Groupes de niveau au collège :
le nouveau choc

Les chefs d’établissement planchent sur les plannings de rentrée qui doivent intégrer les « groupes de niveau » en français et en maths pour les élèves de sixième et cinquième, décidés par Gabriel Attal en décembre. Ce dispositif, sans assise scientifique, s’inscrit à l’opposé des groupes de besoins ciblés et provisoires, et se voit imposé sans cadre et à moyens constants.
Par Marie-Astrid Clair, professeure de lettres (Paris)

Les chefs d’établissement planchent sur les plannings de rentrée qui doivent intégrer les « groupes de niveau » en français et en maths pour les élèves de sixième et cinquième, décidés par Gabriel Attal en décembre. Ce dispositif, sans assise scientifique et qui diffère des groupes de besoins ciblés et provisoires, se voit imposé sans cadre et à moyens constants.

Par Marie-Astrid Clair, professeure de lettres (Paris)

« École, collège, lycée : mon souhait est bien de remettre de l’exigence à tous les étages. Avec la science et le bon sens comme boussole. » La punchline est réussie. Difficile d’y trouver à redire.

Pourtant, quelques esprits chagrins ont pu se demander ce qui se cachait exactement derrière les termes « science » et « bon sens » utilisés par Gabriel Attal dans sa communication du 5 décembre dernier, intitulée « choc des savoirs ». De même, certains ont pu s’étonner qu’il faille re-mettre de l’exigence à tous les étages, comme si l’attention portée par les anciens ministres Jean-Michel Blanquer, puis Pap N’Diaye, aux savoirs fondamentaux n’avait pas porté ses fruits ou qu’il fallait rompre avec un état antérieur moins exigeant.

Le dossier de presse publié en ligne[1] par le ministère permet d’y voir plus clair et de comprendre pourquoi un tel choc est nécessaire. Ce dossier d’une trentaine de pages se compose de deux parties : les résultats d’abord, les mesures ensuite, et plus loin, parmi lesquelles les controversés groupes de niveau en maths et français en sixième, cinquième l’an prochain, puis quatrième et troisième l’année d’après. Quant aux moyens donnés pour appliquer ces mesures, ils ne font pas l’objet d’une troisième partie.

La partie « Résultats » s’appuie notamment sur l’enquête internationale Pisa (programme international pour le suivi des acquis), ainsi que sur une consultation intitulée « Exigence des savoirs » adressée par mail lors des vacances de la Toussaint, et que beaucoup d’enseignants et plusieurs syndicats ont décrite comme un questionnaire orientant « vers des réponses déjà connues[2] ».

Dans le dossier de presse, plusieurs chiffres sont mis en exergue. Le premier est un constat pessimiste : 64,9 % des répondants à cette consultation (à 95,8 % enseignants) ont le sentiment de ne pas être en situation d’aider leurs élèves à progresser. Pourquoi ? Le dossier de presse ne le dit pas. Mais la question suivante permet aux personnes interrogées de formuler des souhaits :

© Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse

On notera que les trois souhaits les moins représentés appellent de leurs vœux plus de formation (54,4 % en cumulé), alors même que la formation continue dans le second degré n’a quasiment plus cours, déplacée en dehors du temps scolaire à la rentrée 2023. Quant à la réponse qui reçoit le plus haut score, « pouvoir mieux différencier mes enseignements », faut-il en déduire que tous ceux qui l’ont choisie souhaitaient pour cela les groupes de niveau annoncés par la suite ?

À l’heure de l’inclusivité, l’école a mené au bac (général, technologique ou professionnel) 578.000 élèves en 2023, lorsqu’ils étaient 237.000 en 1970 et 32.000 en 1960. Nul ne pourra dire que cette démocratisation des études s’est faite sans heurt, ni qu’elle ne nécessitera pas encore beaucoup de réflexion et d’améliorations. Mais s’agit-il ici de différencier les apprentissages au sein d’une même classe, d’un même cours ou de séparer les élèves selon leurs résultats ? On voit bien qu’il ne s’agit pas du même positionnement dans les deux cas.

Défendre la coopération entre élèves

Dans le dossier de presse encore, un diagramme répond à une autre question : « Quels leviers vous semblent les plus efficaces pour élever le niveau scolaire des élèves ? » (mais pourquoi deux ?). Selon les réponses, le travail par groupes de besoins semble plébiscité, comme le souligne le sous-titre : 81,2 % des répondants seraient favorables ou très favorables à la mise en place de groupes de besoins au collège.

© Ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse

On pourra calculer que 85,8 % des interrogés sont favorables ou très favorables à la coopération (sic) entre élèves. Que cache cette expression ? Sans doute l’inverse du principe de groupes de niveaux, car la coopération des élèves c’est le tutorat entre élèves, le soutien entre pairs ou la formation de groupes de travail hétérogènes qui bénéficient à tous, aux plus fragiles comme aux plus performants, car on ne maîtrise jamais un sujet aussi bien que lorsqu’on doit l’expliquer à un ou une camarade. C’est d’ailleurs ce que l’on observe lors des heures de devoirs faits, outil de lutte contre les inégalités scolaires mis en place par Jean-Michel Blanquer et plébiscitées à 80,2 %.

Les études internationales et nationales citées dans le dossier mettent trois conclusions en avant :

  • le niveau des élèves progresse au primaire grâce à l’effort d’investissement massif conduit depuis 2017 ;
  • les résultats de Pisa 2022 confirment la baisse du niveau des élèves français au collège ;
  • les évaluations nationales et internationales démontrent la nécessité d’une réforme du collège.

Le détail du dossier de presse est plus nuancé, rappelant que les résultats de tous les pays de l’OCDE ont vu leurs résultats chuter à cause du Covid-19. « En culture mathématique, les résultats des élèves français se situent dans la moyenne de l’OCDE, à un niveau similaire à celui de l’Allemagne et de l’Espagne, mais reculent de 21 points en dix ans […] En compréhension de l’écrit, les élèves français voient leurs résultats baisser de 19 points et rejoindre la moyenne de l’OCDE. » Là encore, la France n’est pas seule concernée : « Seul le Japon voit ses résultats progresser depuis 2018. » En revanche, « La part des élèves français en difficulté augmente de 6 points, avec une corrélation importante entre performance en compréhension de l’écrit et origine socio-économique. »

L’inégalité de réussite entre les élèves issus de différents groupes sociaux, voilà en effet le point où la France est championne, comme le révèle le dossier « Choc des savoirs » : « Notre pays demeure, quant à lui, marqué par de fortes inégalités : si les élèves de seconde générale et technologique présentent des résultats comparables aux pays les plus performants, comme la Suisse ou l’Estonie, les élèves de seconde professionnelle présentent des résultats compris entre ceux du Mexique et du Chili. »

On pourra aussi se reporter à une feuille de route récente du ministère intitulée « Favoriser la mixité et scolaire dans l’enseignement » : « La France est l’un des pays de l’OCDE où les déterminismes sociaux pèsent le plus sur la réussite scolaire des élèves. L’insuffisante mixité scolaire nuit à la réussite de tous les élèves et à la promesse d’égalité des chances de l’École républicaine[3]. »

Ce n’est pas nouveau puisque Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’Éducation nationale, le pointait déjà en 2015 dans un rapport consultable en ligne, «Grande pauvreté et réussite scolaire – Le choix de la solidarité pour la réussite de tous ». Différents leviers d’action y étaient proposés : une concentration des efforts et des moyens avec, notamment, le maintien de la priorité à l’école primaire, le meilleur accompagnement des élèves défavorisés dans leur travail personnel, une pédagogie explicite au service de la compréhension, la coopération au service des apprentissages, une formation initiale et continue dédiée à la réussite de tous les élèves.

L’exigence pour tous plutôt que la réussite pour tous

Certaines de ces propositions ne sont pas restées lettres mortes. Toutefois, la lutte contre « les fatalités de destin », pour reprendre l’expression de Gabriel Attal dans sa lettre de saisine du Conseil supérieur des programmes[4], n’est pas encore gagnée. Quelles sont donc les mesures préconisées par le ministre de l’Éducation nationale, lors de sa conférence de presse « Choc des savoirs » ?

Plutôt que la réussite de tous, c’est l’exigence pour tous qui est mise en avant. Pour l’élévation du niveau des élèves, les programmes de cycle 2 en français et en maths vont être réécrits pour la rentrée 2024. Pour 2025, de nouveaux programmes verront le jour en français et mathématiques de cycle 3, et pour les langues vivantes de la sixième à la terminale, ainsi qu’un nouveau programme de maths au lycée, en seconde et première en tronc commun. Une refonte du socle est également annoncée pour 2025, avec l’introduction des compétences psychosociales parmi lesquelles la confiance en soi ou l’organisation du travail.

