Des mots pour exister

"21 jours... au cœur de l'illettrisme", réalisé par Alexandra Alévêque et Philippe Lagnier © France 2
“21 jours… au cœur de l’illettrisme”, réalisé par Alexandra Alévêque et Philippe Lagnier © France 2

France 2 diffusait, mardi 16 décembre, un reportage d’Alexandra Alévêque, 21 jours… au cœur de l’illettrisme. Pendant ces vingt-et-un jours, la journaliste Alexandra Alévêque a animé des ateliers de lecture, d’écriture et de mathématiques, au sein de l’association « Mots et Merveilles » à Aulnoye-Aymerie, dans le nord de la France.
Elle y a rencontré un petit groupe de personnes qui ont grandi sans avoir acquis les connaissances de base en français et en mathématiques et qui ont accepté de se livrer. Un homme a cependant souhaité garder l’anonymat et explique, sous le regard bienveillant d’Alexandra Alévêque, la honte qu’il éprouve de ne pouvoir lire et écrire « comme tout le monde ».

Le dialogue s’opère ainsi entre la journaliste au rire franc et les personnes dont on découvre, au fil de ces journées, les histoires familiales. Des histoires de maltraitance souvent et de parents également illettrés n’encourageant pas leurs enfants à apprendre ou les empêchant d’aller à l’école. Des parents pour qui lecture et écriture signifiaient la plupart du temps paresse et désinvolture.

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Un enfermement

Pour celui ou celle qui n’a pas idée de l’enfermement dans lequel peut se retrouver une personne ayant très peu fréquenté l’école, ce reportage constitue une belle introduction. Il révèle également les stratégies de détournement que les personnes dites “en situation d’illettrisme” ont développées ou le dénuement auquel elles sont parfois vouées dans les gestes de la vie quotidienne : faire les courses, payer ses impôts, compter sa monnaie, remplir un chèque ou écrire une lettre d’amour.
On souhaiterait cependant suivre davantage ce petit groupe de personnes au fil des mois, voire des années, ainsi que d’autres groupes dans d’autres associations ou centres de formation afin de comprendre de manière plus fine et nuancée la complexité des rapports entre lecture, écriture et parole. On voudrait également saisir davantage les ficelles du monde associatif ainsi que les parcours et les choix des formateurs bénévoles qui « donnent de leur temps ».
 

De fragiles moyens de lutte

Le reportage souligne d’ailleurs, presque malgré lui, lors d’une scène furtive de réunion au sein de l’association, la fragilité des moyens mobilisés pour ce genre d’enseignement qui ne repose pratiquement que sur le monde associatif et par conséquent sur le bénévolat.
Il évoque ainsi la grande faille du système éducatif en France et l’abandon des institutions dont ont souffert – et souffrent encore – de nombreuses personnes. Les bénévoles jouent certes un rôle important dans le mieux-être des personnes fragilisées, et leurs efforts ne sont certes pas vains, mais leur travail ne suffit pas.
La lutte contre les illettrismes est un enjeu extrêmement sérieux car elle touche la définition même de l’existence de l’être dans notre société. C’est donc un enjeu qui doit être appréhendé avec sérieux, humour et amour, comme nous l’enseigne la fille d’une des femmes du groupe. Du haut de ses 16 ans et en terminale L, elle déclare entre rires et larmes que sa mère, dont le vocabulaire s’est notablement enrichi, jouit d’une « plus grande présence » et se voit enfin « exister ».

Sai Beaucamp Henriques

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• Selon l’Insee, le nombre de 18-65 ans illettrés en 2011 était de 2, 5 millions de personnes (7 % de la population). Le Nord connaît la plus forte proportion.
• Dis-moi comment tu écris, je te dirai qui tu es, par Sai Beaucamp Henriques.
 Illettré, ça prend un ou deux « t » ?, par Sai Beaucamp Henriques.
 

Sai Beaucamp Henriques
Sai Beaucamp Henriques

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