Édito n°3. Février-Avril 2022

Merci Patron ! Car c’est ainsi qu’on nomme Molière dans « sa maison », la Comédie-Française, bien qu’elle ait été créée sept ans après sa mort. Et même si Éric Ruf, son administrateur, souffle que ça n’est pas forcément le lieu où l’on sait le mieux jouer Molière. Les 400 ans de la naissance du comédien et dramaturge ont ouvert, le 15 janvier, une foison d’initiatives artistiques et culturelles, de représentations, d’expositions, de débats…

Merci Patron ! Car c’est ainsi qu’on nomme Molière dans « sa maison », la Comédie-Française, bien qu’elle ait été créée sept ans après sa mort. Et même si Éric Ruf, son administrateur, souffle que ça n’est pas forcément le lieu où l’on sait le mieux jouer Molière. Les 400 ans de la naissance du comédien et dramaturge ont ouvert, le 15 janvier, une foison d’initiatives artistiques et culturelles, de représentations, d’expositions, de débats… « L’histoire des anniversaires nous éclaire », souligne, dans l’événement qui ouvre ce numéro, Martial Poirson, professeur d’université, auteur de Molière. La fabrique d’une gloire nationale (Seuil), presque impatient de découvrir ce que le quadricentenaire va dire de nous, en 2022. De « notre » manière de lire et jouer Molière, en France et de par le vaste monde, et de la place du spectacle vivant dans l’écheveau mémoriel, certes, mais peut-être aussi dans la vie culturelle dans son entier alors qu’il peine à se remettre de la crise du Covid.

Combien de comédiens, danseurs, musiciens voient leur métier et leur art à la peine depuis deux ans ? Combien de salles et de scènes redoutent de mettre la clé sous la porte quand elles n’ont pas déjà fermé ? Combien de représentations pour les scolaires ont été annulées pour cause de protocole ? De « non essentiels », terme qui a frappé au point de s’afficher dans des rues, sur des frontons, les « saltimbanques » sont passés à non prioritaires. Il y aurait cependant comme un paradoxe à célébrer Molière en grande pompe, dans des salons dorés, sur tout le territoire, quand une partie de ses frères et sœurs des planches crie famine. Un beau cadeau d’anniversaire pourrait consister en un plan de soutien au spectacle vivant, a minima, voire d’États généraux éclairant jusqu’à ce pourquoi des communes abandonnent la création.

Silhouette ou spectre ? C’est ce doute sur la nature d’une apparition qu’Antoine Doré sublime en couverture de ce numéro, laissant planer une incertitude qui est historiquement au cœur de la définition du fantastique. Un genre prisé des jeunes lecteurs, mais pas si évident ni à saisir, à un âge où l’on éprouve des limites physiques, psychiques et temporelles, ni à cerner, tant il est fonction des rapports qu’entretient une époque aux sciences et aux rêves, à la raison et à la folie.

Et pour garder la tête hors des marécages, pourquoi ne pas s’inspirer du témoignage du pianiste Laurent Coq racontant comment il en est venu à monter un cours de français pour des migrants dans une bibliothèque de son quartier, s’improvisant prof non seulement de musique, mais de la langue de Molière.

Bonnes découvertes, bonnes lectures.