Les programmes seront plus lisibles, centrés non « sur ce que le professeur doit enseigner », mais « sur ce que l’élève doit apprendre ». Ils constitueront « un appui indispensable pour la mise en œuvre d’une prise en charge différenciée au sein de la classe ». Quant au Conseil supérieur des programmes, il a bien été saisi. Il s’est même exprimé dans un « Avis sur l’organisation des enseignements au collège » qui semble annoncer à bas bruit la fin du collège unique – alors même qu’il n’était déjà pas vraiment unique, comme le rappelle Jean-Paul Delahaye dans un billet de blog paru sur Mediapart le 4 février dernier[5].

Comment cette prise en charge différenciée des élèves de sixième et de cinquième se traduira-t-elle à la rentrée prochaine ? Les chefs d’établissement doivent prévoir des « groupes de niveau » en français et en mathématiques. Le dossier de presse précise, mais sans donner de contraintes ou d’indications supplémentaires : « Ces groupes seront flexibles et leur dimension adaptée : des créations de postes permettront de limiter le groupe des élèves les plus en difficulté à une quinzaine d’élèves. »

Or, les dotations horaires globales (DHG) dévolues à chaque établissement scolaire d’enseignement secondaire (EPLE) ont été données fin janvier par les différentes directions des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN). Cela semble technique, mais c’est le nerf de la guerre puisqu’il s’agit des moyens horaires qui permettent, par exemple, les dédoublements en demi-groupes en français, en maths, en sciences ou en langue vivante, selon la répartition décidée localement en conseil d’administration. Ces moyens autorisent aussi, par exemple, de prendre sur la marge pour financer des ateliers d’éducation aux médias et autres dispositifs d’enseignement qui ne peuvent pas être « pactés ». La dotation horaire globale permet en effet de répondre aux horaires plancher minimum décidées nationalement pour chaque classe, mais elle comporte généralement un excédent qu’on appelle la marge. C’est sur cette dernière que sont financés les demi-groupes, mais aussi les ateliers d’éducation aux médias…

Les réorganisations annoncées se feront donc « à moyens constants » : la création d’au minimum un groupe de français et un groupe de maths supplémentaire par niveau de sixième n’a pas entraîné l’ajout de moyens correspondants. Les heures de demi-groupes sont donc fortement menacées, y compris en français et en maths, en éducation prioritaire comme ailleurs. Les demi-groupes et enseignements optionnels, comme le latin ou les dispositifs évoqués précédemment, sont menacés à court ou moyen terme.

En l’absence de décret publié, les consignes paraissent souples, pour ne pas dire floues. Une chose est sûre : en sixième et en cinquième, les élèves auront toujours une classe l’an prochain mais, comme au lycée, avec les enseignements de spécialités, ils rejoindront pour les heures de français et de maths d’autres d’élèves venus d’autres classes, regroupés selon leurs niveaux dans ces deux matières.

Des groupes fragiles, intermédiaires, performants

Les professeurs de français comme de maths de sixième et de cinquième n’auront donc plus affaire à des classes mais à des groupes qui, dans l’idéal, devraient rester souples, changeant à chaque période, en fonction des évolutions des uns et des autres. Un groupe d’élèves dit fragiles sera obligatoirement composé de quinze élèves maximum, selon les résultats des évaluations nationales de sixième. Cela aura le mérite d’être plus impartial que le jugement subjectif de son professeur de CM2 ou de sixième. Mais quid de l’élève qui ne maîtrisait pas l’outil informatique sur lequel il devait saisir ses réponses à l’évaluation nationale ?

Et que se passera-t-il pour les élèves porteurs de handicap, qu’ils soient inclus dans les classes avec un PAP (plan d’accompagnement personnalisé) ou rattachés à une Ulis (unité localisée pour l’inclusion scolaire) ou à une UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) ? Où seront l’an prochain les élèves à besoins particuliers ? Ces élèves pourront-ils se dire inclus s’ils remplissent à eux seuls ou presque le groupe de français ou de maths ayant les résultats les plus bas ?

Les élèves seront-ils dupes des numéros 1, 2 ou 3 qu’on attribuera sans doute à leur groupe ou rejoindront-ils des regroupements aux noms plus exotiques : requins, dauphins, baleines ou poissons, comme cela s’est parfois vu dans des groupes de natation ?

La complexité des emplois du temps à venir inquiète également les chefs d’établissement. Pour des raisons évidentes, il leur paraît difficile de créer des groupes de maths différents des groupes de français.  seront placés les bons en maths et moins bons en français ? Par ailleurs, être qualifié « d’élève fragile » est-il moins blessant que « faire partie des faibles » ? L’élève concerné trouvera-t-il cela vraiment motivant ? Se voir classer parmi les « performants » aidera-t-il à développer l’empathie dont Gabriel Attal défend justement l’enseignement dès la rentrée prochaine dans le primaire ?

