle-même. Chacun a un parler qui est propre à sa région. Tino n’est pour rien dans ce que Antonia prend pour une création originale. En toute bonne foi, elle applaudit au virtuose des mots qu’est Tino, à l’effet de style brillant qu’elle croit voir dans la variante « ras la crêpe » à la place de « ras-le-bol », au nom du principe d’écart par rapport à la norme (cf. Riffaterre). En réalité, Tino n’a fait que se conformer à l’usage social de la langue du pays. Dans la langue vernaculaire du petit Finistérien, le mot « galette » recouvre des emplois beaucoup plus larges qu’en français standard, pour la simple raison que l’usage de l’aliment « galette » fait partie plus qu’ailleurs des habitudes culinaires des Bretons (cf. le clin d’œil final, p.121).
La troisième anecdote rapporte une brouille passagère entre le garçon et la fillette heureuse de découvrir de visu ce qu’elle avait appris dans des livres : « Oh, regarde ! Des arums avec leurs spathes et leurs spadics » (p. 38). La conformité du message aux règles de la grammaticalité du français n’appelle pas de commentaire particulier, si ce n’est que l’énoncé fait référence à un lexique très spécialisé. Antonia fait-elle de l’esbroufe ou faut-il voir dans sa réaction seulement l’effet de son caractère enjoué ? C’est à l’appréciation de chacun. Par contre, le comportement de Tino révèle des contradictions. Il se froisse, alors que c’est elle qui lui ouvre grand les yeux sur son environnement. De plus, n’était-ce pas lui qui, au début,  se plaignait que sur cette île il n’y avait « quand même pas grand-chose à voir »  (p.17) ?

  1. La séparation

Une phrase assure la transition avec la suite, sur la visite du phare : « Ils sont interrompus dans leur échange par une des maîtresses qui prend la parole » (p. 38). L’important à signaler est ce qui se passe en bas du phare. Tino, qui n’a pas la capacité d’Antonia à réagir, ne bouge pas alors que celle-ci appelle à l’aide. Il la laisse toute seule et lui-même rejoint le groupe dans le phare. Mais peu après, il fait demi-tour et va discrètement la retrouver.

Lecture expressive
L’extrait à lire, de : « Regardez… » à  « ….trop loin de chez moi » (p. 34-35), est confié à deux élèves. L’un joue le rôle de narrateur, l’autre se charge des répliques de Tino et d’Antonia, verbes de parole compris. Le premier est fasciné par les parcs d’attractions, la seconde est indifférente à ce genre de loisirs. Cela se manifeste par des mimiques comme le haussement d’épaules, par une différence de ton, pour aboutir à la formule connue : « oui, voilà, on peut dire ça comme ça ». Autrement dit : « passons, c’est sans intérêt ».

SÉANCES 4 et 5 (chap. 6 à 8). Eléments de portrait

Objectifs

– Mesurer les effets des interruptions dans l’échange ;
– Inciter les lecteurs à réagir, de façon à activer le processus d’identification

  1. De la séparation à la réconciliation

Le chapitre 6 commence par le constat de la disparition d’Antonia.
Après la séparation, vient le temps des retrouvailles et de la réconciliation. Ici, comme dans la vraie vie, les deux protagonistes ont le souci d’effacer toute trace de la scène à l’origine du désaccord. On fait comme si la mésentente appartenait à un passé révolu, on ne laisse rien paraître, cela va jusqu’à ne pas nommer l’autre avec qui il y a eu friction : «Finalement Tino décide de suivre les têtards, la petite boîte, le sac à dos et la fille qui le porte. Le garçon court vers eux pour les rejoindre» (p. 44). Tout ceci au lieu d’écrire : Tino rejoint Antonia.
Dans les scènes de réconciliation arrive le moment où le silence impose son empreinte, les restes de parole agressive s’effacent, comme ici devant la musique que font « leurs deux pas ensemble sur les galets ». Cette musique donne la cadence et résonne dans une harmonie parfaite. La comparaison « comme des baisers sur les galets » (p. 44) laisse entendre qu’ils vont de l’avant comme deux amoureux qui marchent à l’unisson. L’embellie laisse entrevoir un coin de ciel bleu, tout se passe sans heurt. Mais l’artifice ne dure qu’un temps, car on n’efface jamais tout comme par magie. Aussi Tino, pressé par Antonia (« On y va maintenant ? », p. 44), est-il contraint de descendre de son nuage et de regarder la réalité en face. Il choisit de rentrer dans le rang contre l’avis d’Antonia qui voulait aller voir ailleurs, « sans les autres » (p. 45).
 

