Intelligence artificielle à l’école :
que puis-je pour vous ?

L’académie de Paris a publié un dossier sous le titre « L’intelligence artificielle dans l’éducation » qui analyse le succès de l’IA générative à l’école depuis l’arrivée sur le marché de ChatGPT. L’enseignant est contraint de se réinventer, au risque de devenir l’assistant d’une machine conditionnée par les tests internationaux.
Par Pascal Caglar, professeur de lettres (Paris)

L’académie de Paris a publié un dossier sous le titre « L’intelligence artificielle dans l’éducation » qui analyse le succès de l’IA générative à l’école depuis l’arrivée sur le marché de ChatGPT. L’enseignant est contraint de se réinventer, au risque de devenir l’assistant d’une machine conditionnée par les tests internationaux.

Par Pascal Caglar, professeur de lettres (Paris)

Le postier qui, autrefois, vendait les timbres est aujourd’hui l’assistant de la machine qui vend ces mêmes timbres. Ce transfert de compétences est un peu ce qui attend l’enseignant à l’ère prochaine de l’intelligence artificielle (IA) : son rôle sera bientôt non plus de faire cours mais d’assister la machine qui fera cours à sa place. La machine apprendra à l’élève et le professeur apprendra à l’élève à (bien) utiliser la machine.

Telle est l’une des principales conclusions d’un volumineux et passionnant dossier qui vient d’être mis en ligne sur le site de l’académie de Paris sous le titre « L’intelligence artificielle dans l’éducation ». La synthèse présentée repose sur le livre IA pour les enseignants : manuel ouvert, de Colin de la Higuera et Jotsna Lyer (Pressbook, 2024), une réflexion sur le succès fulgurant de l’IA générative à l’école depuis l’arrivée sur le marché de ChatGPT en 2022. Certes, les contributeurs de l’ouvrage répondent par un « non » unanime à la question « Peut-on remplacer un enseignant par une machine ? ». Mais on comprend que, sans être remplacé, l’enseignant n’en est pas moins appelé à être déplacé, réinventé, à travers de nouvelles fonctions qui iront bien au-delà de sa discipline. Son rôle pourrait être :

  • de former à la culture numérique, en soulevant des questions comme « Qu’est-ce qu’un algorithme ? » ; « Qu’est-ce que le machine learning, le deep learning ? » ; « Que sont des capteurs et des données ? » ; « Quels sont les risques pour la démocratie, les libertés, et l’État ? »
  • de contrôler les interactions entre l’élève et l’intelligence artificielle, en corrigeant et validant les « prompts » de l’élève (les instructions envoyées à la machine) ou encore en guidant et accompagnant les exercices de remédiation numérique ;
  • de favoriser un apprentissage personnalisé de l’élève à partir d’une progression définie conjointement avec la machine et mesuré systématiquement à coups de tests et d’autoévaluations incessantes.

Avec des enseignants plus informaticiens et des élèves plus autonomes, l’éducation irait dans le bon sens, celui de l’égalité des chances, du nivellement des différences, de la pédagogie d’assistance, et de la connaissance personnalisée.

Se réinventer en composant avec l’IA

Cette IA pédagogique idéale est loin de son usage immédiat et réducteur, celui d’assistant numérique au plagiat, la fraude ou la tricherie sans borne auquel tous, sans exception, du lycée à l’université, se sont déjà essayés. Ces dérives, les auteurs du manuel ne manquent pas de les relativiser en rappelant que l’aide aux devoirs a toujours existé sous des formes moins publiques et moins égalitaires, que l’éducation est loin de n’être qu’une affaire de devoirs écrits ou de restitution de cours, qu’il existe de plus en plus de détecteurs de contenus IA, obligeant élèves et plagiaires à retravailler personnellement leurs textes. Ils ajoutent qu’en définitive, ces menaces ne peuvent que profiter à un renouveau de la pédagogie et à une augmentation du niveau d’exigence.

Du reste, du côté des enseignants, le choc de l’IA est tout aussi ravageur et prometteur : comment ne pas s’interroger sur la transformation du métier, avec la préparation numérique de cours, de devoirs, de plans ou de séquences ? Comment ne pas penser aux effets sur la formation, le recrutement, les compétences des futurs professeurs, ainsi que sur le sens donné à leurs missions ? C’est bien l’enseignement dans son ensemble qui, peu à peu, va se réinventer, en composant avec l’intelligence artificielle.

