Conseils pratiques de rentrée pour les nouveaux professeurs de lettres

Conseils pratiques de rentrée pour un professeur de lettres débutantLe tout récent professeur certifié ou agrégé de lettres, encore suspendu à la désignation du futur établissement d’affectation pour son année de stage, n’en reste pas moins, la fin août approchant, gagné par des interrogations justifiées en début de carrière.
Aussi apparaît-il important de donner quelques conseils pratiques afin d’appréhender plus sereinement la rentrée prochaine.

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Éloge du décentrement

L’erreur d’appréciation trop souvent partagée par les professeurs stagiaires reste l’idée qu’ils vont être jugés au fil et au terme de leur année probatoire et ce, quel que soit le statut de leurs observateurs : inspecteur, formateur ÉSPÉ ou tuteur établissement. D’où la tentation aussi légitime que mauvaise conseillère de se montrer à l’excès et de se faire entendre plus que de raison afin de persuader l’évaluateur de la qualité de son travail professionnel. Aussi observe-t-on, notamment dans la première phase de l’année de stage, des professeurs s’usant la voix et dépensant une énergie folle en lieu et place des élèves.
Il s’agit donc de prendre d’emblée le contre-pied de cette démarche peu productive en posant un premier principe de bon sens validé par l’institution et les professionnels de l’éducation : une bonne séance s’apparente à un temps d’apprentissages où les élèves travaillent plus que le professeur. À trop parler, à trop se démener, bref, à sur-agir, on risque fort, outre de s’épuiser à court terme, d’avaliser la passivité d’un groupe-classe spectateur de l’action continue du professeur.
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Prioriser le “comment apprendre”

Les nouveaux programmes de collège mis en œuvre depuis septembre 2016 insistent particulièrement sur l’accompagnement méthodologique des élèves. Le constat a ainsi été fait que ces derniers manquent souvent de repères dans les activités qu’on leur propose. Il est par conséquent essentiel d’engager les apprentissages en connaissance de cause, c’est-à-dire en ayant réfléchi en amont sur le temps approximatif de réalisation d’une activité, des modalités de cette réalisation – à l’écrit ? Individuellement, en binôme ? – et de l’état de la restitution attendu – brouillon ? feuille de cours ?
Les professeurs débutants, notamment en collège, et a fortiori en classe de sixième, seront sans doute très surpris d’observer que la moindre contrainte pratique imposée aux élèves est susceptible non seulement de les dérouter mais d’empêcher toute mise en action. Il est de fait impératif dans le travail préparatoire aux séances menées en classe de réaliser soi-même les activités envisagées. Et ce, en conservant à l’esprit que la moindre difficulté de traitement par le professeur lui-même chez lui sera décuplée pour l’élève en classe, accroissant notamment de façon significative le temps de réalisation.
Un professeur stagiaire sera ainsi régulièrement pris au dépourvu dans le déroulement même d’une séance quand il devra constater que l’activité conçue virtuellement pour dix minutes en exige plus du double en classe. La leçon à tirer reste en conséquence que concevoir une activité ne va pas sans envisager son accompagnement méthodologique.
D’un point de vue factuel, cela signifie qu’une activité à réaliser en dix minutes présuppose un doublement du temps de travail effectif en classe en prenant en compte réalistement la mise en œuvre de l’activité autour de trois axes : mise en condition du groupe-classe, précisions d’ordre méthodologique, temps de réalisation.
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Adopter une langue professionnelle sur-explicite

Un récent professeur certifié ou agrégé est naturellement susceptible de manier une langue nourrie par l’implicite, l’abstraction et la maîtrise des présupposés historiques ou culturels du discours. À l’épreuve des faits, face un auditoire adolescent ou pré-adolescent, ce même professeur déplorera rapidement que ses élèves ne le comprennent pas.
En réalité, au-delà de possibles carences linguistiques les concernant, il reste évident que la langue du professeur doit s’adapter à la réception des élèves : et pour cela, être en priorité concrète et explicite. Ce qui conduira progressivement le professeur à reformuler l’énoncé exprimé dans un premier temps en simplifiant son discours et en s’efforçant de le rendre plus explicite et de fait plus opérationnel.
Sur ce point, il s’agit toutefois de ne pas s’affoler: la reconfiguration scolaire de sa propre langue de communication ne se fera pas en un jour. En revanche, elle doit être posée comme une nécessité à moyen terme. Selon cette finalité, il faut s’attacher dans la conception didactique des séances à toujours garder en tête trois questions fondamentales : “Qu’est-je que je veux que les élèves comprennent ? réalisent ? retiennent ? Et ce, prioritairement, ce qui est décisif dans le raisonnement à tenir car il est impératif de formuler pour soi clairement et simplement ce que l’on attend effectivement des élèves.
L’enjeu d’une séance ne tient pas à la multiplication de ses objectifs mais à leur finalisation. Or, dépendant d’une séquence ou unité d’apprentissage, elle répond à un objectif général tout en impliquant l’objectif spécifique qui lui est propre. L’approche méthodique d’un texte littéraire en classe justifie par là même d’épurer ses objectifs naturellement subtils voire complexes. Il s’agit ici d’un marqueur fort de la mue d’un reçu aux concours fraîchement sorti du cadre universitaire en un pédagogue distinguant la connaissance en soi et le savoir à faire à acquérir par ses élèves.

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Un début dans la carrière enseignante n’est jamais simple, mais il y a des clefs pour bien faire apprendre. Les conseils succincts formulés dans cet article sont reliés entre eux par une même ligne force. Les élèves, qu’ils soient en collège ou en lycée, détestent le flou.
Les professeurs qu’ils écoutent et qu’ils respectent sont le plus généralement ceux qui savent leur proposer nettement des perspectives comportementales, culturelles et méthodologiques. Une classe désorientée devenant rapidement une classe à la dérive, il faut rappeler que la gestion d’une classe dépend grandement de la ligne claire d’un cours.

Antony Soron, ÉSPÉ Paris

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Antony Soron
Antony Soron

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