  1. La personnalité des deux interlocuteurs (p. 46 à 65)

Le travail suivant, à faire en groupes, incitera les lecteurs à prendre position pour l’un ou l’autre des deux protagonistes.

  1. a. Certaines situations laissent voir les qualités et les défauts d’Antonia. Dans un tableau en 4 colonnes, on précisera : 1) la situation ; 2) la qualité ; 3) le défaut ; 4) la page.
  2. b. Même chose pour Tino.
Antonia

– C’est un esprit vif, qui a le sens de la répartie et s’en sort à son avantage. C’est le cas pour l’affaire des crottes de lapins où elle risquait d’être tournée en ridicule (p. 50-51).
– Elle s’invente une maladie au nom inconnu et à laquelle la maîtresse ne trouve rien à redire. L’excuse est imparable (p. 51).
– Elle adapte son parler aux circonstances : au début, face au gros monsieur à bicyclette, le ton a de quoi le vexer (« votre vélo pourri », p. 57) ; à la fin, il est flatteur et poli à l’excès, de façon qu’elle obtienne ce qu’elle veut (p. 61).
– Mais il arrive qu’Antonia se laisse emporter par son caractère bouillant. Elle pique au vif Tino en le traitant de « « papy » (p. 46). Dès lors, toute discussion est impossible.
Face à la maîtresse, elle se montre effrontée à deux occasions : quand elle a le regard tourné vers le ciel, quand elle répond sur un ton qu’on imagine doucereux. (p. 48).
– Tino résume bien l’état d’esprit d’Antonia quand l’action n’avance pas comme elle devrait : « Antonia est une sacrée persifleuse. Une persifleuse de première », (p. 49).

Tino

– Autant Antonia est expansive, autant Tino est renfermé. Il reconnaît avoir du mal avec les filles (« il faut tout deviner », p. 40).
– C’est un garçon rêveur, plongé dans ses pensées et ses calculs, il a la tête ailleurs.
– Effacé comme il est, il n’affiche pas spontanément le ton de proximité qui le rapprocherait des autres. « Tino lui envie [à Antonia] ce ton enjoué et vivant » (p. 58).
– Sa timidité le met en difficulté – il le sait – dans des situations où il faudrait avoir la présence d’esprit de répliquer pour s’affirmer. À l’exemple d’Antonia devant madame Lepouillard : « Il faudra qu’il retienne le coup du triple pardon » (p. 65).
– De là à chercher à faire le malin et à vouloir pratiquer l’humour, il en est loin. Il l’a appris à ses dépens la fois où il a pris en pleine figure cette remarque cinglante d’Antonia : « Tu ferais mieux de te taire, ce serait plus reposant pour mes oreilles ! » (p. 53). Tout était parti d’une remarque lancée mine de rien  : « C’est vrai que ton père est médecin ? […]  Ta mère est cosmonaute, je suppose ? ». Antonia lui a demandé sur un ton de reproche pourquoi elle mentirait, elle ferait ça. Interloqué, Tino a répondu : « pour faire ton intéressante ».
Lors de la mise en commun, on retiendra les adjectifs caractérisant Tino et Antonia.
Pour Antonia : elle est expansive, ouverte, enjouée, communicative, vive d’esprit
Pour Tino : il est renfermé, effacé, timide, rêveur, secret, mais replié sur des a-priori : « qui eût cru que le gros monsieur connaissait Toy story » (p. 62). Voir aussi, p. 109.

