1er juin des écritures théâtrales jeunesse :
un rendez-vous à ne pas manquer

Plaidoyer pour une manifestation centrée sur un genre encore bien négligé au sein de la littérature de jeunesse, c’est l’occasion pour les enseignants de monter une pièce contemporaine avec leurs élèves, pour le plaisir de jouer et de faire l’expérience de la représentation.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres (Paris)

Le 1er juin des écritures théâtrales jeunesse est un événement participatif qui rassemble, année après année, toujours plus de publics et de participants. Il est né en 2015 à l’initiative de Scènes d’enfance, association pour le spectacle vivant jeune public, avec le soutien du ministère de la Culture et de nombreux réseaux d’aide à l’action théâtrale.

L’objectif est simple : jouer, lire, improviser du théâtre jeunesse dans n’importe quel lieu, pour n’importe quel public, durant cinq minutes ou pendant une heure, pour le seul plaisir de faire entendre des textes contemporains à l’image de l’enfance, drôles, sensibles, imprévisibles, audacieux ou poétiques, afin que le temps d’une scène, d’une récitation ou d’un dialogue, chacun ressente le bonheur d’une parole partagée.

Les enseignants sont naturellement conviés, mais des collègues au travail, des documentalistes, des bibliothécaires, des libraires, des associations peuvent aussi animer un moment de théâtre, une rencontre, un spectacle, l’enregistrer ou le filmer, et le partager sur le site du 1er juin de écritures théâtrales jeunesse. Les plus timides y trouveront une foule d’idées de jeux ou de textes, d’expressions théâtrales à vivre ou faire vivre.

Les quatre conditions du théâtre pour la jeunesse

L’initiative mérite d’autant plus d’être saluée et encouragée que le théâtre jeunesse, d’une reconnaissance tardive (le premier Molière jeune public a été remis en 2005, soit vingt-deux ans après la création de la cérémonie des Molières), reste encore le genre mineur de la littérature de jeunesse. Son histoire est pourtant ancienne et ses bases n’ont guère changé depuis les réflexions de son fondateur, Arnaud Berquin.

Celui-ci, tout imprégné de la morale rousseauiste et du pathétique de Diderot, posait, dans la préface de son journal L’Ami des enfants, paru pour la première fois en 1782, quatre conditions à un théâtre pour la jeunesse : un sujet d’éducation sociale ou morale, des parents et des enfants nécessairement personnages principaux, des actions relevant de petits drames ordinaires ou de crises familiales au dénouement heureux et, enfin, un langage simple et accessible à tous les enfants.

Les quelque cent vingt drames, dialogues ou saynètes de Berquin seront réédités jusqu’au début du XXe siècle, témoignant des fortes qualités éducatives de son théâtre aux yeux d’une société bourgeoise éprise de morale tout au long du XIXe siècle, mais aussi d’une forme d’absence de renouveau pour un genre incapable d’exister hors de son fondateur et modèle, incapable de voir naître son grand auteur moderne comme le roman jeunesse avait su le faire avec Jules Verne. Ainsi, Berquin fut à la fois celui qui officialisa le genre du théâtre pour la jeunesse et celui qui par son succès en retarda son épanouissement et son l’évolution jusque dans la deuxième moitié du XX° siècle.

Pour une véritable politique artistique et culturelle de l’enfance et de la jeunesse

Cette reconnaissance scénique et éditoriale fut d’une certaine manière acquise de haute lutte. Le mérite en revient à ces précurseurs de Scènes d’enfance que furent en 1957 les membres de l’ATEJ (Association du théâtre pour l’enfance et la jeunesse). En 1965, elle devint une association internationale (l’ASSITEJ), puis obtint la création par l’État de six centres dramatiques nationaux pour l’enfance et la jeunesse en 1979, et multiplie depuis près de quarante ans les manifestations, événements, colloques et autres collaborations avec les ministères de la Culture et de l’Éducation pour promouvoir la formation humaniste par le théâtre.

À cet égard, le manifeste de mars 2017, « Pour une véritable politique artistique et culturelle de l’enfance et de la jeunesse », reste d’une remarquable actualité. Que l’on songe encore aux difficultés d’amener aujourd’hui tous les élèves, de tous les niveaux et de tous les milieux, dans une salle de théâtre ; que l’on songe à la faible formation des enseignants aux arts et esthétiques du spectacle ; que l’on songe à l’écart croissant entre l’offre d’actions théâtrales de la part des professionnels de la culture et le peu de moyens ou de temps laissés aux enseignants pour profiter de ces propositions, et l’on comprendra que la culture est un droit que beaucoup jugent encore secondaire, et que les enfants restent encore les négligés de l’éducation culturelle.

C’est pourquoi ce 1er juin des écritures théâtrales jeunesse est un événement à ne pas manquer. Il est facile à chacun de nous, modestement ou de façon plus élaborée, de participer à cet événement, d’entraîner avec soi quelques élèves aimant le jeu et le langage, et d’offrir à tous les autres le plaisir de petits spectacles bourrés d’intelligence et de fantaisie.

Si le Printemps des poètes a su s’imposer dans le calendrier scolaire, il est temps que le 1er juin marque le sacre du théâtre.

P. C.

Ressources


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Pascal Caglar
Pascal Caglar