Bac de français : pour celles et ceux qui choisissent le commentaire de texte

L’épreuve de français de cet examen, qui reste le plus important de la communauté francophone mondiale, a eu lieu le 7 juin pour les élèves de première résidant à l’étranger. En France, ce sera le 15 juin. Comment faire preuve de qualités littéraires dans un commentaire ?
Par Marie-Astrid Clair, professeur de lettres (Paris)

Mercredi 7 juin 2023, les premiers candidats se sont frottés aux épreuves du bac de français, dans les centres d’examen ouverts à l’étranger. C’est l’occasion de rappeler à nos lycéennes ou lycéens que ce titre, passé chaque année dans 106 pays différents[1], n’est donc pas démonétisé et constitue bien le plus important de la communauté francophone mondiale.  C’est un diplôme de valeur reconnu internationalement[2].

Pour tous les autres élèves de première, résidant en métropole et outre-mer, le bac de français aura lieu le 15 juin prochain. Si certains braves ont sans doute commencé leurs révisions depuis longtemps, au tout début de l’année ou à l’occasion des bacs blancs, d’autres n’ont pas pris tant d’avance et ont souvent décidé, dès le début de l’année, que face aux deux sujets proposés ils choisiraient le commentaire de texte parce qu’il n’y aurait rien à réviser.

Ce n’est pas tout à fait vrai. Certes, le commentaire de texte, version plus souple du commentaire composé que nous avons connu autrefois, mettra en échec tous les pronostics. Qui pourrait deviner la nature du prochain texte à commenter ? Qui aurait parié sur l’extrait du roman Jours de colère, de Sylvie Germain, pour le bac de français de l’an dernier ? L’autrice elle-même a été étonnée de ce choix. Bien que flattée d’un honneur qui lui valut aussi bien des désagréments, elle a confié que le texte choisi ne lui paraissait pas forcément pertinent pour un tel exercice, peu révélateur de son roman et difficile à comprendre hors contexte.

Il est vrai que le commentaire de texte ne porte jamais que sur une page et, à moins qu’il ne s’agisse d’un poème donné in extenso, c’est un fragment d’œuvre qui est présenté, dont on a parfois ce qui précède mais jamais ce qui suit. Traditionnellement, il s’agit d’une « belle page » mais, parfois, elle décontenance ses commentateurs lorsqu’il s’agit d’un texte en prose au style peu spectaculaire.

Ainsi, en 2021, lorsqu’après le second confinement fut mise en place la nouvelle version du bac français, un choix était proposé aux candidats : ils devaient commenter soit une page des Choses de Perec, soit un texte poétique de Valéry Larbaud, La Gare de Cahors. Les plus prudents prirent Pérec, qu’ils comprirent sans mal, alors que le texte de Larbaud, plus difficile à appréhender, fut peu choisi. Pourtant, le texte le plus riche, le plus facile à commenter était celui de Larbaud car nourri de procédés, quand celui de Perec, description minutieuse d’un couple et de leur appartement, donna lieu à des commentaires bien plus ternes.

Difficile donc de se préparer, et impossible de tout lire, car les textes sont généralement extraits d’œuvres peu connues, comme le montrent les deux textes tombés à l’étranger le 7 juin 2023 : en voie générale, le commentaire portait sur un extrait de conte philosophique de Voltaire, Les Deux consolés, et, en voie technologique, il s’agissait d’un texte théâtral de Musset, tiré de Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée.

Observer le paratexte, repérer l’objet d’étude

N’y a-t-il donc rien à faire pour préparer le commentaire ? Certainement pas, et, à quelques jours du bac, voici les conseils à donner à toutes celles et ceux qui ne se seraient pas suffisamment entraînés. Face au texte proposé, il faudra garder son sang-froid et ne pas se lancer tout de suite dans une fausse piste. Il sera bon de bien observer le paratexte car tous les éléments donnés sont là pour aider. En premier lieu, repérer l’objet d’étude choisi : par exemple, « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle ». Attention, il ne s’agit pas de repérer dans le texte à suivre ce qui évoquerait le Moyen Âge ou toute autre époque, il est simplement question de classification et de rendre explicite le genre de texte proposé.

Repérer le genre du texte à analyser est essentiel. On n’adopte pas les mêmes réflexes face à un poème ou un texte de théâtre, un morceau de littérature dite « d’idées », un extrait de roman ou un texte autobiographique : chaque genre a ses spécificités. Ainsi, par exemple, il faudra bien identifier dans une scène de théâtre tout ce qui relève de la double énonciation, du quiproquo ou de l’aparté, et tout ce qui a trait au jeu des comédiens. De même, il faut être attentif en littérature d’idées à la nature de l’argumentation, directe ou indirecte, et selon les cas, chercher les connecteurs logiques, les figures de rhétorique et l’utilisation de l’ironie.

Ne pouvant aborder ici les différents genres et leurs spécificités, le plus simple est de renvoyer les lycéens à quatre vidéos de révision : Ce qu’il faut savoir sur la poésie, le théâtre, la littérature d’idées et le récit autobiographique, accessibles sur la chaîne Le français c’est clair. Ces récapitulatifs permettront aux élèves de se remettre les idées en place à propos de ces genres abordés depuis leur entrée en cycle 3. Ils s’apercevront que leurs connaissances sont plus vastes qu’ils ne le croient.