SÉANCE  6, chapitre 9. À l’école de la nature

Objectifs

–  Choisir un cadre pour créer une atmosphère ;
–  Décrire avec tous ses sens pour exprimer le ressenti ;
–  Transposer par l’écriture à d’autres leçons de nature.
Ce chapitre et le suivant occupent une place particulière dans l’économie générale du récit. Pour Antonia, la volonté d’engager un échange avec Tino se heurte toujours aux mêmes difficultés. Celui-ci ressasse les mêmes idées à propos de l’île, au point que cela devient une forme de repli commode pour ne pas avoir à entrer en conversation (cum + versari/vertere : (se) tourner vers) avec son interlocutrice. La discussion est bloquée. Tino répète à qui veut l’entendre : « Ici, ce n’est pas le monde, c‘est juste un caillou », p. 53).
Antonia n’insiste pas, elle va changer de tactique. Aux beaux discours qui ont un impact limité sur Tino, elle opte pour la valeur démonstrative de l’exemple (cf. « Je vais te prouver le contraire », p. 53). C’est autour de cette idée directrice qu’est construit ce chapitre.

  1. Étude de texte, pp. 66 à 70

(jusqu’à :  « … aiment tant la regarder »)
On met en parallèle le paragraphe de début de chapitre (p. 66) et l’illustration (p. 68). Les mots renvoient à des sensations visuelles, sonores et tactiles. Toutes traduisent une sensation globale de bien-être. La scène se passe à l’écart de l’agitation du monde, le décor baigne dans une atmosphère de calme et de douceur. L’illustration retient la position statique des enfants assis sur le muret. Ils « font silence ».
Dans un tel contexte, l’intervention de la maîtresse apparaît tout à fait incongrue, car elle est cause d’agitation. Une lecture expressive rendra sensible cette coupure. Dès les premiers mots, la mélodie de la voix excluait tout effet de précipitation, la scène baignait dans le calme. À partir de « Brusquement », le rythme ralentit encore un peu plus. À la ponctuation forte des points correspondent des pauses plus ou moins marquées, qui renforcent l’impression générale d’apaisement. Le contraste avec la suite est grand, dès l’instant qu’apparaît madame Lepouillard dans tous ses états. Celle-ci n’a qu’exclamations et injonctions à la bouche.
Alors, le lecteur joint le geste à la parole : il s’agite, frappe dans ses mains, accélère le rythme. Il ajoute quelques observations sans nuance pour critiquer un tel comportement qui ose « gâcher [c]es moments uniques ». Puis on revient à l’atmosphère de départ. L’épisode rapporte les gestes du rituel auquel se prête Antonia, sous les yeux de Tino fasciné. Celui-ci n’a rien perdu de la démonstration : il a découvert comment on fait le vide autour de soi et comment mentalement on se rend disponible au monde environnant.  Les yeux fermés, il éprouve la sensation que « le temps s’arrête » (p. 67).