Agnès Florin, professeure émérite de psychologie, a mis en avant l’influence des dimensions conatives en éducation, la conation relevant de l’élan, de ce qui pousse l’élève à agir. À l’origine de l’expression « école de la confiance », elle retient pour sa part la confiance que l’élève doit avoir en lui-même pour réussir, soit l’estime de soi, le sentiment d’auto-efficacité, la motivation pour mieux faire. Les groupes de niveau motiveront-ils davantage les élèves, et si oui, lesquels ?

Des groupes de besoins aux groupes de niveaux

Dans les résultats de l’enquête « Exigence des savoirs », réalisée en octobre, les personnels de l’éducation pouvaient trouver souhaitable de mettre en place des « groupes de besoin » permettant de répondre à un objectif précis pour l’élève et dans une durée limitée. Il n’était pas question alors des « groupes de niveau » décrits dans le dossier de presse de décembre.

Certes, selon la consultation menée par mail par le ministère, 80 % des répondants soulignent la nécessité de trouver une organisation des enseignements différente pour gérer l’hétérogénéité des élèves. Souhaitaient-ils pour autant adopter dès 2024 « trois groupes de niveau » au sein de chaque classe ?

Comment cela se traduira-t-il dans les emplois du temps ? Faudra-t-il obligatoirement cinq professeurs de français différents pour quatre classes de sixième, avec des emplois du temps alignés pour permettre aux élèves de glisser d’un niveau à l’autre en fonction d’évaluations communes, comme cela semble préconisé ? Qui choisira le niveau de classe dans lequel tel ou tel professeur enseignera ? Les équipes enseignantes ? Le chef d’établissement ? Ou y aura-t-il un tirage au sort ? Le travail sera certainement plus aisé avec les groupes les plus avancés, mais le travail plus complexe mené avec des élèves ayant plus de difficultés sera-t-il valorisé d’une manière ou d’une autre ? Y aura-t-il des formations proposées, et quand ? Quid des collèges d’éducation prioritaire où le ratio d’élèves en difficulté est bien plus élevé qu’ailleurs ?

Quelle assise scientifique pour les groupes de niveaux ?

Le ministère n’a pas produit les études scientifiques qui révéleraient les bénéfices à tirer d’un tel dispositif en France. En Suisse, Laurent Bovey résume ainsi les résultats de recherches basées sur les données Pisa : « Les pays qui ont un tronc commun long et qui limitent la séparation de certain·e·s élèves sont les systèmes les plus égalitaires et souvent les plus performants. À l’opposé, les pays qui sélectionnent les élèves tôt et séparent les élèves les plus faibles renforcent les inégalités de départ et sont au final moins performants[6]. »

Certes, au Royaume-Uni, les élèves fonctionnent depuis des années avec des parcours différenciés, mais au sein d’une même classe. Romuald Normand, professeur des universités, spécialisé dans l’analyse comparée des systèmes éducatifs et des politiques d’éducation, en a fait une revue de la littérature pour Le Café pédagogique[7] . Il évoque un bilan nuancé de la part de Peter Blatchford, spécialiste des groupes de niveau : « Si le regroupement tend à améliorer la réussite des bons élèves, explique-t-il, il est préjudiciable pour les plus défavorisés et ceux à besoins particuliers. »

L’avis des parents sur les groupes de niveau pourrait, à l’avenir, dépendre du groupe où se situerait leur enfant : pourquoi leur champion ou leur championne serait-il « freiné » par des élèves moins bons ? L’impression d’un partage entre bon grain et ivraie, déjà à l’œuvre lors du choix public-privé ou du passage au lycée, n’en sera que renforcée.

Par ailleurs, le dossier de presse indique que « les collégiens connaissant les plus grandes difficultés s’agissant du français et des mathématiques pourront désormais bénéficier d’une scolarité aménagée : le volume horaire de ces disciplines pourra être sensiblement augmenté, avec une réduction temporaire des cours dans d’autres disciplines. » Est-ce à dire que tous les collégiens de France n’auraient plus le même parcours, les mêmes programmes, les mêmes compétences à valider ?

