"Les Combattants", de Thomas Caillez : le premier amour est un exercice de survie

"Les Combattants", de Thomas CaillezAvec Madeleine et Arnaud, ce ne sera pas « l’amour à la plage » comme le chantait le tube d’un été, fût-ce dans les Landes, sur les berges du lac de Contis où ces deux adolescents entament leur première « lutte ».
« La fille » (jouée par la comédienne, Adèle Haenel, celle-là même qui tenait la dragée haute à Sara Forestier dans Suzanne, 2013) s’est en effet convaincue d’adopter désormais le “mode survie » des soldats de commandos.
« Le garçon » (Kevin Azaïs) a moins de certitudes qu’elle quant à l’avenir apocalyptique du monde et à la nécessité de s’y préparer. De la mort, il n’a en tête, dès l’entame du film, que celle de son père « menuisier » auquel, avec son frère, il aurait tant voulu dédier un cercueil fabriqué dans du vrai bois de pin…

La forêt landaise n’est pas l’Amazonie…

En un judicieux plan aérien, le premier long métrage de Thomas Cailley dévoile la foule innombrable des pins qui dressent un parasol vert tendre sur la haute-lande. Il étale cette « forêt de symboles », où, comme dans les contes, les deux romantiques post-modernes en débardeur (pour elle au moins) et en rangers vont pénétrer, pour mesurer leur aptitude à la survie en même temps que pour découvrir l’attirance de leurs corps.
C’est en effet au beau milieu de cette nature de sable, de résine et de fougères, que les deux « combattants » entreprennent leur « préparation militaire » buissonnière. Ils y auront tout loisir de tester leurs facultés de résistance anti-modernes, sans rien sur eux qui pèse ni qui pose : pas de portable, pas d’outils manufacturés, pas de médicaments, tout juste les restes d’une ration de survie…
Mais les pins paisiblement centenaires, à l’image du monde selon Madeleine, sont aussi promis à la noirceur. Et l’incendie rôde qui mènera le film de la comédie dramatique, subtilement écornée par des encarts humoristiques, à l’ambiance tragique d’une « presque » inexorable fin des temps.
 

Un scénario original…

S’appuyant sur sa propre mémoire des lieux de l’enfance (le réalisateur est originaire des Pyrénées-Atlantiques), Thomas Cailley ne rechigne pas à mettre l’imagination au pouvoir. Il invente ainsi un nouveau couple de cinéma en liant les vies anonymes d’un personnage atypique, sorte de « John Rambo » au féminin (qui aurait un Master en poche cela dit), mâchoire serrée et épaules larges ; adolescente rebelle au pessimisme profond, ne rêvant que d’exercices de survie et de camouflages et d’un jeune homme « rêveur » doté, malgré lui, de facultés d’adaptation hors du commun.
Les Combattants, œuvre cinématographique jubilatoire, s’amuse à déjouer les codes tout à la fois de la comédie romantique adolescente (avec la fugue des deux amants) et du film de « préparation de guerre » (Full Métal Jacket, de Kubrick, mais avec grenades à plâtre et fusils d’assaut projecteurs de peinture). Parti de l’étendue paisible d’un bord de lac landais, il se clôt presque dans l’espace tragiquement confiné d’un village forestier recouvert par un nuage de cendres produit par un incendie « monstrueux ».
Il était une fois une forêt qui brûlait et deux enfants qui jouaient à être à seuls au monde, comme s’ils étaient des pionniers : lui, le premier homme qui rêve ; elle la première femme qui chasse.
Madeleine et Arnaud simplement, nos « semblables », nos « envers », deux jeunes êtres de fortune dans l’infortune, éclatant de vie, marginaux à souhait, comme on voudrait sans doute que nos enfants le soient, ennemis à jamais du confort, du grégaire et du profit.

Antony Soron

Antony Soron
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