L’expérimentation MIA Seconde

Dans son « Discours sur le choc des savoirs » à l’automne, Gabriel Attal avait annoncé, à partir de la rentrée 2024, l’introduction d’un « usage raisonné du numérique et de l’intelligence artificielle pour personnaliser les apprentissages et individualiser la progression des élèves ». L’expérimentation commence, elle s’appelle MIA seconde, elle a été conçue par une société française, EvidenceB, et propose, pour des volontaires en classe de seconde, après une série de tests de niveau, un programme gradué d’exercices destinés à faire progresser en maths et en français (en langue – orthographe et grammaire – et en compréhension de texte – restitution d’informations et rédaction). L’objectif avoué est d’améliorer le rang de la France dans les classements Pisa.

Il est triste de réduire la valeur de l’enseignement aux résultats de tests internationaux. Il est triste de parier sur des machines intelligentes plutôt que sur des certifiés ou des agrégés. Il est triste de prendre pour modèle des textes générés par des robots entretenant clichés et stéréotypes. Il est triste enfin de faire preuve d’un tel empressement pour l’IA au moment où les questions éthiques et démocratiques qu’elle soulève poussent à la prudence et signalent « des risques majeurs pour l’humanité » selon l’Unesco.

Avec l’introduction de robots conversationnels dans les salles de classe, la réflexion sur l’évolution du système éducatif ne fait que commencer. Pour ce faire, puissent nos dirigeants se tourner vers les acteurs de l’éducation plutôt que vers ChatGPT !

À consulter :

Articles de L’École des lettres concernant Chat GPT :

Réponse de ChatGPT à la question : quel avenir pour l’éducation en France ?

L’avenir de l’éducation en France dépend de divers facteurs, notamment des politiques gouvernementales, des progrès technologiques et des tendances sociétales. Voici quelques aspects qui pourraient influencer son évolution :

  1. Numérisation de l’éducation : Avec l’avancement des technologies, l’éducation en France continuera probablement à se numériser. Cela pourrait inclure l’intégration accrue des outils numériques dans les salles de classe, l’adoption de l’apprentissage en ligne et des plateformes d’éducation à distance, ainsi que le développement de programmes informatiques et de codage dès le plus jeune âge.
  2. Personnalisation de l’apprentissage : Il est possible que l’éducation en France se dirige vers une approche plus personnalisée de l’apprentissage, où les programmes sont adaptés aux besoins individuels des élèves. Cela pourrait se faire grâce à l’utilisation de technologies d’apprentissage adaptatif et de données pour suivre la progression des élèves et fournir un soutien personnalisé.
  3. Renforcement des compétences du XXIe siècle : Il y aura probablement une augmentation de l’accent mis sur le développement des compétences du XXIe siècle telles que la pensée critique, la résolution de problèmes, la collaboration et la créativité. Ces compétences deviennent de plus en plus importantes dans un monde en constante évolution et seront probablement intégrées dans les programmes éducatifs.
  4. Diversification des parcours éducatifs : On peut s’attendre à ce que les parcours éducatifs en France se diversifient, avec une reconnaissance accrue des apprentissages non formels et informels, ainsi que des options alternatives à l’éducation traditionnelle, telles que l’apprentissage par projet, l’apprentissage par l’expérience et l’apprentissage tout au long de la vie.
  5. Innovation pédagogique : L’innovation pédagogique continuera d’être encouragée, avec l’exploration de nouvelles méthodes d’enseignement et d’apprentissage, telles que l’apprentissage basé sur les jeux, les approches d’apprentissage par projet et les méthodes d’enseignement hybrides.
  6. Intégration de la diversité et de l’inclusion : Il est probable que l’éducation en France mette davantage l’accent sur l’intégration de la diversité culturelle, linguistique et socio-économique dans les programmes scolaires, ainsi que sur la promotion de l’inclusion et de l’équité dans l’accès à l’éducation.

L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Pascal Caglar
Pascal Caglar