Notre planète. Chronique n°10.
Célébrer la Journée de la Terre au lycée

Célébrée le 22 avril, la Journée de la Terre permet d’offrir aux élèves un temps dédié à l’engagement et à l’action collective en vue de diminuer notre impact. Du côté des établissements, c’est une occasion d’accorder les langages. Au lycée de Cachan, un arbre mort a été mis à l’honneur cette année, des haïkus gravés dans l’écorce.
Par Milly La Delfa, professeure de lettres au lycée de Cachan (94)

Célébrée le 22 avril, la Journée de la Terre permet d’offrir aux élèves un temps dédié à l’engagement et à l’action collective en vue de diminuer notre impact. Du côté des établissements, c’est une occasion d’accorder les langages. Au lycée de Cachan, un arbre mort a été mis à l’honneur cette année, des haïkus gravés dans l’écorce.

Par Milly La Delfa, professeure de lettres au lycée de Cachan (94)

Inauguré en 1970 par le sénateur démocrate américain, Gaylord Nelson, l’évènement participatif « Earth Day » ou « Journée internationale de la terre nourricière[1] », est ancré, dès sa création, dans le milieu scolaire. Souhaitant mobiliser l’énergie des étudiants dans la protection de l’environnement, ce politicien regroupe une équipe afin de proposer des activités de sensibilisation à la fragilité de la planète. Le mouvement gagne les autres pays et, en 1990, est créée en France l’association Jour de la Terre qui s’est donné comme mission « d’accompagner les personnes et les organisations à diminuer leur impact sur l’environnement ».

La journée de célébration du 22 avril, comme tout évènement ponctuel, trouve tout son sens dans la prise de conscience qu’elle engage et dans les actions qu’elle promet d’initier. Adossées à des thématiques variées (végétalisation, déchets, biodiversité, etc.), diverses activités sont proposées par les municipalités, les entreprises, des membres de la société civile ou les établissements scolaires[2].

League of Green : un club dédié à l’environnement

L’attention à notre environnement et l’urgence de sa protection sont des questions qui ont trouvé leur place dans l’organisation des communautés scolaires, notamment par la création, en 2020, d’élections d’éco-délégués et par la publication, en 2023, d’un plan faisant de l’école un lieu privilégié de transmission des enjeux de la transition écologique. Inviter les élèves à participer à la Journée de la Terre, c’est offrir un temps dédié à l’engagement et à l’action collective, et donner du sens, par l’expérience et des réalisations concrètes, à des dispositifs qui peinent parfois à trouver de l’écho. À l’échelle d’un établissement, c’est également appeler les différentes disciplines à accorder leurs langages pour parler en faveur de la planète et favoriser le lien avec les partenaires extérieurs afin que rayonnent les initiatives des élèves.

Au lycée de Cachan, c’est la deuxième fois que le Jour de la Terre est célébré. Le premier évènement avait eu lieu en 2022 sous l’impulsion de Bertrand Moricet, un artiste performeur. Ce dernier avait disposé dans la ville les enregistrements de poèmes lus par les élèves. Des ateliers avaient été organisés par League of Green, le club du lycée dédié à l’environnement, afin de mettre en valeur des produits obtenus grâce au recyclage.

Nature morte et land art

Sous ta toile, Araignée
Un arbre mort dénudé
Est tout en feuilles

Mohammed-Amine, 2nde 5

Cette année, c’est un arbre mort qui est mis à l’honneur en ce Jour de la Terre. Laurence Touret, la professeure de SVT qui anime la League of Green, raconte :

« Tout a commencé quand il a été décidé de refaire le goudron de l’allée qui borde le bâtiment du lycée. Les arbres qui s’y trouvent ont été sauvés in extremis. Il avait été question, dans un premier temps, de les enlever. Il a tout de même fallu couper autour des racines pour remettre du goudron et cet arbre-là ne s’en est pas remis. Chaque année, il faisait de moins en moins de feuilles et, au printemps dernier, il n’y en avait plus du tout. L’écorce a commencé à se décoller, le tronc à se fissurer, c’est du bois mort maintenant. »

L’arbre de la cour d’école recouvert d’haïkus. © MLD

Cette agonie silencieuse, Laurence Touret a voulu en faire autre chose qu’un évènement insignifiant. En s’inspirant de souvenirs de land art, cette expression artistique qui fait de la nature une source d’inspiration première et un matériau essentiel, la professeure de SVT a souhaité rhabiller de mots celui qui était privé de son enveloppe. En mobilisant les éco-délégués et une classe de seconde, elle a proposé que l’écorce serve de support à des textes écrits par les élèves. Des textes courts, tendres au monde, célébrant l’arbre avant qu’il soit abattu.

