Conseils de rentrée aux professeurs stagiaires de lettres


Le présent document ne prétend pas délivrer une parole absolue susceptible de résoudre tous les problèmes posés au sujet de la première rentrée d’un enseignant.
À visée synthétique et pragmatique, il se donne simplement comme objectif de répondre aux premières questions pratiques que chaque professeur de lettres débutant dans le métier en collège et en lycée est en droit de formuler.

 Questions de positionnement

La rentrée arrivant à grand pas après l’obtention du concours, on sera enclin à anticiper certains situations à venir, notamment en fonction des informations éparses que l’on a pu glaner auprès de différents interlocuteurs ou à partir de témoignages issus d’Internet. Or, le fait de débuter dans un métier peut être propice, à mesure que septembre approche, à une vague de doutes tout particulièrement sur son statut et sur la légitimité de sa présence face aux élèves, aux parents et aux collègues.
D’où la nécessité d’assumer pleinement sa nouvelle fonction de professeur stagiaire sans pour autant chercher à s’en faire un bouclier. Être stagiaire signifie que l’on est en situation d’apprentissage d’un métier soit. Toutefois, cette situation ne doit pas aboutir à un phénomène d’infériorisation, ni face à l’administration, ni face aux collègues, ni face aux élèves.
• Sur le plan administratif, il est nécessaire de se convaincre qu’il n’y a aucune question « bête ». Absolument aucune ! Le droit de poser des questions sur des points que l’on ignore doit même devenir un devoir prioritaire du professeur en formation. Néanmoins, autant s’y résoudre tout de suite, impossible de tout savoir immédiatement. Il s’agit d’ailleurs du premier conseil à donner à un débutant. Chercher à s’informer est totalement légitime mais vouloir absolument avoir tout compris avant la rentrée reste fondamentalement anxiogène. L’assimilation de tous les codes du métier prendra un certain temps !
Sur le plan de la relation avec les collègues, il faut partir du principe que comme tout rapport humain, elle ne s’établira pas de facto : elle nécessitera une construction à moyen terme. Il faut donc ici encore ne pas tout attendre trop tôt d’autrui. La rentrée, faut-il s’en persuader, est difficile pour chacun et pas simplement pour un professeur stagiaire. Par là même, l’intégration dans un établissement scolaire présuppose d’admettre que tout le monde ne sera pas uniquement préoccupé par le cas particulier d’un débutant dans le métier nouvellement affecté dans l’établissement.
D’où le conseil suivant, ne pas demeurer unilatéralement dans une demande « pour soi » mais accepter d’entendre aussi les possibles interrogations des autres, qui, insistons-y, malgré leur expérience, vivent leur rentrée avec parfois les mêmes doutes qu’au premier jour.
Attention tout de même à ne pas se laisser bercer par certains discours dits d’expérience ! Autant il est fondamental de rester attentif aux conseils ; autant il faut se méfier des commandements définitifs ou des points de vue péremptoires du type « Ici, les élèves sont comme ci » ou « Il faut faire comme ça » reposant sur une appréciation coutumière.
Sur le plan de relation avec les élèves, il convient de retenir un point central. Le premier est que seule la prise de contact avec eux pourra permettre de jauger leur façon d’être en classe et de présumer si le vivre ensemble sera plus ou moins contrarié. La première semaine de cours a par conséquent valeur de premier test. Attention cependant à ne pas la considérer comme définitivement probante même si elle se passe correctement. Dans le métier, on parle en effet du « charme de la nouveauté » dans la mesure où une fois passée la trêve de la rentrée, les comportements peuvent rapidement changer du tout au tout.
En ce sens, il convient non pas de surjouer une autorité factice mais de faire preuve de fermeté. Et ce, dès cette fameuse première semaine et même dès la première prise de contact même si inconsciemment chacun rêverait sans doute de mener sa première séance sans avoir déjà à poser son autorité d’adulte.
D’où le conseil de bon sens le plus simple qui soit : ne pas accepter qu’un élève parle en même temps que soi. Leur demander de lever le doigt pour prendre la parole ne constitue pas une exigence à reporter. Si cela n’est pas fait par temps calme, comment espérer mettre en place ce protocole de communication scolaire quand la situation de classe deviendra un peu moins gérable ?
Ce premier conseil est induit par un état de fait quasi universel mais parfois difficile à intégrer immédiatement pour un professeur stagiaire fraîchement sorti de l’université. Les élèves n’attendent pas une proximité vis-à-vis de leur professeur ; ils espèrent une présence référentielle. Il s’agit par conséquent d’assumer pleinement les dimensions éducatives du métier comme, à titre exemplaire : faire l’appel !

