Prérentrée de Jean-Michel Blanquer : une conférence de presse de consensus

Privilège de sa fonction, le ministre de l’Éducation nationale a effectué sa prérentrée, le mercredi 29 août, soit l’avant-veille de celle des professeurs.
Quoique bien rodé par ses prédécesseurs, ce rituel n’en était pas moins attendu par les observateurs accrédités venus en nombre Rue de Grenelle pour entendre le propriétaire des lieux formuler les bilans et perspectives de son action au terme de l’An I de son ministère.

Plaidoyer pour la confiance

Jean-Michel Blanquer a posé d’emblée son credo à valeur de ligne-force de son intervention. L’école que promeut et/ou promet son ministère se veut celle « de la confiance » : n’en déplaise aux esprits chagrins qui ne fondent selon lui leurs critiques qu’en ne tenant compte du verre à moitié vide.
À l’inverse, le ministre de l’Éducation nationale invite chaque citoyen non seulement à croire en l’école de la République mais bien aussi à parler « en bien » de leur école. D’où les manques parfaitement assumés de cette conférence de presse, comme, par exemple, la crise des vocations pour les métiers de l’enseignement, qui s’amplifie pourtant singulièrement dans certaines disciplines, notamment les mathématiques.

Les vertus de l’évaluation

Comme il en a fait l’axe premier de sa communication politique, Jean-Michel Blanquer continue d’afficher pleinement le pragmatisme qui fonde son action. Par là même, il récuse les clivages jugés partisans pour se tourner vers une approche plus objective. Selon cette perspective, articulant bilans et prospectives, il fait de l’évaluation le maître-mot du chantier entrepris depuis une année et à poursuivre sur le quinquennat.
Du côté des élèves, d’une part, l’idée est d’installer des temps d’évaluation systématique et diagnostique tout au long de la scolarité : soit au début et au milieu du CP (septembre et janvier), à l’entame du CE1, à l’entrée au collège mais aussi au départ de la classe de seconde avec la mise en place d’un « test de positionnement ».
Cette logique évaluative sera par ailleurs renforcée du côté des établissements scolaires en s’appuyant sur les services de la DEPP (Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) et de la DGESCO (Direction générale de l’enseignement scolaire). Le ministre compte construire des instruments fiables de mesure à partir de l’expérience des enseignants, de la réflexion continue des chercheurs et de la comparaison avec les autres systèmes éducatifs à l’échelle mondiale.
L’objectif visé demeure ne plus être rattrapé par des évaluations cycliques du système éducatif français et notamment du niveau des élèves (exemple des tests PISA) venues de l’extérieur mais de développer des outils d’évaluation interne annualisés et constamment actualisés.

L’école, pilier de la justice sociale

L’« école de la confiance » défendue par le ministre est censée donner la priorité aux « savoirs fondamentaux ». Il est donc naturellement entendu qu’il est de la première urgence de donner plus à ceux qui en ont le moins. D’où le satisfecit accordé à l’instauration du dédoublement en classe de CP et de CE1 et l’objectif affiché de 300 000 élèves bénéficiant de classes dédoublées en septembre 2019. Le ministre insiste d’ailleurs à plusieurs reprises sur le fait que les mesures phares de son action sont regardées avec attention dans le monde entier, contestant implicitement l’image dégradée de l’école française à l’étranger.
Prompt à décliner l’enjeu social des réformes engagées, Jean-Michel Blanquer insiste sur les plus parlantes comme le « plan mercredi » destiné à occuper de façon constructive les enfants ou encore le dispositif « devoirs faits », correspondant à quatre heures hebdomadaires hors temps scolaire, destiné à compenser les inégalités sociales face au travail personnel à la maison.
Enclin à ne pas tenir un discours différent pour les professeurs et les parents, le ministre veut souligner par ailleurs la cohérence d’une action politique prenant à bras le corps les maux de la société et ce de la maternelle au baccalauréat. L’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire à trois ans lui apparaît ainsi symbolique du bon sens de la mission qu’il s’est assigné. Confiant en la cohérence de sa démarche, il se félicite tout autant de la mise en place du dispositif « La mallette des parents » permettant des réunions en petits comités où des questions aussi sensibles que le sommeil, la nutrition ou la gestion des écrans, peuvent être posées en toute sérénité.