  1. Évaluation

– Première situation d’écriture
Le texte précédent servira de référence pour l’écriture d’une scène à dominante descriptive, comme dans le roman.
SUJET.  Par une belle nuit d’été, Tino et Antonia, regardent la mer depuis une crique qu’éclairent par intermittence les rayons du phare de Goulenez.
Où leur regard se pose-t-il ?  À quoi sont-ils sensibles ? Quels sens sont mis en éveil ?
Antonia se confie à Tino : « Elle aime la musique de la nature» (p. 75). Et celle du bord de mer ? Comment imagine-t-elle les petites vagues – autrement que Tino (p.16, 43)  ? C’est l’été, il y a aussi la musique de la voûte céleste qui scintille de myriades d’étoiles ? Tino expliquait à la petite dame que « sa vision s’allonge à l’infini » et il précisait : « Si notre esprit va toujours plus loin, alors notre regard peut également le faire » (p. 92). Finalement, tout l’enjeu est de voir au-delà de ce que l’on voit. Une ombre, une roche peut avoir une forme de visage ou de coquillage. Cette capacité à regarder le quotidien avec d’autres yeux laisse apparaître ce que masque d’extraordinaire l’ordinaire.
Pour créer les conditions favorables à l’écriture, on s’imprégnera de l’atmosphère dans laquelle Daudet place le jeune berger et la demoiselle, les personnages de la nouvelle Les étoiles (dans Les lettres de mon moulin). Ici, la tonalité d’ensemble est lyrique, associée à l’expression de l’émotion personnelle éprouvée devant le spectacle de la nature. Deux possibilités : on dispose du CD avec la nouvelle lue par Fernandel, sur fond de bruitages suggestifs qui semblent venir de l’au-delà. Nul commentaire, sauf pour l’introduction, ne vient perturber l’écoute. Autre solution, on se limite à un extrait, de : « Si vous avez jamais passé la nuit à la belle étoile… » à : « … portait une lumière avec elle ». On y ajoute des anecdotes d’étoiles à partir de « juste au-dessus de nous… ». En fond sonore, la musique de Myrdhin à la harpe celtique convient parfaitement, elle est une invitation à la rêverie ou à la méditation..

– Deuxième situation d’écriture
Cette proposition s’appuie sur le jeu de décryptage des nuages auquel se prête Tino et qu’encourage Antonia. La tonalité de l’ensemble a évolué. Au départ, il y a l’idée que des personnages (hommes ou animaux) se retrouvent dans une situation insolite, par exemple : des pirates sur leur trente et un participent à une fête. Ils font attention, sont parfois maladroits et, malgré eux, à l’origine de gags. Le plus surprenant est qu’ils sont sensibles au genre de la poésie. Comme le fait remarquer Antonia, pourquoi n’apprécieraient-ils pas aussi « l’odeur d’une fleur ou la couleur d’une robe » (p. 69) ?
SUJET. Rapportez quelques moments inattendus de cette soirée pas comme les autres, où les pirates font beaucoup d’efforts.

  1. L’exemple d’Antonia

La remarque d’un des enfants de la classe d’Antonia  (« Plutôt mourir que de revenir dans cet endroit pourri ! C’est nul ici, y a rien ») provoque la réaction immédiate de Tino : « Il y a des milliers de choses à faire » (p. 70). Pourtant, en début de journée, ne prétendait-il pas le contraire : « Y a quand même pas grand-chose à voir » (p.17) ? La leçon de chose d’Antonia a été retenue.
La mise en condition est primordiale, pour la réussite de l’expérience. Elle impose le silence ou le calme, donc le choix d’un endroit à l’écart de l’agitation quotidienne. C’est le cas avec l’illustration de la page 20. Pourtant, quelque chose n’est pas conforme à ce qu’expliquait Antonia (p. 67). Celle-ci montrait comment il faut apprendre à faire le vide autour de soi. Cela suppose que rien ne fasse écran entre le personnage et le milieu qui nous entoure. Ce n’était pas le cas quand Tino s’en allait faire ses expériences tout seul. Les calculs et mesures auxquels se livraient Tino faisaient obstacle à « une poésie qui vous plonge dans un rapport direct, sensitif, avec une profondeur qui n’est pas celle du mental mais de la présence. Nos rêves sont d’azur, dit Paul Verlaine (Poèmes saturniens), et alors l’esprit se dilate » (cité dans « Eloge de la méditation poétique », La Vie, n° 3908 du 23 juillet 2020)

SÉANCE 7. Échanger et changer (Chapitre 10)

Les deux enfants se rendent chez la maman de Tino pour soigner leurs blessures. Cette visite constitue une étape importante dans l’évolution des personnages.
 