Questions programmatiques

Programmer et anticiper constituent les maîtres-mots du langage professionnel d’un enseignant. Pourtant, ici encore, il est nécessaire de nuancer cet « impératif catégorique » notamment dans le cas spécifique d’un professeur stagiaire. L’angoisse de ne pas être prêt pour la rentrée, de ne pas avoir prévu sa programmation pédagogique annuelle, d’entendre des collègues annoncer fièrement qu’ils appréhendent parfaitement la progression du travail classe par classe, de septembre à juin, est inévitable.
Cela étant, il s’agit ici d’être raisonnable et mesuré. Appréhender le plus précisément possible des textes programmatiques des classes que l’on aura en responsabilité demeure évidemment fondamental. S’en pénétrer en même temps que se remémorer des œuvres plus ou moins oubliées car lues il y a longtemps, cela fait partie du travail préparatoire à mener au cours de la saison estivale.
Néanmoins, gare au désir immédiat d’exhaustivité ! Aucune programmation ne peut (et ne doit) être considérée définitive au mois d’août. Elle n’aurait d’ailleurs rigoureusement aucun sens sans avoir jamais été en contact avec les élèves. En conséquence, sur le plan de la conception des cours, il est admis de réfléchir en termes de périodes. L’idée étant d’assurer des paliers de préparation d’une façon tout aussi raisonnable que pragmatique.
Trois périodes donc, d’inégale durée, seraient à envisager que l’on peut préciser comme suit :
• La première revient à la première semaine de cours.
• La seconde mène jusqu’aux vacances de Toussaint.
• La troisième court après ces vacances jusqu’à la fin de l’année.
La première semaine (voire les deux premières semaines si l’on tient compte des aléas du début d’année), reste une période à part entière : elle a pour fonction d’expérimenter une relation de confiance entre soi et le groupe-classe et d’installer les modalités du vivre-ensemble.
Sur le plan didactique, elle suppose le choix d’un texte « zéro », à valeur de support de départ, pas nécessairement repris lors d’une séquence à venir. Un récit (nouvelle, conte, fable) mais aussi un texte poétique peut tout à fait convenir. L’enjeu étant de mesurer comment les élèves appréhendent et questionnent un texte littéraire en classe et corrélativement comment il est possible de mener son « étude » en collaborant avec eux.
Sur cette période, il s’agit prioritairement de tester sa communication avec les élèves. L’objectif premier consiste à chercher à être le plus explicite possible tout en observant leurs modes de réaction aux premiers apprentissages mis en place. Évidemment, les élèves ne sont pas des cobayes ni la classe un champ d’expériences. Néanmoins, cette première semaine doit permettre de « mesurer la température du groupe-classe » et corrélativement de moduler par exemple son propre débit de paroles souvent trop rapide. En tout état de cause, la première semaine correspondant à la mise en route du travail scolaire a tout lieu de permettre de se représenter concrètement et in situ la réalité de l’enseignement.
Il faut en général quelques heures avant que ses propres présupposés sur le comportement ou le niveau des élèves par rapport à un niveau donné ne soient radicalement bouleversés, et ce pour le plus grand bien de la relation pédagogique qui va se tisser au fil des semaines.
La période suivante est longue (six semaines en gros). Elle coïncide généralement avec le démarrage d’une première séquence ainsi naturellement et quasi universellement avec les premiers problèmes de programmation (impliquant un déphasage entre la conception et la mise en œuvre des séances). D’où la nécessité de se donner des objectifs raisonnables.
L’expérience montre en effet que les professeurs stagiaires sont en septembre en état de « surconscience professionnelle » du fait notamment de la double exigence de leur tuteur « établissement » et de leur tuteur « ÉSPÉ ». Dans ce contexte, ils tendent à envisager des séquences et des séances trop lourdes et de fait intenables dans le temps réel imparti. Selon cette perspective, un conseil simple peut être formulé : ne pas chercher à vouloir tout dire sur un texte donné (ou sur une notion linguistique) mais assumer des choix en privilégiant toujours l’essentiel (l’indispensable à savoir) sur le secondaire (ce qui relève d’un détail à court terme).
L’empilage de connaissances artificiellement acquises n’ayant aucune véritable finalité pédagogique, il s’agit de privilégier une compréhension suffisante des textes proposés, pour en rester à l’explication de textes en classe. L’adjectif « suffisante » semble assez parlant dans la mesure où il fait écho à la question liminaire de toute préparation de séance : « Qu’est-il souhaitable que les élèves aient compris au moment où la sonnerie retentit (soit après 45 minutes réelles de travail) ? »
