Quinze jours ou l’allumage raté des concours

Le délai supplémentaire de 15 jours pour s’inscrire aux concours de l’enseignement 2023 sonne comme une blague ou une provocation : quel indécis se précipiterait dans cette bataille quand les recrutements express, sans concours ni préparation, se multiplient ?

Par Pascal Caglar, professeur de lettres

Le délai supplémentaire de 15 jours pour s’inscrire aux concours de l’enseignement 2023 sonne comme une blague ou une provocation : quel indécis se précipiterait dans cette bataille quand les recrutements express, sans concours ni préparation, se multiplient ?

Par Pascal Caglar, professeur de lettres

Sans bruit ni commentaire, la date limite d’inscription aux concours de recrutement 2023, initialement arrêtée au 21 novembre, vient d’être reportée au 2 décembre. Soit quinze jours supplémentaires « pour permettre à un maximum de candidats de s’inscrire ». Comprenons : « pour permettre aux concours de garder un minimum de sens ».

Manifestement, il n’y a pas foule au portail des inscriptions. Et pourquoi y aurait-il foule ? Par quel miracle la tendance se serait-elle inversée ? Du reste, le ministère, si préparé à cette pénurie croissante de candidats, n’a pas même pris la peine d’annoncer le nombre de postes mis au concours. D’ordinaire, on connaît à l’inscription le nombre de postes et l’on peut estimer ses chances de réussite. Mais, pour cette session, on pouvait lire dès le mois d’octobre, sur le site du ministère : « Le nombre de postes offerts aux concours du Capes de la session 2023 n’est pas encore connu. La répartition par sections et options des postes sera publiée au plus tard la veille de la première épreuve d’admissibilité. » En d’autres termes, prudence et réactivité :  ne pas se ridiculiser si le nombre de postes s’avérait finalement à peu près égal au nombre de candidats (voire moindre). Et pour cela : attendre…

Pourquoi attendre ?

Attendre les candidats. Leur laisser, donc, quinze jours de plus… Qui peut croire que des indécis, des étourdis, des ouvriers de la onzième heure vont se précipiter sur Cyclades, le site d’inscription aux précieuses épreuves ? Qui peut croire que ce délai supplémentaire, loin d’être un geste courageux et désespéré pour sauver les Capes, est au contraire une manière de remettre sur la table la désaffection des concours et l’urgence de les réformer ? Une manière de ressortir le job dating, ce 49.3 de l’Éducation nationale qui pourrait refaire son apparition dès le printemps prochain. Car il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de sursaut : pourquoi gravir un col quand une voie a été ouverte dans la vallée ? Pourquoi tenter un concours quand un recrutement express est une alternative qui semble faire ses preuves ?

Il y a pourtant bien une réflexion à mener sur les concours, leur avenir, leur nécessité, leur efficacité. Peut-être sont-ils à relativiser, à désacraliser. L’accès à l’enseignement supérieur lui-même ne fait pas un dogme des concours : en matière de recrutement, on peut être ATER et enseigner à la fac, sans avoir passé de concours ; on peut même être maître de conférences et ne pas avoir le Capes, et, comble d’ironie, les PRAG (professeurs agrégés) sont les plus méprisés des enseignants à l’université.

Repenser le recrutement

S’il est bien vrai que les temps changent, que la sociologie du corps professoral évolue, que les modes de recrutement se diversifient, que les missions des enseignants se complexifient, que le monde de l’éducation n’est plus ce qu’il était à la création du Capes dans les années 1950, peut-être le temps est-il venu de repenser le recrutement. Et se donner pour cela un peu plus de quinze jours.

Dans son article intitulé « La création du Capes (1950-1952), révolution ou innovation contrariée ? » et publié dans la revue Carrefours de l’éducation (n°41, 2016), l’historien Yves Verneuil montre la méfiance et les réserves suscitées par une nouvelle forme de recrutement en rupture avec les pratiques antérieures. Un problème qui, à n’en pas douter, se pose chaque fois que se manifeste une volonté d’adaptation au temps présent.

P. C.

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Pascal Caglar
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