  1. Une façon originale d’engager la conversation

Antonia a une technique bien à elle pour marquer de son empreinte la conversation dans laquelle elle s’engage. D’entrée de jeu, elle recourt à un vocabulaire qui surprend, afin de déstabiliser son destinataire. Ainsi, face à madame Lepouillard en colère, qui la somme de s’expliquer, elle répond avec aplomb : « J’ai mal au genou, madame ! j’ai besoin de m’arrêter régulièrement. J’ai la maladie d’Osgood-Schlatter ! (p. 51). Un peu plus tard, elle devance les reproches et, d’un air contrit, se confond en excuses : « Madame, j’ai été obligée de  m’arrêter souvent à cause de mon genou et de ma maladie, je suis désolée, madame, Pardonnez-nous, madame. Nous ne le referons plus » (p. 65). L’excès de politesse sert à étouffer la colère qui montait.
Face au gros monsieur à vélo, le ton est à l’opposé, la fillette rend responsable son « vélo pourri » (p. 57). L’effet recherché est réussi car le monsieur est interloqué. Il se rattrape de justesse par ce vocatif distant et moqueur : « Eh bienpetite demoiselle » (p. 57). La tactique est toujours la même : imposer un ton dès les premiers mots, afin de s’affirmer et de garder l’emprise sur la parole échangée. Ensuite Antonia change, multiplie les amabilités et, preuve qu’elle a maîtrisé l’échange, s’entend dire à la fin : « C’est demandé si gentiment ! […] Je t’aime bien, petiote ! » (p. 61).
Face à madame Quemeneur, il lui faut cette fois trouver autre chose, car le motif invoqué est mince : « Tino et moi sommes tombés sur des galets ». Alors Antonia va noyer son interlocutrice sous un flot de propos disparates. Elle parle de « superbe armoire » (à pharmacie), ajoute une question à laquelle elle s’empresse elle-même de répondre : « Est-ce que Tino est souvent malade ? Je dirais que oui, vu sa tête » (p. 77). Le message est confus, embrouille la destinataire sans lui laisser le temps de réfléchir : « Oui, c’est ça », enchaîne la maman, puis : « Tu vois, dit Antonia, j’avais raison, tu as une drôle de tête ». La mère se rétracte : « Euh, non, je disais oui pour… ». Antonia  s’empresse d’en rajouter : « Tu vois, Tino, ta mère dit non à ta tête ». Telle la balle de ping pong soumise à des forces contraires sur un rythme s’accélérant, la parole s’emballe. Et la joute verbale aura fait un perdant : Tino, complètement dépassé par la vivacité d’esprit d’Antonia.

  1. Les confidences de madame Quemeneur

La suite de l’entretien porte sur les « gadins » et les « gamelles » de Tino. C’est anecdotique, mais cette évocation détend l’atmosphère. La conversation s’oriente sur le métier des deux femmes adultes. Madame Quemeneur insiste sur la dimension humaine de son rôle d’auxiliaire de vie et d’accompagnatrice pour ceux des îliens qui vont mourir (p. 84). Antonia écoute, compare avec ce que font ses parents au sein de Médecins sans frontière. Toutes deux s’expliquent, s’expriment sur ces visages porteurs de souffrances. Antonia corrige : ici, il y a des visages avec leur histoire personnelle ; là-bas, ce sont les visages blessés d’anonymes. Les élèves relèveront toutes les phrases où figure le mot « visage » (p. 84-85).
Les deux interlocutrices sont engagées dans un échange où non seulement la parole circule à tour de rôle de l’une à l’autre, mais elle implique une interaction. Ce qui s’échange, ce sont des points de vue. La confrontation des idées oblige à des ajustements permanents qui, au bout du compte, auront été bénéfiques aux deux interactants. Chacun ne sera plus tout à fait le même qu’au début de l’échange, pour autant aucun des deux  ne se sera aligné sur la position de l’autre au point d’y perdre son identité. En un mot, chacun aura changé.
Les élèves ne retiendront pas tout, mais au moins les deux formules suivantes :
– « Pour qu’il y ait échange communicatif, il ne suffit pas que deux locuteurs parlent alternativement ; encore faut-il qu’ils se parlent, c’est-à-dire qu’ils soient tous deux engagés dans l’échange ».
– « (Se) parler,  c’est échanger, et c’est changer en échangeant » (Catherine Kerbrat-Orecchioni, La conversation, Mémo Seuil, 1996).