L’appel à la modestie de la préparation s’appuie sur le fait que beaucoup de premières séquences conçues par les professeurs stagiaires de lettres demeurent trop longues, pour ne pas dire infinies. Et ce même en lycée où l’illusion de la duplication possible du savoir universitaire demeure en règle générale un peu plus tenace qu’en collège. Or, en pédagogie, qu’on se le dise, « il faut savoir mettre fin à une séquence ! »  Pour ce faire, il importe de ne pas se fixer prioritairement un objectif quantitatif. En effet, une phrase régulièrement entendue en salle des professeurs comme « J’ai “fait” dix textes avec mes élèves » ne veut rien dire en soi. Qui plus est, elle ne certifie rien de très tangible en matière de connaissances acquises. L’idée reste par conséquent de jouer sur plusieurs critères :
• ne pas proposer que des textes longs (35/45 lignes) au fil de la séquence ;
• ne pas s’engager uniquement en classe dans des lectures analytiques ;
• (et surtout) ne pas envisager la séquence comme l’addition d’explications de textes.
En tout état de cause, sur la période allant de la rentrée aux vacances de Toussaint, il faut éviter d’en rester à une seule séquence, et ce, même si le volume horaire accordé à la seconde séquence mise en œuvre reste inférieur à celui accordé à la première.
La troisième période sera nécessairement découpée en plusieurs phases délimitées par les vacances scolaires de Noël, d’Hiver et de Printemps. Néanmoins, il s’agit bien d’une troisième période en elle-même du point de vue de la conception même des séquences.
En effet, autant la première période était le lieu de l’expérimentation supposant une programmation un tant soit peu aléatoire et soumise de fait à de multiples retouches voire réfections, autant la suivante invite à un travail de conception plus rigoureux car répondant à la réalité des classes en responsabilité. En clair, les vacances de Toussaint permettront de « penser » les prochaines situations de classe en fonction de ce qui est a été vécu et « digéré » depuis le début de l’année. On conviendra ici de l’importance décisive des « vacances » scolaires pour le professeur stagiaire auquel elles vont permettre de gagner pour ainsi dire un temps d’avance.
Autant il est normal de moduler une préparation de cours en fonction de la situation d’apprentissage impliquée par la séance d’avant ; autant il est risqué de s’en tenir exclusivement à des préparations de la veille pour le lendemain.
La recherche du temps gagné
Au moment d’entrer de plain-pied dans la conception de sa programmation pédagogique, une problématique cruciale se pose que l’on est à même de synthétiser en une question toute simple : « D’où partir ? » Tout professeur stagiaire se heurte en effet inévitablement à une interrogation absolument légitime sur les supports à privilégier pour construire ses cours. Et en même temps, du fait même d’une année probatoire sur le plan professionnel, l’idée de reproduire des éléments pédagogiques existants a tout lieu de susciter des réserves.
Pourtant, il faut être clair à ce sujet a fortiori dans le cadre d’une entrée en matière dans le métier. Ignorer la réalité de séquences déjà conçues au profit d’une conception strictement originale n’est pas forcément la bonne manière d’envisager les choses. À titre d’exemple, il peut être intéressant de se référer à l’existant au début de l’année, quand tout est encore très flou dans son approche des apprentissages (modalités, démarches, progression). En conséquence, il n’est pas interdit d’utiliser des séquences bien conçues à condition simplement de ne pas les considérer comme des assurances tout risques. Il s’agira simplement d’un cadre ou si l’on préfère d’une structure permettant d’aider à sa première planification sur plusieurs semaines. En aucun cas bien sûr, il ne faudra considérer une séquence (fût-elle parfaitement conçue) comme universelle !
Pour être encore plus précis, en admettant que le professeur stagiaire ait deux classes en responsabilité et en insistant une nouvelle fois sur un des maîtres-mots du métier, « anticipation », on imagine bien la triple difficulté qui se pose à lui :
• préparer le cours suivant pour l’une et l’autre de ses classes (court terme) ;
• envisager la suite de la séquence dont les évaluations (moyen terme) ;
• concevoir la séquence suivante (relatif long terme).
D’où la nécessité, d’envisager sa programmation à partir de bases pédagogiques effectives. C’est notamment au cours de la première période qu’il faut savoir s’assurer et se rassurer en prenant appui sur des séquences préconçues. Il va sans dire que la demande des tuteurs (établissement et ÉSPÉ ira dans le sens d’une préparation personnelle et qu’aucun des deux ne souscrira à l’adoption servile d’une séquence récupérée sur Internet sans le moindre recul critique. Toutefois, leur demande, tout particulièrement en début d’année scolaire, se situera au premier chef sur la façon d’appréhender les élèves ainsi que sur la manière d’organiser le travail de la classe.
Il convient par conséquent de partir de l’idée que l’on ne peut pas tout faire en même temps au risque de se noyer trop vite dans une somme d’exigences ingérable à court terme.