Plusieurs mesures du « Choc des savoirs » concernent le diplôme national du brevet. Le ministre Gabriel Attal souhaitait le vernir d’une « véritable exigence », notamment en supprimant les consignes de correction académiques dès 2024, ce qui rendra perplexes les correcteurs du brevet. Est-ce la panacée qu’ils attendaient ? L’évaluation des compétences du socle ne rentrera plus en compte, et la place du contrôle continu sera amoindrie pour l’obtention de ce premier diplôme qui va acquérir une importance qu’il n’a jamais eu, conditionnant désormais l’entrée au lycée.

En effet, il est stipulé que « les élèves en difficulté qui n’obtiendront pas leur brevet ne feront pas leur entrée au lycée l’année suivante, mais rejoindront une classe ‘‘prépa-lycée’’ pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite ». Qui, là encore, pour se charger d’eux, au collège ou au lycée, et avec quels moyens et quelle formation pour les enseignants, volontaires ou non ?

Une chose est sûre, se félicite le dossier de presse du ministère, les élèves de seconde seront désormais accompagnés d’une intelligence artificielle qui pourra leur faire faire, à la maison, des exercices « de remédiation ou d’approfondissement en français et en mathématiques ». Et le dossier de presse d’annoncer fièrement : « La France sera ainsi le premier pays au monde à généraliser à l’ensemble d’une classe d’âge un outil d’élévation du niveau fondé sur l’intelligence artificielle. »

Un collège public plus efficace ?

Loin de prôner une position dogmatique, nombreux sont ceux qui tentent d’imaginer un collège public plus efficace, plus souple, avec des moyens pour des dispositifs de réussite et de lutte contre le décrochage. Il est vrai qu’en éducation prioritaire, les professeurs peuvent se sentir démunis devant un élève pour lequel les parents ont refusé une orientation en section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) et qui se retrouve en quatrième sans en avoir le niveau. Que faire pour cet enfant en grande difficulté scolaire ? Doit-on pour autant regretter pour lui l’orientation en cinquième qui n’a disparu qu’en 1994, vingt ans après la loi Haby sur le collège unique ?

Dans l’optique de valoriser la voie professionnelle, on pourrait plutôt, comme Jean-Paul Delahaye, déplorer la disparition de l’heure de technologie en sixième en 2023, et s’inspirer des pays du nord de l’Europe qui proposent à tous leurs collégiens un enseignement du travail manuel.

L’un des plus hauts cadres de l’Éducation nationale, Christophe Kerrero, recteur de Paris, a démissionné de ses fonctions le 2 février au moment où, selon ses mots, « notre école est en proie au doute et [où] la situation exige pourtant une mobilisation de chacun de ses acteurs ». Il prévoyait notamment de créer une classe préparatoire post-bac destinée à de futurs professeurs du premier degré, dans le prestigieux lycée public Henri IV à Paris.

Quelle école voulons-nous pour demain et quel type de société ? À l’heure où les familles à fort capital culturel font de plus en plus le choix de mettre leurs enfants dans des établissements privés, c’est la question que chacun doit se poser.

Faire bouger les lignes mais sans vouloir à tout prix un choc brutal, prendre le temps de la réflexion, favoriser la formation initiale et continue, revaloriser la rémunération des acteurs de l’éducation, faire réussir les élèves les plus défavorisés pour le bien de tous, voilà, par exemple, ce que peut souhaiter un professeur en éducation prioritaire.

M.-A. C.


Notes

[1] https://www.education.gouv.fr/choc-des-savoirs-une-mobilisation-generale-pour-elever-le-niveau-de-notre-ecole-380226
[2] https://www.cafepedagogique.net/2023/10/30/exigence-des-savoirs-un-questionnaire-tres-oriente/
[3] https://www.education.gouv.fr/favoriser-la-mixite-sociale-et-scolaire-dans-l-enseignement-378134
[4] https://www.education.gouv.fr/le-conseil-superieur-des-programmes-41570
[5] https://blogs.mediapart.fr/delahaye-jp/blog/030322/contribution-la-reflexion-sur-le-college-unique https://blogs.mediapart.fr/delahaye-jp/blog/040224/avis-de-tempete-sur-le-college-unique
[6] Laurent Bovey, chargé d’enseignement à la Haute École pédagogique du canton de Vaud, « Entrée à l’école des inégalités : quand la précarité scolaire redouble la précarité sociale », Revue [petite] enfance, n° 140, janvier 202
[7] Peter Blatchford cite par Romuald Normand https://www.cafepedagogique.net/2024/01/30/groupes-de-niveau-revue-de-litterature-internationale/


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Marie-Astrid Clair
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