En outre, pour bien analyser un texte, il est bon de reconnaître les principales tonalités littéraires. Si ces mots effraient, tout est résumé dans une vidéo spécifique[3]. Après avoir réfléchi à ce que raconte le texte et à ce qu’il fait éprouver, il convient de l’observer dans le détail et de surligner tous les effets de style remarqués. Si le nom échappe, pas de panique, il est possible de les décrire avec ses propres mots. L’idéal restant de maîtriser les principales figures de style et de savoir les repérer. Pas la peine de viser l’exhaustivité et d’en apprendre des listes interminables car placer le mot anacoluthe dans un commentaire ne vaut pas un super bonus. Il est préférable de bien repérer les figures de style les plus fructueuses comme la métaphore, la personnification, l’énumération ou l’oxymore, et de ne pas s’arrêter au nom car il s’agit avant tout de décrire l’effet produit par des mots agencés par l’auteur(e)[4].

Évoquer les sons et les rythmes

De même, toutes les figures concernant les sonorités sont importantes : on ne devrait jamais commenter un texte littéraire sans évoquer au moins une fois les sons et les rythmes. Assonance, allitération, paronomase, homéotéleute, ces figures sont fréquentes, et les maîtriser permet de montrer que, face à un texte, s’exerce le sens de la musicalité.

Dans tout commentaire, les signes de ponctuation, le choix des pronoms, l’utilisation de temps et de modes verbaux sont également matière à commentaire. Si un texte contient du conditionnel, il y a de grandes chances pour qu’il révèle des rêves, des aspirations, en lien avec le subjonctif qui est le mode du subjectif, contrairement à l’indicatif, mode de la certitude et de l’objectif. Relever les champs lexicaux et les connecteurs aide à mieux comprendre l’architecture du texte.

Autre piste : ne pas hésiter à rapprocher le texte de l’examen d’autres textes que le candidat ou la candidate connaît, l’intertexte biblique est souvent fécond par exemple sans compter les grandes œuvres patrimoniales qui contiennent tout ou presque telles que l’Odyssée.

Bien sûr, il faut modaliser, c’est-à-dire affirmer avec prudence, les interprétations que l’on peut donner à tel ou tel passage. Employer plutôt des formules comme : « Il semblerait que », « Le lecteur peut ressentir », « Il y a peut-être… » D’une part, parce que c’est habile, au cas où le correcteur ne penserait pas la même chose, mais aussi parce que tout texte littéraire n’a pas un sens unique, celui que voulait donner l’auteur, mais permet des interprétations qui peuvent être différentes selon les lecteurs. Et ce, même si, bien sûr, le texte a des droits, ou, pour citer un éminent professeur de première : « En français, on peut dire tout, mais pas n’importe quoi ».

Phrases courtes, bonne orthographe, bonne ponctuation

Pour le plan, il n’est plus exigé de suivre deux ou trois parties, même si c’est conseillé. En revanche, il doit être structuré et progressif, allant du plus simple au plus compliqué, ou exposant ce qui est le plus clair avant de révéler ce qui semble caché. Il n’existe pas aujourd’hui sur Éduscol de document portant sur le commentaire alors qu’il y en a un sur la dissertation, mais l’heure est à une plus grande tolérance face aux copies qui auront su analyser un texte et l’interpréter de manière personnelle, et ce même si les sacro-saintes trois parties ne sont pas respectées. 

Ne pas oublier de se conformer aux normes linguistiques. Faire des phrases courtes, bien orthographiées et bien ponctuées et ne pas réserver la relecture à la toute fin, quand les forces manquent. Relire plutôt chaque sous-partie à mesure de la progression en vérifiant qu’elle est pertinente et se rattache bien au plan. Si des idées nouvelles sont venues, on peut les rattacher à l’ensemble du devoir, comme s’il s’agissait de coudre différentes pièces d’un habit. Les connecteurs logiques permettent de rester connecté au correcteur[5]. Penser à émailler le devoir de mots de vocabulaire précis, notamment des verbes qui font briller la copie et esquiver la paraphrase[6].

Le commentaire est comme la dissertation un exercice d’argumentation. En conclusion, ne pas hésiter, donc, à reprendre l’annonce de plan en le modifiant légèrement. Au lieu d’annoncer la démonstration au futur, c’est au passé composé que peut se faire le rappel : la preuve a été bien été faite de ce qui était proposé. Et pour ouvrir à la fin, pourquoi ne pas évoquer un autre texte ou une œuvre d’art familiers ? Cela permet de montrer qu’on sait faire des liens entre une œuvre jusque-là inconnue et des éléments de culture personnelle, y compris très contemporaine : rien ne fera plus plaisir au correcteur qui pensera, peut-être, que le commentaire a été choisi non par paresse, mais pas véritable goût littéraire !

M.-A. C.

Lire également l’article d’Antony Soron : « Ultimes conseils pour une préparation en urgence à la dissertation du bac de français ».

Notes

[1] https://cache.media.education.gouv.fr/file/45/75/0/ensel620_annexe1_1428750.pdf
[2] https://www.aefe.fr/vie-du-reseau/zoom-sur/le-baccalaureat-dans-le-reseau-scolaire-mondial/edition-2021
[3] https://youtu.be/90sO2bqr42Y
[4] https://youtu.be/nJj63IU2RvM
[5] https://youtu.be/ERO6AOUcK_U
[6] https://youtu.be/-VAPukeUP1Y


L’École des lettres est une revue indépendante éditée par l’école des loisirs. Certains articles sont en accès libre, d’autres comme les séquences pédagogiques sont accessibles aux abonnés.

Marie-Astrid Clair
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