Le charme des séances pluvieuses de fin d’après-midi

Apprendre le métier de professeur de lettres revient à intégrer l’idée qu’une séance sur le papier n’a rien à voir avec une séance « pour de vrai ». Autrement dit, il s’agit d’admettre l’évidence que la mise en œuvre du travail en classe répond à un certain nombre de paramètres empiriques. En clair, la programmation d’une semaine de cours ne consiste pas simplement à remplir des cases « créneau-horaire ». Il s’agit avant toute chose d’être pragmatique.
On retiendra par exemple qu’une séance de 8 h à 9 h n’a rien à voir avec une autre de 15 h 30 à 16 h 30, sans compter bien entendu tous les aléas qui peuvent survenir de l’une à l’autre. Ce qui signifie que la préparation des séances justifie de tenir compte aussi des créneaux horaires qui leur sont dédiés. À ce titre, il importe de porter son attention sur l’alternance écrit/oral. En effet, une séance fondée a priori majoritairement sur l’oral à un moment de la journée particulièrement effusif peut être très risquée du point de vue de la « gestion de classe ».
En ce sens, notamment en début d’année, où le professeur stagiaire reste en plein tâtonnement, privilégiant de fait l’expérimentation sur la méthode, il apparaît raisonnable de ne pas renoncer à des pratiques traditionnelles faussement archaïques. Il n’est donc pas interdit par exemple de faire « copier » les élèves ! Ne serait-ce que parce que cela est susceptible de les calmer ! Il n’y a rien de foncièrement rétrograde dans cette proposition même si évidemment, une séance ne peut raisonnablement se résumer à une prise de cours. L’idée consiste plutôt ici à rappeler (et même à marteler) qu’en français, de la sixième à la terminale, les élèves doivent écrire et non se contenter de prises de paroles.
Cette prescription reste d’autant plus essentielle que le professeur stagiaire (en situation de « surconscience professionnelle » répétons-le) demeure en quête naturelle de rythme voire d’intensité de cours : rythme et/ou intensité intenable de facto dans la continuité des séances à mener au fil d’une journée et des semaines où forcément à un moment ou à un autre la fatigue se fait jour.
Il apparaît par conséquent décisif de faire écrire les élèves ou pour l’exprimer d’une manière plus mordante, ne pas craindre de les faire travailler ! Or, dans les faits de classe observés au cours des mois d’octobre / novembre, on est souvent amené à constater le décalage entre le travail intense du professeur et la relative passivité d’une classe qui reste en position d’attente, voire de spectateur. Ce qui présuppose dans le temps de préparation d’une séance de se poser a minima deux questions déterminantes :
• (Bien sûr) Qu’est-ce que les élèves sont censés apprendre ?
•  (Mais aussi) Quelles activités auront-ils à réaliser ?
Un bon moyen mnémotechnique pour se souvenir de l’exigence d’activités des élèves au cours de sa conception de séance : prévoir une première feuille dédiée à la mise en forme de l’architecture de la séance et prévoir une deuxième feuille (préfigurant le brouillon des élèves)  où seront notifiées les tâches écrites qu’ils seront censé accomplir en classe.