Aurelia et madame Quemeneur ont beaucoup à dire sur les îliens et les victimes des guerres. C’est ce qui fait dire à l’auteur que « Toutes deux discutent comme deux copines complices, ce qui met Tino dans un état franchement bizarre » (p. 84). Celui-ci se met de lui-même à l’écart de ce dialogue.  Il boude, non qu’il ait mauvais caractère, mais parce qu’il se sent dépassé, il rappelle son âge, « dix ans ! » (p. 83). Cet aspect du texte fera l’objet d’un nouvel exercice d’écriture pour l’évaluation finale.

SÉANCE 8. Écriture

Les aveux de Tino (pp. 84 à 86)

Tino en pleurs (mais pourquoi ?) se confie. Il a le cœur gros. Faites-le parler en toute sincérité, sans chercher à reprendre les mots du roman.
T’attends quoi, Tino ? l’interroge sa mère.
Tino a subitement envie de pleurer. Sa tête est envahie d’émotions contradictoires. Evaluation.

Développez ce paragraphe en adoptant le point de vue de Tino (« il »), comme dans le livre.

Avant la rédaction proprement dite, quelques pistes sont envisagées :
– Sur le verbe pleurer. On pleure de chagrin, parce qu’un être cher a disparu, parce qu’un événement de votre passé refait surface à telle occasion… On pleure de joie aussi, quand les choses de la vie sont chargées d’un trop plein d’émotions : une lettre qui vous apprend ce que vous n’espériez  plus ; un candidat qui découvre son nom dans la liste des reçus ; un athlète qui entend retentir La Marseillaise en son honneur, etc.
– Sur les tiraillements de Tino, partagé entre ses rêves de modernisme, symbolisés par la vie sur le continent et son attachement à cette île que lui fait découvrir Antonia.
– Sur l’impossibilité d’aller plus vite que le temps. Tino n’est encore qu’un petit garçon, il a beau avoir plein d’idées, il a du mal à suivre les conversations des adultes – auxquels se joint Antonia qui a plus d’expérience que lui. Il prétend suivre les discussions, mais est dépassé, et il s’énerve (p. 85).
Le discours de Tino sera saturé de traces de subjectivité et d’émotions contradictoires. On procédera par phrases courtes. Mais plus il se confie, plus les larmes coulent sur ses joues. À la fin, il retient le positif malgré tout. Un bon moyen de savoir si le ton convient et que  chacun reprenne son texte à voix haute.

SÉANCES 9 et 10. Le dénouement (chapitre 11 et 12)

Objectifs

– Délimiter les dernières étapes du récit : la séparation, le sauvetage, le dénouement ;
– S’initier au  discours explicatif : liaison français – SVT.

  1. Expliquer à l’oral (chap. 11)

À la sortie de chez madame Quemeneur, les événements se précipitent. Incapables de retrouver les autres, Tino et Antonia  découvrent les joies de la liberté et vivent des moments haletants. Un peu plus tard, ils réalisent, stupéfaits, qu’ils se retrouvent isolés. Les illustrations des pages 88 et 108 proposent deux visions de l’île de Sein, l’une sécurisante, avec ses maisons blotties les unes contre les autres, l’autre tournée vers l’extérieur et traversée de courants fatals. Les deux images sont construites sur des oppositions que les intervenants relèveront. Par ailleurs, ils expliqueront ce qu’il s’est passé pour que les deux enfants réalisent après coup qu’ils étaient piégés (p. 109).

  1. Pour conclure (chap. 12)

La journée se termine par l’intervention des sauveteurs en bateau afin de sortir Tino et Antonia de leur isolement. Puis c’est la soirée galettes offerte par les îliens. On recopie ces trois extraits assortis de quelques commentaires. Et pourquoi ne pas proposer à chacun d’apprendre ces extraits ? À la place du deuxième, on peut choisir un autre passage du livre. 