Feuilles qui s’envolent
Tronc ridé d’histoires passées
La nature s’incline

Omar, 2nde 5

Surgissement d’un haïku

Le haïku, ce « sublime au ras de l’expérience[3] », pour reprendre l’expression de Corinne Atlan et Zéno Bianu, qui ne décrit pas le réel mais le désigne, est une expérience poétique que les élèves ont l’occasion d’expérimenter au collège. Il est assez aisé de mettre en œuvre les principes techniques qui président à son élaboration : trois vers de cinq, sept et cinq syllabes, la présence d’un « kigo », un mot qui évoque une saison, le tissage d’une permanence et de l’instantané ; une forme suffisamment simple pour que sa production ait été, au Japon, une sorte de « sport national », comme l’a rappelé Roland Barthes lors d’un séminaire[4].

En revanche, il est bien plus compliqué de provoquer « le désir de haïkus[5] » et de ne pas s’atteler à sa rédaction, mais de se rendre disponible à son surgissement. C’est cette expérience qui a été proposée aux élèves d’une classe de seconde : un moment commun d’attention et une tentative pour inscrire ce qui les a traversés. Près de l’arbre, les élèves ont écrit un haïku qu’ils ont confié aux élèves de la League of Green. Ceux-ci ont préparé des morceaux d’écorce afin d’y graver les poèmes. Les plaquettes ont été installées autour du tronc le 22 avril pour partager ces écritures sur le vivant.

Arbre déraciné
Aucune goutte de sève ne coule
Les racines n’écrivent plus

Ibrahima, 2nde 5
Gravure d’haïku sur un morceau d’écorce. © MLD

Et le vivant, qu’écrit-il ? Si l’arbre est un support textuel – Alain Baraton retrace les différents usages[6] que l’on a faits de son écorce , il porte également en lui un récit que l’on peut inviter les élèves à déchiffrer. Une fois l’arbre abattu, la souche est encore digne d’intérêt ! À travers une brève initiation en cours de SVT à la dendrochronologie – méthode scientifique qui consiste à lire dans les cernes de croissance du tronc les différents événements qui ont marqué l’existence de l’arbre : variations climatiques, incendies, maladies –, on peut imaginer une séance d’écriture en cours de français afin que les élèves se fassent passeurs de cette histoire que le bois garde en mémoire.

M. L.D.


Notes

[1] La date du 22 avril et l’expression « Terre nourricière » ont été adoptées le 22 avril 2009 par l’Assemblée générale des Nations unies et portées à la connaissance de tous les États membres (Résolution A/RES/63/278)
[2] Le site Jour de la Terre propose une page dédiée aux animations pouvant être organisées dans les écoles, centres aérés et universités : https://jourdelaterre.org/fr/activites/idees-daction/#ECOLE
[3] Corinne Atlan et Zéno Bianu, « Préface » in Anthologie du poème court japonais, collection « Poésie/Gallimard », Gallimard, 2002.
[4] Roland Barthes, « La préparation du roman I. Cours au Collège de France, 1978-1979 », archive disponible en podcast sur France Culture https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-poesie-n-est-pas-une-solution/roland-barthes-dans-le-haiku-il-y-a-une-ecriture-de-l-instant-une-ecriture-absolue-de-l-instant-3422610
[5] Ibid.
[6] Alain Baraton, L’importance de l’écorce des arbres dans la communication humaine, La Main verte, émission du 27 janvier 2024 https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-main-verte/la-main-verte-du-samedi-27-janvier-2024-3659770


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Milly La Delfa
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