Le temps de la confrontation

Débats sur l’utilisation de séquences déjà conçues mais aussi sur l’usage du manuel des élèves, débats sur les modalités de travail des élèves mais aussi sur la façon d’assurer son autorité ; ne nous y trompons pas, le charme du métier et corrélativement sa foncière difficulté tient au fait que l’incertitude y règne en maître et que par là même le doute y est de rigueur. Ce qui d’évidence n’est pas pour rassurer un professeur débutant qui n’aimerait rient tant que des principes, des règles voire des vérités pédagogiques posées comme absolues et universelles.
D’où l’attente de « recettes » tout particulièrement en début d’année et de la formulation de « ce qui marche ». Or, même s’il s’agit d’un métier qui s’apprend, il serait illusoire d’espérer de la bouche de quiconque la formulation de vérités pédagogiques définitives. En effet, chaque professeur construit ses propres pratiques à partir de ses connaissances, de sa relation aux élèves et plus globalement, de sa propre personnalité.
On comprendra dès lors aisément combien il est difficile pour un professeur stagiaire de ne pas entendre un même son de cloche alors même qu’il demeure en pleine phase de questionnement sur à peu près tous les tenants et aboutissants de la carrière qu’il commence tout juste à embrasser. Dans ce contexte, il est commun, à un moment ou à un autre, qu’il tienne grief à tous ceux qui l’accompagnent dans sa formation de ne pas tenir exactement le même discours.
Il convient donc d’insister sur une idée fondamentale en matière d’enseignement. Si l’on avait des certitudes, elles seraient communiquées sous la forme de commandements définitifs ! Or, les variations programmatiques autant que les modulations de méthodes, cent fois remises sur le métier depuis les premiers temps de l’école obligatoire, ne font qu’indiquer la difficulté de trouver la bonne façon de faire apprendre les élèves. D’où la nécessité, même si cela est très difficile au tout début de carrière au moment précis où l’est le plus en quête de balises, d’accepter la confrontation pédagogique. Toutefois, autant s’en convaincre très en amont de sa carrière : un enseignant, quel que soit son domaine, reste avant tout un chercheur ; et ce même s’il est doté de nombreuses années d’expérience !
Cette observation entraîne deux conséquences par rapport à la posture à adopter par le professeur stagiaire. D’une part, ne pas se crisper face à ce qu’il présume comme des injonctions paradoxales du type « On ne nous a pas dit cela à l’École supérieure du professorat et de l’éducation ». D’autre part, tout en étant à l’écoute des conseils, ne pas rechercher pour faire bonne figure, l’adoption totale des prescriptions données. En clair, il faut être ouvert aux conseils mais ne pas espérer de formules toutes faites. Ce qui marche dans la classe d’un professeur en fonction de sa personnalité pédagogique ne marche pas forcément chez un autre !

