Face aux astéroïdes, la défense planétaire s’organise

Lauréat, le 23 juin, du concours Chasseurs d’actu, dans la catégorie « Chasseurs confirmés » et la rubrique « synthèse », cet article rédigé par deux collégiens s’intéresse à la menace que font peser les astéroïdes sur la Terre. Comment prévenir d’éventuels chocs à venir ?

Lauréat, le 23 juin, du concours Chasseurs d’actu, dans la catégorie « Chasseurs confirmés » et la rubrique « synthèse », cet article rédigé par deux collégiens s’intéresse à la menace que font peser les astéroïdes sur la Terre. Comment prévenir d’éventuels chocs à venir ?

Par Yamine Mourchidi et Gaëtan Pons-Albertini du collège Antoine Risso à Nice

Fin novembre 2021, la mission DART, développée par la NASA, faisait décoller une sonde avec l’objectif de dévier un astéroïde de sa trajectoire. L’astéroïde visé ne menace pas directement notre planète, cette mission est un test grandeur nature dont le but est d’expérimenter la possibilité de protéger la Terre d’une éventuelle collision dans le futur.

Notre Terre serait-elle menacée, à plus ou moins long terme, par les astéroïdes ?

Pour en savoir plus sur ce sujet, nous avons contacté Patrick Michel, astrophysicien, directeur de recherche au CNRS à l’observatoire de la Côte d’Azur et spécialiste mondial des astéroïdes. Patrick Michel participe notamment aux recherches menées par l’ESA (Agence Spatiale Européenne) dans le cadre de la mission Héra, qui fait suite à la mission DART.

Pour Patrick Michel, étudier les astéroïdes a plusieurs objectifs : non seulement, leur étude permet de mieux comprendre la formation des planètes et l’émergence de la vie sur Terre, mais elle permet aussi de s’en protéger, de prévenir la menace d’une collision et d’élaborer des stratégies de protection de la planète. C’est dans ces deux objectifs que se situent les missions DART et Héra.

La défense planétaire, à l’origine, une préoccupation européenne

Les Européens sont les premiers à concevoir des missions qui s’intéressent aux astéroïdes au début des années 2000. C’est d’abord avec la mission Don Quichotte que l’ESA veut démontrer qu’il est possible de dévier un astéroïde géocroiseur qui menacerait la Terre. Aujourd’hui, la Nasa et l’ESA travaillent conjointement sur ces missions. « DART et Héra sont les enfants de Don Quichotte. »

Patrick Michel était présent lors du lancement de la sonde DART. Partie en novembre 2021, elle devrait atteindre son objectif le 26 septembre 2022. Héra aurait dû arriver avant DART sur l’astéroïde pour être présente au moment de l’impact. Faute de décisions prises dans les temps par l’ESA, elle partira finalement après, « mais cela n’est pas grave, elle partira en 2024 et arrivera fin 2026, tout ce qu’il y a voir sera encore visible », précise-t-il. C’est bien là l’essentiel, car Héra doit mesurer trois choses : la taille du cratère, la déviation produite et les propriétés physiques de l’astéroïde.

« Héra va faire des choses tout à fait nouvelles, c’est la première fois qu’on va mesurer la structure interne d’un astéroïde, est-ce une roche monolithique, un agrégat, est-il vide à l’intérieur ? On va pouvoir répondre à plusieurs questions en même temps ! »

Les astéroïdes, mémoire de l’histoire des planètes

Les astéroïdes sont des petits rochers provenant des restes des matières qui ont formé les planètes, « eux n’ont pas eu la chance de finir dans une planète ». Ces rochers sont d’une grande diversité de composition, ils sont riches en matériaux : méthane, carbone, matières organiques, minéraux hydratés et même en glace. Et ils nous renseignent sur la formation planétaire. La plupart des astéroïdes se trouvent dans la ceinture d’astéroïdes entre Mars et Jupiter, ils ne risquent donc pas de croiser l’orbite de la Terre

Une population de géocroiseurs estimée à des milliers

La population des astéroïdes géocroiseurs, c’est-à-dire ceux dont l’orbite croise celle de la Terre – ou en est proche -, est estimée à un millier pour les objets avec un diamètre de plus d’un km, plus de 90 % d’entre eux sont recensés. Ceux qui font 140 mètres de diamètre sont estimés à 20 000, plus on descend en taille on arrive à la centaine de millier et au million d’objets.

« Un kilomètre de diamètre, c’est le seuil de catastrophe à l’échelle de la planète : ces astéroïdes-là sont tous connus et répertoriés et aucun ne nous menace. On cherche à faire l’inventaire de tous les objets qui font 140 mètres de diamètre car c’est le seuil d’une catastrophe à l’échelle d’une grande région voire d’un pays, selon la vitesse avec laquelle l’astéroïde percuterait la Terre. Nous ne connaissons que 40 % des astéroïdes de cette taille-là. » Mais les statistiques sont rassurantes quant à la probabilité que de gros astéroïdes ne touchent la Terre, car la fréquence d’impact est faible.