  • Premier extrait

« Antonia glisse à Tino […] :
– Je suis sûre de moi maintenant.
Tino comprend enfin que cette petite phrase de rien du tout est comme la petite île de rien du tout sur laquelle il vit. Minuscule, l’air de rien et de tout à la fois. »
Elle a la certitude que cette île minuscule est unique (p. 93)… pour peu que l’on sache s’ouvrir aux mystères cachés de la vie de la Nature.

  • Deuxième extrait

« Heureusement que j’ai assez de farine de sarrasin pour vous,  bande de malotrus. […] Ce sera soirée galettes ! Les voisines vont m’aider.
D’un pas ferme et énergique, elle s’éloigne du groupe d’enfants en marmottant avec quelque chose de souriant sur le visage, comme un petit bonheur au coin des lèvres qui ne demandait qu’à rayonner. » (p. 121).
La petite dame affiche un air bougon. Mais son sourire au coin des lèvres dit assez son empressement à faire plaisir aux enfants.

  • Troisième extrait

«… les enfants et les adultes s’appuient tendrement contre la nuit. Ici, maintenant, tous bercés  par la mer, les pieds posés sur cette petite terre précieuse comme une âme, cette île minuscule qui réunit si bien les gens et les enfants » (p. 124).
La mentalité  qui réunit les jeunes et leurs aînés autour d’un repas crêpes est à préserver comme un bien précieux.

  1. Et le titre ?

Un caillou, c’est communément une pierre banale. C’est aussi le nom pour désigner une petite île. Le caillou noir est le surnom donné au rocher du cap Horn, si redouté des navigateurs. Dire que X est un caillou dans la chaussure de Yveut, dire qu’il est une gêne pour lui. Mais ici ? Ce caillou dans la poche sert-il d’amulette, de talisman, d’objet fétiche ? Ne sera-t-il pas ce qui relie Tino à ses origines, pour qu’il n’oublie jamais d’où il vient ?

Annexes
1. Liaison Français – SVT
À propos de la topographie des lieux : les îles et l’océan.
Tino s’interroge : « Est-ce qu’il est au début de l’océan, au milieu, à la fin ? […] Peut-être qu’un jour l’île coulera brutalement dans les profondeurs de la mer » (p. 44). La notion de plateau continental sera expliquée.

  • À propos des cailloux et des galets.
  • Vocabulaire : caillou est le mot générique pour désigner des pierres de toute taille et de toute forme. Un galet est un caillou poli par le frottement des eaux.
  • Exposé sur l’histoire des galets : de la roche continentale à la plage
  • Exposé : le rangement naturel des galets selon la taille

À propos des rochers sculptés :
Les phénomènes d’érosion (pp. 36-37) sous l’action de l’eau seront expliqués.

  • À propos de la faune, de la végétation
  • La faune de l’île : les mouettes (p. 16), les lapins (p.50), l’élevage des huîtres (p. 34), les vieilles (p. 58), le homard bleu (p. 59),  les araignées (p. 60), les bigorneaux (p. 61), les goélands (p. 73), le phoque gris (p. 112)
  • La végétation de l’île : la lande avec la bruyère (p. 32), les grandes fougères (p. 49) et un seul arbre à proximité de la chapelle (p. 66).