Les maîtres-mots de l’enseignement du français

Ils tiennent en trois verbe d’action : LIRE – DIRE – ÉCRIRE. Ce sont eux par conséquent que l’on doit notifier en préambule de chaque préparation de séquence et de séance :
• En quoi, tel ou tel cours va-t-il contribuer à augmenter les compétences de lecture des élèves ?
• Dans quelle mesure, cherche-t-il à développer telle ou telle compétence d’écriture ?
Ce type de questionnement reste décisif pour qui commence à concevoir des séances pédagogiques de français.
« LIRE » d’abord. Verbe d’action clef car l’on imagine difficilement une séance sans support textuel même minimal. Lire, c’est-à-dire déchiffrer un énoncé et le comprendre : ce qui constitue la raison d’être de la majorité des séances de français. Mais lire revient aussi pour le professeur à questionner les modalités de la lecture : à haute voix, en silence ? Or, pour un élève, lire à haute-voix ne va pas de soi : il s’agit donc inévitablement d’une compétence à travailler. Ici se situe bien l’enjeu premier de la séance de français. Il s’agit de développer des compétences : mieux lire un texte à haute-voix en constitue une parmi d’autres.
« DIRE » ensuite. Car on parle beaucoup en cours de français. Mais « dire » ne signifie pas « tchatcher », ou si l’on préfère, parler à bâtons rompus. Dire revient aussi à écouter les autres, à partager des idées avec autrui même quand on n’est pas d’accord. Dire revient par conséquent à communiquer : ce qui suppose des contraintes linguistiques comme le choix d’un vocabulaire adéquat.
En clair, le matériau verbal produit naturellement par les élèves constitue une matière première qu’il faut savoir travailler en vue de son amélioration. L’utilisation systématique d’une locution figée comme « genre : il…  », par exemple, devra être reprise en vue d’une reformulation. Améliorer l’expression des élèves reste par conséquent un objectif primordial de la sixième à la terminale. Cette attention portée à leur langage même n’est d’ailleurs pas sans incidence sur la gestion de la classe. Ne pas laisser dire tout et n’importe quoi / tout et n’importe comment, va en effet à l’encontre d’une tendance très à la mode chez les jeunes à l’expression libre sur les forums.
« ÉCRIRE » enfin. Car il s’agit sans doute d’un objectif à sérieusement renforcer dans les classes. Toutes les études montrent – et cela commence à l’école élémentaire – que les élèves n’écrivent pas assez. Or, dans ce domaine tout particulièrement, il n’y a pas de progrès sans entraînement quotidien. Mais faire écrire les élèves, comme on s’en doute, n’est pas chose aisée.
Pour un professeur stagiaire, la réticence peut venir de l’idée reçue de la cassure du rythme d’une séance générée par les échanges oraux. Pourtant, il faut se convaincre très vite qu’aucune séance de peut s’abstraire de l’impératif catégorique de faire écrire les élèves. Quand on dit écrire, évidemment, on tend à ouvrir un spectre assez large mais il ne faut pas simplement entendre, copie du cours.
On pourra demander par exemple un court commentaire sur le comportement d’un personnage, la reformulation d’une situation énoncée dans la première partie d’un texte ou encore l’anticipation de la fin d’un récit. Les programmes de collège figurant sur le site eduscol donnent d’ailleurs différents exemples de possibles situations d’écriture. L’essentiel étant de garder en tête que 10 minutes de temps d’écriture par séance restent un minimum ! Et encore une fois, on s’aperçoit des différentes vertus de la mise en œuvre rituelle des temps d’écriture notamment sur la gestion de la classe. En effet, faire écrire les élèves impliquent qu’une bonne partie d’entre eux entre dans une activité autonome : ce qui laisse enfin un peu de temps pour aider les élèves en situation de blocage ou tout au moins de questionnement.
Si l’on ne fait jamais écrire les élèves (utilisation du brouillon à renforcer) on en reste à une gestion massive de la classe sans véritable possibilité d’individualisation.