Des tonnes de poussière d’astéroïde tombent sur Terre

Tous les jours, des astéroïdes sous forme de poussière tombent sur Terre : « On compte environ 10 000 tonnes de poussières d’astéroïdes qui entrent dans l’atmosphère chaque année ».

Les fréquences diminuent avec la taille. Pour un objet d’une vingtaine de mètres, cela arrive environ tous les siècles. « C’est ce qui s’est produit en 2013 en Russie au dessus de la ville de Tcheliabinsk » où l’explosion d’un astéroïde avait fait l’effet de 35 bombes atomiques et les déflagrations avaient blessé plus de mille personnes. En 1908, un astéroïde avait explosé au-dessus de la Sibérie et avait pulvérisé 2000 km2 de forêt, un événement de ce type arrive environ tous les 1000 ans. Pour un astéroïde de 140 mètres de diamètre, cela se produit tous les 15 000 ans. Un objet de 10 km, qui est la taille de celui qui a provoqué l’extinction des dinosaures, arrive tous les 100 millions d’années. « Mais la Terre est en majeure partie désertique, c’est une chance, seuls quelques pour-cents de la Terre sont habités, c’est ce qui explique pourquoi c’est souvent la Russie qui subit ce type d’événement, car c’est un des plus grands pays au monde. »

Avoir un plan pour les générations futures

Si les fréquences d’impacts rentrent en ligne de compte et qu’une catastrophe à l’échelle d’un pays ne se produit que tous les 15 000 ans en moyenne, il vaut mieux être prêt avant d’en avoir besoin. « On cherche à fournir aux générations futures un plan déjà robuste en cas de menace réelle ». Toutes ces étapes préalables de recherche prenant beaucoup de temps – il a fallu 20 ans pour monter la première mission test de déviation -, « mener ces recherches, c’est un peu comme offrir une assurance vie pour le futur. »

Le risque d’impact : une menace à laquelle on sera confronté

Car c’est une certitude, l’impact d’un astéroïde se reproduira sur la Terre « un jour ça arrivera, les dinosaures en savent quelque chose ». Mais ce n’est pas pour tout de suite, on parle de très long terme. Dans cette optique, il faut s’organiser et prévoir. « On est un peu dans la même problématique que la pandémie de Covid, elle avait peu de probabilité d’arriver, les scientifiques en parlaient mais personne ne s’en occupait vraiment et, quand c’est arrivé, on a vu qu’il n’y avait pas d’organisation mondiale, les scientifiques se sont contredits, la gestion a été très compliquée. » Être pris au dépourvu, c’est ce que Patrick Michel et les scientifiques essaient d’éviter. Pour cela, bien sûr, la science est indispensable, mais il faut aussi une réflexion politique, pour savoir qui doit prendre les décisions, et sociétale, pour savoir comment prévenir la population de ce qu’il se passe. L’ONU s’occupe de proposer une réponse internationale coordonnée, mais « nous n’y sommes pas encore ».

Don’t look Up, un scénario pas si improbable

Le scénario du film Don’t look up n’est pas complètement impossible même s’il est très peu probable. Dans le film, c’est une comète et non un astéroïde qui menace la Terre. « Si on connaît bien les astéroïdes, les comètes, elles, ne sont découvertes que lorsqu’elles ont passé Jupiter, et entre le moment où on les découvre et le moment où elles nous tomberaient dessus, il reste alors à peu près un an. »

Ce film montre surtout la difficulté qu’ont les scientifiques à communiquer lorsqu’ils découvrent quelque chose. Il interroge sur les possibilités qu’ont les scientifiques d’atteindre les personnes qui vont prendre les décisions qui s’imposent. « À titre d’exemple, en 2019, on a découvert un très gros astéroïde, Apophyse, et on pensait qu’il allait percuter la Terre en 2029, nos premiers calculs donnaient une probabilité d’impact avec la Terre très forte, la question s’était posée de savoir qui prévenir et nous ne savions pas ! ». Depuis, les scientifiques ont refait leurs calculs et cet astéroïde se contentera de frôler notre planète.

Aujourd’hui, dans un tel scénario, les décisions à prendre sont connues : « Nous avons un protocole qui permet, si ça arrivait, de pouvoir rapidement passer la communication par les bons canaux et d’informer le public de manière cohérente. On aurait quelques années pour monter une mission, les personnes sont identifiées, on pourrait facilement proposer quelque chose et le mettre en œuvre mais la technologie, elle, n’est pas encore testée. » D’où l’importance de ce test grandeur nature mené avec DART et Héra. « Si DART et Héra ne marchent pas, on reverra notre copie ! »

D’ailleurs, en 2026, un télescope spatial sera envoyé dans l’espace. En dix ans, il fera l’inventaire de tous les objets de plus de 140 m de diamètre, « on aura alors une connaissance bien meilleure ». Voilà de quoi être rassuré.

Y. M. et G. P.-A.

Cet article a été initialement publié sur la page du concours Chasseurs d’actu.

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