Velázquez au Grand Palais

Velázquez au Grand PalaisLa chose peut paraître surprenante, mais elle est pourtant vraie : c’est la première fois qu’est montée à Paris une exposition consacrée à Diego Velázquez.
Un peu comme si le grand maître espagnol était appelé à ne pas sortir de son pays, à l’image de ce qui se passe pour ses œuvres conservées au musée du Prado de Madrid, prêtées dans la limite de sept tableaux à la fois.
Lui-même, de son vivant, n’est jamais venu à Paris, préférant comme unique séjour hors de son pays, se rendre en Italie, à deux reprises, pour aller chercher le secret des grands génies de la Renaissance. Ajoutons que la France ne possède de lui que deux tableaux, l’un à Rouen, l’autre à Orléans – plus quelques attributions.

 

Une exposition qui permet de comprendre un itinéraire

Si la majorité des toiles de Velázquez se trouvent bien au Prado, telles les Ménines que, par choix, le commissaire de l’exposition, Guillaume Kientz, n’a pas souhaité retenir, d’autres sont conservés en divers lieux d’Europe et du Monde, tels le chef d’œuvre exposé à Londres, La Toilette, encore appelé Le Nu au miroir, ou le Portrait de l’infante Marguerite en bleu (utilisé pour l’affiche de l’exposition) que l’on peut admirer au Kunsthistoriches Museum de Vienne, tous deux exposés ici.
Le nombre de toiles attribuées à Velázquez n’est pas très élevé (environ 120) ; près de la moitié sont réunies pour l’exposition du Grand Palais.
Ce qui permet de se faire une idée assez juste de l’homme, de suivre son itinéraire personnel, de comprendre son évolution et ses préférences.
 

Diego Velázquez, portrait équestre du comte duc d'Olivares, 1634, musée du Prado, Madrid
Diego Velázquez, portrait équestre du comte duc d’Olivares, 1634, musée du Prado, Madrid

 
 

Des débuts à Séville au statut de peintre attitré

Il naît à un moment stratégique (deux ans avant le début du XVIIe siècle), en un lieu de référence pour le rayonnement européen, la très riche et très peuplée Séville. Ses débuts en peinture sont datés de sa douzième année et se font dans l’atelier du chanoine Francisco Pacheco, dont une Immaculée Conception de médiocre facture est présentée au public parisien.
Très vite, l’élève dépassera le maître, abandonnera les sujets religieux et pourra rêver de devenir peintre officiel du roi, ce qui se réalisera grâce à la protection du puissant ministre de Philippe IV, le comte-duc d’Olivares. Un portrait en pied du personnage peint en 1625 se trouve dans une galerie de New York.
Mais avant de se spécialiser dans ce genre du portrait, Velázquez, devenu le gendre de Pacheco, meilleur pédagogue que peintre, s’essaye à un certain réalisme influencé par le caravagisme, qui le séduit un temps, et inspiré par la littérature picaresque dont le Siècle d’or aime à se divertir.
La rencontre de Rubens à Madrid puis le premier voyage en Italie (Venise, Bologne, Rome) « achèvent de faire de l’artiste un courtisan puissant, bien installé à la Cour », comme le dit le catalogue de l’exposition. Nous sommes vers la fin des années 1620, Philippe IV, dont la succession semble assurée après la naissance de l’infant Baltasar Carlos (son portrait de 1631 avec un nain et un autre sur son poney sont exposés), fait construire le Buen Retiro aux portes de Madrid. Il lui faut un peintre attitré : ce sera Velázquez qui va, parallèlement, occuper de multiples charges jusqu’à celle, prestigieuse, de maréchal du Palais.
À côté des commandes officielles, l’artiste s’essaye dans le registre qu’on pourrait nommer « grotesque » avec la peinture de nains, de bouffons, de comédiens, prouvant, malgré les honneurs, la liberté de sa palette ; le splendide Portrait de Pablo de Vallalodid (qui bouleversa Manet) en témoigne.
 

Diego Velázquez, portrait de Pablo Valladolid, vers 1635, Musée du Prado, Madrid
Diego Velázquez, portrait de Pablo Valladolid, vers 1635, Musée du Prado, Madrid

 

Une rétrospective qui dissipe l’image conventionnelle de l’artiste

Cette belle rétrospective qui conjugue intelligemment deux parcours, le chronologique et le thématique, corrige l’image conventionnelle que l’on se fait de l’artiste, réduit souvent à sa dimension de portraitiste officiel. Elle rend justice à un maître longtemps méconnu qui fit école et imposa sa manière, comme l’illustrent ceux que l’on nomme les « velázquenos », à commencer par son gendre et collaborateur, le très estimable Juan Bautista del Mazo.
Elle aide enfin à comprendre l’origine et le succès de cette « manière espagnole » qui retiendra les artistes français du XIXe siècle, comme l’avait montré, en 2002, une exposition du musée d’Orsay qui faisait dialoguer Velázquez et Manet.
La réussite de celle du Grand Palais tient prioritairement au génie de l’artiste exposé, mais est aussi redevable au talent de ceux qui, dans l’accrochage et la scénographie, ont su mettre en valeur la force d’une peinture magistrale.

Yves Stalloni

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Exposition Velázquez, Grand Palais, Paris, jusqu’au 13 juillet 2015.
"Je suis Juan de Pareja", d'Elizabeth Borton de Trevino
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• Dans l’atelier de Vélasquez :
« Je suis Juan de Pareja »,
d’Elizabeth Borton de Treviño,
par Marie Pérouse-Batello.
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Yves Stalloni
Yves Stalloni

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