À consulter :
Avec mon père au bord de la mer, Archimède.
– Fabian Grégoire, Le Phare de l’oubli, Archimède.
2. Lecture expressive
Tous ces extraits se prêtent, dans les lectures à voix haute, à des variations selon la diction, l’intonation, le rythme, les silences… Ces lectures sont à deux voix pour les dialogues.
– (Dialogue sur les parcs d’attraction) : de  « Regardez… » à : « ….trop loin de chez moi »
(pp. 34-35). L’indifférente d’Antonia se manifeste par des mimiques (haussement d’épaules), par le ton, pour aboutir à la formule connue : on peut dire ça comme ça. Autrement dit : passons, c’est sans intérêt.
– (Dialogue sur le métier des parents d’Antonia), de :  « C’est vrai que ton père… » à : « … j’ai le monde à explorer » (pp. 52-53) ;
– (Dialogue entre Antonia et le gros monsieur), de : « Attention, je n’ai pas de freins » à : « … Vous les avez pêchées à quel endroit ? » (pp. 56-57) ;
– (La maîtresse rompt le silence des enfants), de : « Les murs extérieurs de la chapelle… » à : « … cela ne le dérangerait pas ». (pp. 66-67) ;
– (Querelle entre un élève rebelle et Tino), de : « Pendant que Tino se perd dans ses pensées… » à : « … hurle Tino » (pp. 70-71)
– (Conversation à trois entre Antonia, Tino et madame Quemeneur), de :  « Bonjour, madame… » à : « …plutôt que de parler », pp. 77 à 79)
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3.Texte et chanson : L’île de Sein, de Claude Besson
Les idées peuvent être regroupée selon trois directions :
À qui (à quoi) est comparée l’île ? À quelles agressions doit-elle faire face ? Quels encouragements reçoit-elle ? cf. le refrain : « Ile de Sein » est un vocatif.

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  1. Pour finir sur une touche personnelle

– Comprenez-vous la réaction finale de Tino : « c’est bien la première fois que [j’] accepte une punition en souriant » (p.124) ?
– Avant de reprendre le bateau, à la place de Tino, qu’auriez-vous tenu à dire à Dominique,  le monsieur à chemise à carreaux ?

Évolution de la relation Tino – Dominique :
1.Il fait partie des « onze vieux à casquette et salopette bleue » (p. 9). –  2. Tino hésite à poser une question, il a peur d’être reconnu après qu’il a fait « exploser son parterre » (p. 60). –  3.  Dominique l’accuse d’être l’auteur des dégâts, mais avec humour (p.62). – 4. clin d’œil à Tino à propos de « et vers l’infini » (p. 62). Pour les non-initiés :  « Vers l’infini et au-delà ! », phrase de Buzz l’éclair, robot-jouet-de-l’espace, dans  Toy Story. Phrase à la fois de ralliement, remplie de promesses et aussi d’utopie, augurant de nouvelles conquêtes et un imaginaire à toute épreuve. – 5. Dominique participe au sauvetage, sans faire triste mine (p. 117). –  6. Il annonce la punition « d’un air malicieux » (p. 124).

Yves Lucas, académie de Rennes

Yves Lucas
Yves Lucas

Un commentaire

  1. A propos de la formule « échanger, c’est changer », quelques remarques s’imposent.
    On se réfère souvent au « schéma de la communication » de Jakobson pour comparer la parole qui s’échange entre interlocuteurs à un transfert d’électricité ou d’ondes qui circulent d’un soi-disant émetteur à un récepteur, et réciproquement. On prenait à l’époque ses références dans la technique du téléphone… Seulement voilà, un échange chez les humains ne se réduit pas au côté mécanique d’une transmission. L’échange relève plutôt d’une traduction dans la façon dont chaque interlocuteur essaie de se mettre à la place de l’autre afin de saisir tout ce qu’il dit. A son tour, il ajuste sa parole à celle de l’autre et fait du mieux qu’il peut pour se faire comprendre.
    Cela signifie que ce que me dit mon interlocuteur vient s’intégrer à ma façon de penser et de parler. En m’appropriant la pensée de l’autre, je la fais mienne et, par conséquent, je la transforme. A dire vrai, cela ne correspond plus tout à fait ce que l’autre pensait. En contrepartie, ce que je reçois de lui me transforme aussi. D’une conversation (cum + vertere : tourner vers, traduire en), on sort relativement changé, pour peu qu’on ait accepté l’écoute de l’autre. Malgré tout, on reste encore et toujours soi-même, l’interlocuteur aussi d’ailleurs. On reste soi-même, mais ce n’est plus exactement le même soi.
    Ici, au chapitre 10, Tony est à la fois face à sa mère et à Antonia. Il a du mal à soutenir l’échange et finit par se sentir dépassé. C’est pourquoi, il éclate en sanglots, mais les paroles de madame Quemeneur sont là pour le rassurer.

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