Scolaire et péri-scolaire

Le ministre souhaite que l’on considère la journée, la semaine voire l’année scolaire (en tenant compte des « vacances ») d’un élève dans sa globalité. En conséquence, il se charge d’insister sur le réinvestissement de son ministère dans le péri-scolaire ; d’où ses nombreux déplacements en saison estivale pour visiter les structures d’accueil profitables aux enfants les moins naturellement bénéficiaires de vacances.
Cependant, Jean-Michel Blanquer aspire à surtout montrer que son ministère est attentif à tous les sujets qui agitent aussi bien la communauté éducative que les familles ou les acteurs associatifs. La lutte contre le harcèlement est de fait instituée comme un des combats prioritaires avec la promesse d’une meilleure formation des professeurs et l’évaluation de l’action menée par les établissements dans le cadre de leur projet éducatif.
En ce qui concerne la transmission des valeurs de la République, outre le renforcement de l’ÉMC (Éducation Morale et Civique), Jean-Michel Blanquer valorise au premier chef l’action concrète des équipes « laïcité » donc la fonction est d’aller sur le terrain à la rencontre des élèves et de leurs professeurs. L’« école de la confiance » doit ainsi devenir celle du bien-être de l’élève ce qui présuppose que les élèves apprennent à mieux se connaître les uns les autres et eux-mêmes.
À cette fin, le ministre qui met en perspective l’intérêt de la réforme du baccalauréat, rappelle corrélativement que la personnalisation des parcours demeure un des maîtres-mots des actions entreprises. Soulignant avec force le lien établi avec les régions, il insiste notamment sur le fait que chaque élève de seconde doit bénéficier selon des modalités diverses de cinquante heures / année dites « d’orientation » afin de préparer son avenir.

Une démarche fédératrice

Jean-Michel Blanquer a choisi raisonnablement de ne pas braquer le corps enseignant. S’il reste peu disert sur la revalorisation globale des carrières, il est plus explicite quand il s’agit de cibler un effort économique conséquent réalisé par son ministère concernant les personnels affectés dans des établissements de REP +. À ce titre, la fonction de cette conférence de prérentrée reste bien d’annoncer les chantiers en cours sans crisper quiconque. C’est donc d’une façon extrêmement mesurée que le ministre évoque les changements à attendre dans la formation initiale et continue des enseignants dans le cadre d’une loi soumise au parlement au début de l’année 2019.
À destination des parents, il ne se montre pas moins consensuel, insistant sur le rétablissement des langues anciennes, sur le soutien aux classes bi-langues : deux sujets qui avaient fâché sous le précédent ministère.
De cette conférence de prérentrée parée de bons points et de bonnes intentions, on retiendra sa petite musique et ses refrains bien mémorisables, « école de la confiance », « renforcer les savoirs fondamentaux », « école de la justice sociale ». Comment en douter, après un an de ministère, Jean-Michel Blanquer a parfaitement appris la chanson. N’a-t-il pas d’ailleurs pris soin de commencer son discours en rappelant que la rentrée des élèves se ferait en musique et de le poursuivre en se félicitant des heures de chorale promises aux collégiens ?
Si les choristes semblent bien avoir trouvé un chef d’orchestre en la personne du ministre, il n’est pas sûr pour autant qu’à tellement gommer les aspérités de la réalité éducative française dans une conférence de presse à l’accent papal du « Ayez confiance », le propos ait fermement rassuré une communauté éducative en plein doute.

Antony Soron, ESPE, Sorbonne Université

 

Antony Soron
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