La France mauvais élève : le regard de l'OCDE sur l'éducation
Une pratique largement répandue, de l’école élémentaire à l’université, consiste à procéder, la semaine de la rentrée, à divers tests pour évaluer le niveau de ses élèves ou étudiants. Façon de comparer les générations, de mesurer l’étendue des besoins, de créer de la motivation et de dessiner une première image – provisoire et relative – de sa classe ou de son amphi.
À sa façon, l’OCDE, en nous livrant ces jours-ci son rapport, Regards sur l’Éducation, a repris, à plus grande échelle, le rituel. Or ce test de rentrée entre 34 pays (en gros, l’effectif d’une classe), se révèle désastreux pour la France appelée à jouer le rôle peu enviable de mauvais élève.
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Trois défaillances nationales
Sans reprendre dans le détail les divers indices qui permettent d’aboutir à une aussi affligeante conclusion, relevons trois de ces défaillances nationales.
• Premier point, le taux de scolarisation des 15-19 ans, en France, est en baisse de 5 points, passant, en dix ans, de 89 % à 84 %. Recul qui doit être lié à cet autre chiffre, bien connu, le nombre d’adolescents quittant l’enseignement secondaire sans qualification, et qui s’élève chez nous à plus de 130 000. Comme la tendance se poursuit dans le supérieur (avec la tranche d’âge des 20-29 ans), c’est 200 000 jeunes qui se lancent dans la vie sans diplôme. Et qui souvent viennent grossir le nombre, déjà élevé, des chômeurs.
• Deuxième échec : l’école républicaine l’est de moins en moins. Elle ne remplit plus (ou plus assez) sa mission intégratrice qui lui a permis, pendant des décennies, d’amener les enfants d’origine étrangère à s’approprier la culture de notre pays afin d’y trouver leur place. Elle est également inapte à faire fonctionner ce que l’on nomme traditionnellement l’« ascenseur social », machine à corriger les inégalités liées au milieu social et culturel. Aujourd’hui, au contraire, les enfants issus de famille aisée ont infiniment plus de chance de réussir leur scolarité (et leur vie) que ceux des milieux défavorisés. En refusant la mixité culturelle, en abolissant ou assouplissant la carte scolaire, en affectant dans les établissements « sensibles » de jeunes enseignants inexpérimentés, l’institution interdit (ou au moins ne favorise pas) la promotion sociale. Et ce ne sont pas les quelques initiatives de « discrimination positive » qui peuvent corriger la tendance.
• Troisième motif d’étonnement, voire d’indignation : l’investissement financier en matière d’éducation. Les chiffres, là encore, sont cruels, puisque la France se situe bel et bien au dernier rang des pays de l’OCDE pour les dépenses éducatives. Notre pays consacre environ 1 000 € de moins par élève et par an pour l’école que la moyenne des autres pays. Ou, pour donner une autre statistique, la part du PIB consacrée à l’éducation était de 7, 3% en 2000, elle est tombée à 6, 8% en 2008. Il n’est ni anecdotique, ni démagogique de mentionner que, dans le même temps, le salaire des enseignants a reculé, et qu’il se situe, actuellement, de 3 000 à 5 000 € annuels en dessous de celui des autres pays industrialisés.
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Une analyse objective
Ces données inquiétantes, rappelons-le, ne sont pas issues du programme gauchisant de tel ou tel parti d’opposition, mais émanent d’une source neutre, indépendante et reconnue. Même si elles recoupent les analyses d’un rapport proposé par le pôle éducation de la Fondation Terra Nova, proche du PS, dirigé par François Dubet et Ismaël Ferhat, qu’on aura intérêt à parcourir.
À la suite du test de rentrée, l’enseignant responsable, le plus souvent amoureux de son métier, se réjouit du résultat des meilleurs et décide de venir en aide à celui qui a montré des retards ou des lacunes. De la même manière, on ne peut accepter d’abandonner le cancre à son triste sort quand celui-ci est un pays développé dont toute l’histoire révèle de prodigieuses capacités à “transformer le monde” et à “rendre les gens heureux”. La tâche sera rude. Mais les moyens existent. Il faudra y revenir.
Yves Stalloni
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• Consulter le site de l’OCDE et le rapport complet.
• Le rapport de François Dubet et Ismaël Ferhat : École 2012 : Faire réussir tous les élèves.