Heureux qui comme un professeur de lettres stagiaire

Entrer dans une classe revient à entrer en scène, à se découvrir, à développer une forme de personnalité pédagogique à la fois proche de soi et quelque peu différente. En ce sens, le plus beau métier du monde reste fondamentalement un métier à risques ou pour le dire sans jeu de mots, un métier qui confère nécessairement des prises de risques. Un métier surtout sur lequel il faut parier.
Dans les premiers temps bien entendu, le défi semblera immense, d’autant plus la société française a développé une curieuse méfiance pour son école et corrélativement une certaine défiance vis-à-vis des professionnels de l’enseignement. Toutefois, les profs heureux existent et sont nombreux. Évidemment, chacun a ses trucs ou ses recettes mais à bien les observer à la fois en situation et en conversation, on peut tirer clefs intéressantes pour un professeur débutant.
En premier lieu, il faut être convaincu. Ce qui veut dire à titre à titre exemplaire que l’on ne choisit pas un texte par hasard. De ce point de vue, les programmes « prescriptifs » n’ont en revanche rien d’injonctif. On choisit un texte parce qu’on croit en lui ou tout moins que l’on présume qu’il va parler aux élèves et les faire parler !
En second lieu, il faut être simple. L’art de la pédagogie en effet revient fondamentalement et quel que soit le niveau de classe considéré à aller du plus simple au plus compliqué.
Enfin, il faut être patient. Ce qui revient à admettre l’idée que tout apprentissage sérieux prend du temps au même titre que l’acquisition efficace de méthodes de travail. En ce sens, une séquence n’a pas pour fonction de tout résoudre. En pédagogie, on se doit d’avancer pas à pas et selon cette perspective, on a le droit de dire par exemple aux élèves : « Ce point on l’abordera plus tard car pour l’instant il faut s’assurer que l’on a bien compris cet autre point ».
Apprendre à ne pas trop en dire, apprendre à répéter les idées essentielles, apprendre à faire reformuler par les élèves un point de cours un tant soit peu abscons, tels peuvent apparaître les premiers paliers de la maturation professionnelle. Cette dernière prescription demeure sans doute la plus banale de celles énoncées dans ce document. Elle n’en demeure pas moins décisive. En effet, l’enseignement efficace repose d’abord sur la confiance en son bon sens et son intuition.
Confiance, bon sens, intuition. Trois derniers maîtres-mots à se répéter en boucle au moment d’ouvrir la porte de sa classe alors que les élèves ne sont encore qu’à la grille de leur établissement et qu’ils piaffent d’impatience de découvrir le visage de leur nouveau professeur de français.
Bonne rentrée !

Antony Soron, ÉSPÉ Sorbonne Université

•  Conseils pour une première prise en charge de sa classe par le professeur de lettres, par Antony Soron.

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• Voir également sur ce site : Premier poste, dix conseils pour entrer dans le métier, par Thérèse De Paulis.
Conseils pratiques pour les nouveaux professeurs de lettres, par Antony Soron.
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Antony Soron
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